Mémoires d’un Maître Faussaire – William Heaney

Mémoires d’un Maître Faussaire

De William Heaney

Bragelonne – 336 pages

Voici le récit autobiographique de William Heaney, divorcé, père de trois enfants dont le cadet s’est transformé en ado anglais snobinard. Amateur éclairé de vin, il dirige une organisation d’aide aux jeunes et subventionne GoPoint, un refuge pour SDF tenu par la lumineuse Antonia. Une vie bien rangée, de quadragénaire normal. Mais William Heaney n’est pas normal. Il est faussaire de son état. Aidé de Stinx, imprimeur et artiste en contrefaçon, il fabrique des livres introuvables qu’il vend aux collectionneurs sans la moindre honte, puisqu’il verse les bénéfices à GoPoint. Mais ce n’est pas tout. William voit des démons. Tous les démons. Et des démons, il en existe un paquet : 1 567 ont été recensés. Sa faculté de les voir date d’un évènement particulier du temps de l’université. Son moyen de leur échapper ? In vino…

Alternant passé et présent, souvenirs lointains ou récents, William nous livre son histoire, avec une pointe d’humour et dans un style contemporain et très proche du lecteur. Suivre son récit est un vrai plaisir. Tous les ingrédients sont là pour entrâiner le lecteur dans la danse : l’humour, l’émotion, des personnages intéressants (comme celui de Seamus, SDF hanté par ses souvenirs de la guerre du Golfe). Les pages se tournent toutes seules grâce aussi à des chapitres courts et riches en dialogues. Le fantastique, léger, est à peine esquissé alors ne vous attendez pas à une histoire de lutte à mort contre les démons avec rituels et action toutes les deux pages. Mémoires d’un Maître Faussaire est plus le récit d’une vie d’aujourd’hui, dans le style “ma vie, mes amours, mes emmerdes”, d’un type qui a le malheur de voir avec acuité le surnaturel qui nous entoure à chaque instant.

William Heaney est un maître faussaire jusqu’au bout puisqu’il n’existe pas. Derrière ce pseudonyme se cache Graham Joyce auteur, entre autres romans, du très apprécié Lignes de vie. Dans Mémoires d’un Maître Faussaire j’ai retrouvé la patte de l’auteur même si le roman n’a pas la force de Lignes de vie. Une mention aussi pour la belle couverrture de Fabrice Borio.

Des extraits :
« On se retrouva au Windsor Castle de Notting Hill. C’téait elle qui avait choisi l’endroit, mais je le connaissais bien. En fait, je connais tous les pubs. Je pourrais vous raconter toute l’histoire récente de Londres à travers ses auberges et hostelleries, mais ça vous gaverait vite. Ou vous expliquer sa géographie à travers les itinéraires choisis par les haquetiers. Comme je m’y connais également un peu sur les ombres qui hantent les tavernes, je savais parfaitement, avant qu’elle e, parle, ce qui est enterré dans les caves du Windsor Castle.
Chaque pub a ses ombres. Enfin, pas tous ; mais ceux qui n’en ont pas ne méritent pas qu’on s’y arrête. J’ai une théorie selon laquelle l’ensemble des pubs forment une encyclopédie des démons. Le Windsor Castle est effectivement lugubre et ombrageux ; entièrement lambrissé et séparé en sections distinctes par des portes taillées à même le bois à travers lesquelles il faut passer. »

« Le temps ne guérit rien. Il ne répare rien. Le passage de toutes ces journées n’apaisent en rien la douleur, l’angoisse, la trahison, le chagrin, pas plus qu’il n’efface les images, les odeurs et les sons des souvenirs joyeux. Qui a lâché en premier lieu le démon de ce grand mensonge ? Quel menteur a déclaré ça en essayant de faire preuve de gentillesse ? D’offrir du réconfort ?
Je savais à quel point j’avais blessé Mandy et j’en avais constamment souffert depuis. Elle avait peut-être remisé cette douleur dans une zone d’oubli. Mais on ne peut pas l’éliminer. Tout ce qu’on peut faire, c’est l’enfermer dans une cave, tourner la clé et faire semblant de ne pas l’entendre se déchaîner. »

Cet article a 2 commentaires

  1. NicK

    Ta chronique me laisse perplexe… Il est juste bien, bien ou alors nul ce livre ? C’est un peu flou. Et par rapport aux autre romans de l’auteur ? J’ai toujours un peu de mal avec les auteurs connus qui utilisent des pseudos en plus. J’ai l’impression qu’ils sont honteux de leur roman.
    NicK.

  2. Lhisbei

    @ Nick : par rapport à [I]Lignes de vie[/I] il est un cran en dessous. Par rapport à [I]En attendant l’orage[/I] on est un cran au dessus (je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ce roman lu il y a quelques années).
    [I]Mémoires d’un maître faussaire[/I] n’est pas le roman du siècle mais un beau conte de Noël porté par une voix qui sonne juste. Pas exceptionnel donc et dans ton échelle de notation je dirais “juste bon” (mais je pense aussi qu’il ne te plaira pas)

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