New Victoria – Lia Habel

New Victoria

De Lia Habel

Bragelonne – 432 pages

Une fois n’est pas coutume, je pose une étiquette précise sur ce roman : romance steampunk adolescente victorienne post apocalyptique niaise avec des zombies. Et voici pourquoi…

Romance : Nora, jeune fille de bonne famille, va, à la suite d’évènements particulièrement éprouvants (un enlèvement suivi d’une plongée directe dans une guerre qui ne la concerne qu’indirectement), tombe tout doucement amoureuse d’un soldat dont les yeux laiteux s’expliquent par le fait qu’il est mort depuis deux ans et pour lequel le terme zombie s’applique fort bien à décrire son état. Ha ! Il s’appelle Bram au fait.

Steampunk : des dirigeables, des machines cuivre et vapeur côtoient tablettes numériques et des téléphones portables. Internet s’appelle Aethernet. Et il y a des télescopes de poche (les amateurs d’astronomie jugeront de la crédibilité de l’engin) :
« Franco ouvrit une poche de son gilet militaire et en sortit un petit télescope à vision nocturne. Je le pris et ôtai l’embout de protection de l’objectif tandis qu’il m’indiquait où regarder. Je m’exécutai et aperçus le sommet du char que le soldat venait de mentionner ; deux des jambes e, acier et une partie du corps s’élevaient au dessus des arbres à quelques mètres de là. Il avait raison … cet engin était gigantesque. Pas étonnant que les zombies l’aient attaqué. Ce truc aurait attiré l’attention à des kilomètres à la ronde.
Je lui rendis le télescope. »

Adolescent : Nora est une adolescente avec des problèmes d’adolescentes : son horrible tante va l’obliger à trouver un bon parti à marier (seul moyen de s’élever dans la société victorienne n’est-ce pas) alors que cela ne fait même pas un an que son père est mort, son amie Pamela est pauvre et se fait martyriser par les pimbêches de l’école etc. Heureusement cela ne dure pas trop longtemps : page 60, Nora se retrouve projetée dans un monde beaucoup plus terre à terre, entourée de morts-vivants et à la recherche de son père, qui est bien mort mais s’est réveillé zombie et qui, avant de disparaître à nouveau quelque part en Bolivie, était à deux doigts de découvrir un vaccin contre le virus responsable de la transformation en zombie (la maladie a même un nom : le Lazare). Bien entendu ses permiers émois amoureux seront ceux d’une adolescente (souvenez-vous, les filles, dans quel état vous vous mettiez quand votre amoureux osait enfin vous prendre la main quand vous avez 14 ans)

Victorien : robes et bonnes manières, place de la femme (sois belle et tais-toi), modèle politique anglais (la royauté de Victoria en moins et il faut avouer que cela fait beaucoup tout de même), conservatisme de bon aloi. Les rebelles sont appelés des Punks (yes! ). Évidemment l’attitude se doit d’être victorienne jusqu’au bout des ongles. Si vous venez de faire une crise de colère (on dit hystérie féminine à cete époque) comme Nora, suivez son attitude à la lettre : « Je posai avec précaution le bout des doigts sur mon front, et pris de profondes inspirations pour essayer de retrouver mon sang-froid ».

Post-apolcalyptique : nous sommes en 2195 ou dans ces eaux-là. Le monde a subi des catastrophes naturelles en pagaille – refroissement ou réchauffement climatique allez savoir. Les pôles ont disparu dans sous des « chapes de glace meurtrières. » Tout le monde se les pêle et migre vers l’équateur. La surpopulation menace (on creuse des villes sous terre, les plus pauvres vivent au sous-sol) même si les épidémies et les famines déciment les populations.
« Des pays avaient été totalement balayés de la surface du globe par des tempêtes cataclysmiques. Cuba, l’Indonésie, l’Angleterre, le Japon. Tous avaient disparu.
La planète toute entière soufrait mais les Amériques selon moi, enduraient plus que leur lot de catastrophes. »
Ok Nora, néo-victorienne ou pas tu restes très américano-centrée dans dans tes analyses.

