Simulacron 3 – Daniel F. Galouye

Simulacron 3

De Daniel F. Galouye

Folio SF – 272 pages

En 2034, Douglas Hall prend la tête du projet Simulacron 3 après le décès de son inventeur Hannon Fuller. Qu’est-ce que le Simulacron 3 ? Un simulateur d’environnement total, une réalité virtuelle créée pour la “recherche” marketing. Dans la société de Hall, les sondages d’opinion sont invasifs. Lorsqu’un Observateur vous aborde pour vous sonder vous n’avez pas d’autres choix que de dire oui. Le Simulacron 3 risque de mettre au chômage les milliers d’Observateurs et l’AOCC (Association des Observateurs de Comportements Certifiés) ne compte pas se laisser faire. En plus de cet enjeu Hall découvre que son patron, Siskin, n’a pas les mêmes objectifs humanistes que lui : il est déterminé à mettre à disposition du Parti la puissance du Simulateur pour obtenir un poste de gouverneur de l’État. Et pour s’assurer de la pleine et entière coopération de Hall, il est prêt à lui mettre sur le dos la mort de Fuller qui pourrait bien ne pas être accidentelle. Hall décide donc d’enquêter mais certains témoins disparaissent… Peu à peu Hall se rend compte qu’il est peut-être lui-même plongé dans un simulateur…

Simulacron 3 a été écrit en 1964. A l’époque ce roman révolutionnaire a ouvert une voie nouvelle. Pour imaginer une enquête haletante dans une réalité virtuelle (à une époque où les ordinateurs – des calculateurs en fait – ressemblaient à ceci ou à cela) doublée d’un questionnement sur la matérialité, la réalité de l’existence, l’identité et l’humanité… il fallait être un visionnaire. Ce roman innovant et étonnant a très vite acquis le statut de « classique de la SF ». Lu en 2010 par un lecteur (une lectrice en fait) né l’année du décès de l’auteur (1976) qui a vu Matrix (les trois, et les trois au cinéma, si, si), possède deux PC dont la puissance de calcul n’a plus rien de comparable avec les ordinosaures qui font tourner le Simulacron 3 et qui a lu d’autres romans mettant en scène des univers virtuels, force est d’avouer que ce classique a pris un léger coup de vieux. D’une part sur les descriptions technologiques : le simulateur est hébergé dans un immeuble de plusieurs étages, les bandes convoyeuses ont remplacé les trottoirs, on se déplace dans des voitures volantes… Heureusement cela ne gêne en rien la lecture car le roman repose plus sur la réflexion que sur la technologie. D’autre part sur sa narration, devenue elle aussi assez classique. J’ai tout vu venir de loin (on repassera donc pour l’enquête haletante) y compris la mise en abyme finale. Heureusement l’enquête en elle-même n’est pas le pivot du livre. Quel est le pivot de Simulacron 3 alors s’il ne s’agit ni de la technologie, ni de l’enquête ? Ce que j’annonçais plus haut : la réflexion sur la matérialité, la réalité de l’existence, l’identité et l’humanité, l’existence d’une entité (d’un « Dieu » ?) omniscient, omnipotent…  Et cette réflexion, vertigineuse, n’a pas pris une ride rendant le livre incontournable encore à notre époque. L’effet est encore renforcé par la narration à la première personne qui crée une intimité avec le personnage principal et qui plonge le lecteur dans un questionnement sans fin et sans réponses. Court, rapide et facile à lire ce livre se révèle d’une profondeur qui secoue encore aujourd’hui.

Extraits :
Le disque brillant de la pleine lune transformait le plexidôme de l’aérocar en une coupole laiteuse et argentée qui répandait sa douce lumière sur le visage de la jeune fille assise à mes côtés.
Réservée, distante, les yeux fixés sur la route qui se déroulait silencieusement devant l’aérocar porté par son coussin d’air, Jinx ressemblait à une fragile porcelaine prête à s’effriter sous l’assaut duveteux de la lumière lunaire.

Cette épouvantable notion attaquait les fondements mêmes de ma raison. Chaque personne, chaque objet, les murs qui m’entouraient, le sol sous mes pieds, les étoiles infiniment lointaines… rien que d’ingénieux artifices. Un environnement artificiel. Une création simulectronique. Un monde d’illusions immatérielles. Un jeu finement équilibré de charges électroniques galopant sur des tambours ou des bandes, sautant de cathodes en anodes, transmettant les stimuli de grilles polarisées.

Je repoussai quelques mèches de mon front et regardai autour de moi mon monde factice. Il me hurla en plein visage que le spectacle perçu par mes yeux n’était qu’une illusion subjective simulectronique. Je cherchai en vain à me raccrocher à quelque chose de concret pour atténuer l’énormité de ce concept.
Même s’il existait un monde physique, matériel, ne serait-il pas rien pourtant ? A des milliards d’années-lumière de la plus éloignée des étoiles dans la plus lointaine des galaxies s’étendait une vaste mer, presque complétement vide, jonchée ici et là de grains infinitésimaux d’une chose appelée « matière ». Mais la matière elle-même était insaisissable comme le vide infini entre les immenses étoiles, les planètes et les univers. En fin de compte, elle était composée de particules « subatomiques » qui n’étaient en réalité que des « charges » immatérielles. Était-ce là le concept complètement fou qu’avait découvert le Dr Fuller… que la matière et le mouvement n’étaient que les reflets de charges électroniques dans un simulateur ?

Simulacron 3 a été adapté en série télévisée en Allemagne (Le Monde sur le fil) en 1973 et au cinéma en 1999 (Passé Virtuel).

Consulter la bibliographie de l’auteur sur le Répertoire de la Science-Fiction.

Cet article a 6 commentaires

  1. Lhisbei

    je n’avais pas vu ton billet. hop hop hop j’ajoute ton lien…[]

  2. El Jc

    Effectivement un peu daté. Mais à côté de ça quel plaisir de lecture et quelle mise en abime de la réalité. Contemporain de K. Dick on y retrouve presque les mêmes questionnements. Une excellente découverte.

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