Silo – Hugh Howey

Silo

De Hugh Howey

Actes Sud – 560 pages et 5 épisodes en numérique

Silo est le premier ouvrage d’une nouvelle collection des éditions Actes Sud, collection consacrée à la SF et baptisée Exofictions. Ce premier titre porte un message et donne une idée de ce qu’on pourra trouver dans cette collection. Porté par une belle campagne de presse, Silo promet beaucoup.La campagne de presse s’axe surtout sur l’histoire de Silo, une histoire qui s’apparente d’ailleurs plus à un compte de fées qu’autre chose. Auto-édité sous forme d’épisode en 2011 (sur Amazon faut-il le préciser) par Hugh Howey, Silo s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires en édition électronique aux États-Unis. Un éditeur, Simon & Schuster, a ensuite proposé un contrat d’édition papier. Le livres est aussi entré sur la liste des best-sellers. Évidemment le roman a été publié dans le reste du monde anglophone et est en cours de traduction en Europe. Et pour couronner le tout Les droits audiovisuels ont été achetés par la 20th Century Fox et Scott Free, la maison de production des frères Ridley et Tony Scott. Le scénario est en cours d’écriture. La campagne de promo s’axe donc plus sur l’histoire du bouquin que sur l’histoire contenue dans le bouquin. Alors que trouve-t-on dans le Silo de Hugh Howey ? Le roman tient-il ses promesses ?

Avant d’évoquer l’intrigue, les personnages et tous ces détails triviaux (je ne parlerai pas de la couverture que je trouve, pour le coup, repoussante), penchons-nous sur le style de l’auteur, un style très littéraire, très riche, et une belle plume (doublé ici d’une bonne traduction). Pour autant Silo emprunte au thriller et a un sens du suspense fort à propos ce qui équilibre les descriptions très fournies (et parfois digressives). Sur la forme, Silo place la barre haut et s’il est représentatif de ce que la collection Exofictions veut offrir, on peut s’attendre à du lourd et à du bon.

Examinons le fond, à présent. Dans un futur post-apocalyptique indéterminé, la population s’est réfugiée dans un silo de 144 étages, silo qui s’enfonce profondément sous terre. Silo offre donc une plongée, parfois vertigineuse, dans une société complète, vivant en autarcie par obligation et disposant de normes sociales très strictes – cloisonnement, régulation des naissances, tabous sur l’extérieur ou sur l’histoire même du silo, rôle utile de chacun (avec une conception de l’apprentissage des métiers assez intéressante)  – ses castes ou hiérarchies sociales (plus on descend dans les étages, plus on trouve de travailleurs techniques ou manuels par exemple), ses privilégiés (le DIT, département informatique, très puissant), ses élites etc. Le roman débute très bien avec une focale sur le shérif Holston qui, perturbé par le suicide de sa femme (suicide qui consiste à sortir du silo pour mourir empoisonné par l’air toxique du dehors tout en effectuant une dernière tâche utile : nettoyer les objectifs des caméras postées à l’extérieur), finit lui aussi par mettre fin à ses jours. Cette partie, très percutante, où l’auteur n’hésite pas à torturer psychologiquement son personnages et à déflorer une partie des éléments importants du fonctionnement du silo m’a parue excellente. L’atmospère oppressante et pessimiste m’a aussi séduite. Hugh Howey s’attache ensuite aux destins d’autres personnages avec plus ou moins de bonheur mais toujours un sens aigu de la psychologie. Le périple de madame le maire et du shérif adjoint vers les profondeurs du silo pour retrouver Juliette, la jeune fille qu’ils ont choisie pour succéder à Holston, est aussi superbe. En plus de nous faire découvrir au fil des étages l’organisation de la vie du silo, l’auteur offre aussi un magnifique texte, émouvant (le maire en profite pour tirer un bilan de sa vie, professionnelle et personnelle) et tragique (les histoires d’amour finissent mal en général). C’est aussi à partir de ce moment que Hugh Howey introduit des éléments bien plus classiques dans son intrigue : complots d’ordres politiques, début d’insurrection mais avec des ficelles un peu trop visibles et une narration moins éclatée. J’ai décroché à ce moment là. Et toute la partie où l’auteur se focalise sur Juliette m’a parue bien longue à lire. J’ai trouvé que l’auteur tirait un peu trop sur la corde et s’accordait quelques facilités pour que les pièces du puzzle s’emboitent à merveille. La fin, très ouverte, permet aussi de s’affranchir du silo et ouvre des perspectives plus vastes. Pour autant, je ne pense pas poursuivre l’aventure.