Je reviendrais sur le niais tout à l’heure, parlons plutôt des zombies. Mais attention il y a les gentils zombies – ceux qui se sont réveillés peu de temps après leur mort et dont le cerveau n’a pas manqué assez longtemps d’oxygène pour perdre la tête – et les méchants zombies (les autres donc, qui ne pensent qu’à bouffer de la chair humaine). Les méchants zombies sont le plus souvent idiots en groupe mais commandés par un vrai méchant ils peuvent être dangereux. La preuve :
« Les méchants sont de féroces machines à tuer, dénuées de raison, et dont il semble exister plusieurs espèces. Il y a les loups solitaires, qui cherchent leurs proies là où ils peuvent. Il y a les zombies, qui forment des sortes de meutes afin de chasser en groupe. Et puis il y a ceux qui portent un uniforme gris et sont au service d’un chef mystérieux dont la base se trouve dans un lieu inconnu, et dont on ignore les motivations”.
– C’est assez effrayant, avouai-je avec sincérité en me remémorant les monstres en uniformes. »

Faut-il vraiment revenir sur le niais ? Lia Habel a mis dans New Victoria tout ce qu’elle aimait. Nous avons donc un patchwork d’influences et de documentation mais plutôt mal digérés et surtout régurgités sans tri, sans discernement (ex : Pam est bonne tireuse à l’arc et se rejoue un cross-over de Hunger Games et Resident Evil) eta vec parfois un manque de crédibilité sur la physiologie du zombie (ils ne sentent rien alors qu’ils se décomposent mais Nora peut sentir l’odeur de Bram sur les vêtements de ce dernier, certains zombies peuvent retirer à loisir leur oeil mais une fois remis en place il fonctionne parfaitement etc). Elle est jeune (une vingtaine d’année), a suivi des cours de lettres et s’est montrée attentive en classe. Le roman se révèle bien structuré : alternance des points de vue entre les personnages principaux (Bram, Nora) et les personnages secondaires (Pamela, Chas (soldate zombie et amie de Bram), Wolfe (soldat humain et bourreau de Bram)) et alternance des trames narratives qui font avancer lentement mais sûrement l’intrigue (intrigue qui ne brille cependant pas par son originalité). Mais il n’échappe pas aux erreurs de jeunesse : l’exposé/cours d’histoire du monde au début, le long passage discursif du méchant agent double à la fin, une happy end dégoulinante avec ouverture vers un tome deux expédiée. L’auteur manque de maturité dans son écriture. Et quand on lit la présentation de l’auteur par l’éditeur, on en pleurerait presque de rire :
Lia Habel a une vingtaine d’années et vit dans l’ouest de l’État de New York. Elle est fascinée par les monstres depuis sa plus tendre enfance – avec des geeks pour parents, il fallait s’y attendre ! Sa passion pour les zombies et tout ce qui se rapporte à l’époque victorienne ont fini par la pousser à écrire New Victoria. Avant de trouver un agent, Lia a dû enchaîner les petits boulots pour s’en sortir. Aujourd’hui, l’écriture est son activité principale.

Puisqu’on parle de l’éditeur, revenons sur la particularité de New Victoria. Le roman a été publié simultanément dans une collection pour adulte (Bragelonne donc) et dans une collection young adult (Castelmore). Je ne connais pas assez le catalogue de Castelmore pour savoir si New Victoria y a sa place mais, une chose est sûre, il n’a rien a faire dans celui de Bragelonne. Pour un adulte un peu exigeant, de l’édition en Bragelonne, il n’y a que la couverture de Didier Graffet à sauver. Je lis avec plaisir du young adult (je reviendrai bientôt sur Béhémoth de Scott Westerfeld et sur La Geste d’Alban de Jean-Luc Marcastel qui sont deux exemples non exclusifs de ce qui peut se faire de bon en YA) mais ce roman-là, même s’il contient des trouvailles sympathiques et donne l’impression d’avoir été écrit avec enthousiasme et plaisir, n’en est pas moins inabouti.

Et nous terminerons sur cet extrait, un dialogue entre Chas (diminutif de Chasteté), zombie, soldate chargée de relooker Nora pour l’entraînement (elle va apprendre à combattre et à se servir d’une double-faux) et Nora. Le point de vue adopté est celui de Nora :
« J’avais l’air d’une catin.
– Je trouve ça adorable, espèce de mannequin.
J’étais affublée d’une jupe noire bouffante qui m’arrivait au genou et dont la forme en cloche était donnée par une courte crinoline placée dessous, de bas noirs et de cuissardes noires. Je portais également un chemisier blanc rentré dans la jupe et dont les manches m’arrivaient au coude. Chas avait attaché mes cheveux en arrière avec un ruban blanc afin qu’ils ne me gênent pas.
– On ne voit même pas vos jambes ! Et quand vous aurez un étui à pistolet à la cuisse… Oh là là, ce sera trop mignon.
– C’est complètement indécent ! ».

Indécent et, en outre, guère pratique pour combattre…

  • Lire les avis de Boulevard des passions, Zina, Liliebook, Cookies, reveline, Poisonlilli, Sokitty, Mutinelle, Iryss, Anne-C,
  • Coup de coeur de Marie, vendeuse à la Fnac de Belfort : « Lia Habel réussit ici un mélange habile et exaltant, laissant la part belle à l’action sans négliger la romance. Faisant fi des préjugés, les personnages possèdent un caractère bien trempé, et les demoiselles en jupons ne sont pas les dernières à se battre !! »

Challenge Fins du monde

Cet article a 18 commentaires

  1. Acr0

    J’en parlais avec la bloggeuse Mutinelle venue ce week-end chez moi. J’ai lu sa chronique vendredi matin et elle avait beaucoup de mal à y coller réellement une étiquette (surtout qu’elle n’est pas forcément fana de zombies). Je vois que t’as réussi à bien délimier : “romance steampunk adolescente victorienne post apocalyptique niaise avec des zombies.” Sisi, apparemment il y a bien sa place chez Castelmore La couverture est plus attirante pour les petites nenettes que celles de Bragelonne (pour avoir eu les deux bouquins en main)
    Bon, c’est dommage d’avoir publié ce livre si l’histoire n’était pas assez peaufinée :/ Quand même quand je vois l’ombrelle et le jupon, j’ai quand même pensé à Taribotti (bon, tu noteras ma culture)

  2. Plume

    Malgré une très belle couverture (celle de Bragelonne je précise), je vais passer mon tour avec bonheur

  3. Lhisbei

    @ Acr0 : ah Le protectorat de l’ombrelle à côté c’est du caviar avec une maîtrise de la langue écrite, un style très particulier et une traduction à la hauteur. Pas l’impression qu’on ait tout ça ici. Je sais que ce billet va en décourager plus d’un mais c’est une des rares fois que je pense que ce premier roman aurait du rester dans son tiroir. (en tout cas pour une collection adulte)
    @ Plume : je ne vais pas essayer de te faire faire le contraire :p

  4. Olya

    A défaut de m’avoir donné envie de lire le livre, tu m’as bien fait marrer avec certains points de ta chronique En tout cas, effectivement, la couverture de chez Brage (pas vu celle de Castelmore) est vraiment superbe !

  5. Gromovar

    Très drôle.
    Juste trois remarques. D’abord je remercie Arioch de ne pas connaître Marie, vendeuse à la FNAC. Ensuite, et au risque de paraître pontifiant, la qualité probable de la chose se voyait comme le nez au milieu de la figure. Enfin, les “petits boulots” qu’on fait pour “s’en sortir’ avant de devenir un écrivain talentueux, ça me fait toujours penser à Dave Vanian qui avant d’être le chanteur des Damned avait été fossoyeur. Je trouve qu’après ça, il n’est plus décent pour quiconque d’utiliser cet argumentaire.
    Tiens, restons dan la musique. Tempêtes et Amérique ayant plus que leur lot de catastrophes m’évoque les paroles du chef d’oeuvre d’esay listening d’Ink Spots “Très drôle.
    Juste trois remarques. D’abord je remercie Arioch de ne pas connaître Marie, vendeuse à la FNAC. Ensuite, et au risque de paraître pontifiant, la qualité probable de la chose se voyait comme le nez au milieu de la figure. Enfin, les “petits boulots” qu’on fait pour “s’en sortir’ avant de devenir un écrivain talentueux, ça me fait toujours penser à Dave Vanian qui avant d’être le chanteur des Damned avait été fossoyeur. Je trouve qu’après ça, il n’est plus décent pour quiconque d’utiliser cet argumentaire.
    Tiens, restons dans la musique. Tempêtes et Amérique ayant plus que leur lot de catastrophes m’évoquent ironiquement les paroles d’Ink Spots “Into each life some rain must fall
    But too much is falling in mine”