Au final que dire de Silo ? Que Actes Sud aurait pu bien plus mal choisir le premier ouvrage de sa nouvelle collection de SF. Silo pourrait bien séduire des non-lecteurs de SF et constitue une belle entrée en matière et dans le genre. Pour les lecteurs habitués à la SF (qui finissent tous aigris, c’est bien connu), Silo ne convainc qu’à moitié (ou pour être plus juste, jusqu’au deux tiers).

Cet article a 13 commentaires

  1. Escrocgriffe

    Je n’ai pas lu tout ton article en entier pour ne pas me gâcher la lecture car je ne l’ai pas encore fini, mais je te rejoins quand tu écris que “sur la forme, Silo place la barre haut”… L’épisode 1 est quasi parfait !

  2. Lhisbei

    @Escrogriffe : l’épisode 1 c’est “Holston” ? Si oui, oui il est quasi parfait. C’est après que ça se gâte …

  3. Brize

    Allez, pour le moment, je zappe ton billet, car “Silo” est ma prochaine lecture. Je viendrai comparer mes impressions aux tiennes après !

  4. Lelf

    Ah moi aussi j’ai trouvé la dernière partie plus longue et moins intéressante. Mais les 3 premiers épisodes étaient vraiment chouettes. Je pense tenter la suite, histoire de voir. Mais j’espère y trouver plus qu’une continuité de l’épisode 5 parce que ça manquera clairement de quelque chose.

  5. Acr0

    J’ai particulièrement aimé les descriptions qui s’avèrent très fournies comme tu l’écris ; entrer dans la tête de ces personnages a bien fonctionné pour moi également.”Silo pourrait bien séduire des non-lecteurs de SF” je crois que je fais partie de ce lectorat-ci

  6. Cachou

    Convaincue moins qu’à moitié dans mon cas. J’avoue qu’en plus, je n’ai rien trouvé de spécial à l’écriture, qui n’a pas retenu mon attention. J’aurais souhaité un truc plus… je ne sais pas, mais plus pour débuter cette nouvelle collection.

  7. Lorhkan

    Une belle entrée en matière pour une nouvelle collection. Sans doute le bon choix pour Actes Sud (on verra les chiffres de vente), et peut-être pour l’éditeur le début d’une trilogie “locomotive” pour d’autres romans plus difficiles à vendre (je pense forcément au prochain Lafferty par exemple).
    Ho, et j’ai beaucoup aimé ce “Silo”, qui ne réinvente pas la poudre, mais fait dans l’efficacité.

  8. Nick_Holmes

    “Pour les lecteurs habitués à la SF (qui finissent tous aigris, c’est bien connu), Silo ne convainc qu’à moitié (ou pour être plus juste, jusqu’au deux tiers).”
    Pas convaincu par Clermont et c’est déjà beaucoup. Pour ne pas finir aigri complètement, j’ai vu les All Blacks. (oui je ne parle plus SF)

  9. yueyin

    bon ben je vais aller voir ça tiens, histoire de me faire mon opinion A te lire, ça rappelle un peu les monades urbaines de Silverberg en version souterraine

  10. Raven

    Je fais l’impasse sur Silo pour le moment, j’attends que toute l’effervescence autour tombe un peu, pour voir si finalement il me tente ou non !

  11. En effet, bonne entrée en matière pour cette collection et pour cette trilogie que j’ai terminée il y a quelques semaines, et dont j’ai fait ma rapide critique. Quelques lenteurs, des personnages un peu creux, mais un univers et un style passionnants. La trilogie reste un bon divertissement sans pour autant rejoindre les œuvres cultes de la SF.

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