  6. yueyin

    mouhahaha je m’en doutais hein, mais si je tombe dessus à l’occasion (je n’irai pas me m’acheter quand même) je jetterai un oeil parce que quand même ça a l’air croquignolet ! Je trouve dommage quand même que les éditeurs toujours en chasse de nouvelles séries YA ne soient pas u tantinet plus difficile ou du moisn qu’ils ne fassent pas retravailler certains textes avant publication

  7. Suny

    Ben pour ma part, j’ai bien aimé. Bon, je sais, je suis [S]bonne poire[/S] bon public, mais avant toute chose, ce que j’attends de mes lectures c’est qu’elles me divertissent et j’ai trouvé ça très divertissant ^^
    Cela dit, je n’en ai pas moins apprécié ta critique

  8. Tigger Lilly

    Je suis triste pour la couverture. Elle est si belle, quel gâchis :'(

  9. Lune

    Pareil que Gromovar, t’façon les coups de coeur Fnac hein ! J’connais une vendeuse Fnac spécialisée SF qui a écrit dans son blog (la blague déjà) que Gaïa est un chef d’oeuvre.
    On garde la couv’ alors.

  10. Laila

    Oh… merci !
    Et bien… tu viens de m’éviter un achat pour ma bibliothèque ! Le “pitch” de l’éditeur (différent du quatrième de couverture) m’avait intrigué. Et comme j’ai de la difficulté à choisir des romans fantasy/sf/etc., je l’avais mis dans mon panier virtuel à notre librarie… mais j’avais des doutes, donc je n’avais pas encore fait la commande. Je me suis dit… voyons voir si Lhisbei en fait une critique… on verra après. Et puis, non, je mets l’argent de la bibliothèque ailleurs !!! Merci, merci, merci !

  11. Bertrand

    Maaaaîtressseuh !
    Chère Maîtresse,
    Je vois que l’inspiration est revenue (et pas à la vitesse d’un zombie tentant de rattraper sa victime avec 2 jambes en état de décomposition avancée)… En tout cas je suis ravi de t’avoir expédié ce livre ;o)
    Pour ma part j’en suis vers les 260 pages et je lutte Maîtresse. Mon cerveau se désagrège, les connexions neuronales flanchent les unes après les autres. C’est dur. Mais promis, dès que j’aurai fini de m’enfoncer ce livre dans la crâne, je t’enverrai ma chronique. D’ici peu… J’espère, je lutte Maîtresse ! Votre dévoué serviteur, à jamais.
    Zombertrand

  12. Vert

    Pour un peu ça me donnerait presque envie de le lire tiens (mais en l’empruntant à la bibliothèque juste pour rire hein [Cheese])
    Magnifique ta chronique en tout cas, elle m’a tellement happé que je suis en train de te laisser un commentaire là, au lieu d’avancer dans mon taf… [heuu hum]

  13. Lelf

    Tu m’as pourri mon groove xD
    J’avais très envie de le lire, ayant vu de bons retours en VO et trouvant ce joyeux bordel plutôt attirant. Maintenant, vu le pavé, j’ai plus franchement envie. Mais comme je l’ai, faudrait, quand même. :/
    (Et tapez pas sur la Fnac, y’a des vrais libraires avec des vrais goûts dedans aussi, faut pas croire.)

  14. NicK

    J’ai vu l’objet du délit à la librairie S. Il ne faut pas se laisser avoir par la couverture en fait. [Cheese]

  15. shaya

    Lu également (vive le boulot et les emprunts). J’avoue m’être demandé ce que ça foutait là, sans savoir qu’il y avait une édition Castelmore. Il est très young-adult, mais pour le coup, en ayant besoin d’une lecture où il faut pas réfléchir, c’est assez bien passé, même si la romance est très mal faite à mon goût, et où l’ouverture vers un second tome est grosse comme une maison.

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