Zombie nostalgie – Øystein Stene

Zombie-nostalgieZombie nostalgie

De Øystein Stene

Actes Sud Exofictions – 304 pages

Labofnia est une île qui n’existe pas. Les services de renseignements américains et européens se sont assurés qu’elle ne figurait sur aucune carte depuis sa découverte lors de la première guerre mondiale. Ridiculement petite – à peine 2km², elle abrite une population particulière qui grandit de jours en jours. Les Labofniens “naissent” sur l’île, adulte. Ils se réveillent engourdis, ignorent leur identité et n’ont aucun souvenir de leur vie passée, si tant est qu’ils ont eu une vie antérieure. Ils ne ressentent rien, ni le froid, ni la faim et n’ont besoin de ni de dormir, ni de respirer. Ils n’éprouvent aucune émotion, aucun désir propre. Leur corps sont froids, malhabiles et lents.
Quand Johannes van der Linden se réveille, nu, amnésique et engourdi, sur Labofnia, il est immédiatement pris en charge. L’administration de l’île lui donne un nom, lui trouve un logement chez l’habitant en attendant d’avoir son propre appartement, lui fait passer des tests et lui assigne la fonction de ,Puis, comme tous les autres Labofniens il est assigné à une tâche : documentaliste aux archives municipales.

Un nom. Et un métier. D’après les services d’accueil, c’est tout ce qu’un Labofnien a besoin de savoir sur lui-même et sur son rapport au monde.
Pour la plupart des gens, tout commence et tout se termine là. Pour moi aussi, cela aurait pu être le cas : j’aurais pu accepter mon nom, conserver mon poste, développer des routines susceptible d’être répétées à l’Infini. Peut-être à tout jamais.
Au lieu de cela, je suis maintenant en train d’écrire ce récit.
En rédigeant cette description de Labofnia, je romps apparemment avec tout ce qui caractérise la mentalité Labofnienne. Je ne revendique pourtant aucune qualité qui me distinguerait de n’importe quel Labofnien moyen. Pour expliquer ce que je fais ici, devant un liasse de papier qui ne cesse de grossir, avec un bras qui ne cesse de pousser, j’invoquerais plutôt les circonstances. Cela pourrait passer pour une sorte de fausse modestie. Or il n’en est rien. Ce récit, et les enseignements que le lecteur pourra en tirer sur Labofnia, a tout à perdre pour qu’on prenne mon attitude pour une humilité feinte. Mon existence a été le fruit d’une série de hasards. Par ailleurs, j’étais comme tout le monde : j’avais appris à parler de façon plus ou moins articulée, à me déplacer de manière fonctionnelle, à agir avec efficacité. Tout autant que l’histoire de Labofnia, mon histoire personnelle éclaire donc le thème que j’entends développer. Non pas parce que je croyais posséder ce qu’on appelle une personnalité ; au contraire, j’essayais sincèrement de me conformer à mon absence de personnalité. Les circonstances ont voulu que le gouvernement Labofnien ait cru pouvoir tirer partie de mes qualités, soigneusement évaluées par les services d’accueil.

Øystein Stene choisit d’alterner les chapitres où Johannes van der Linden raconte sa vie (non-vie ? simulacre de vie ?) et les chapitres qui expliquent l’histoire de Labofnia au travers des documents que Johannes récupère dans les archives municipales. Si le lecteur comprend vite que Johannes est un zombie (le suspens ne réside pas sur cet élément), la trajectoire et l’évolution de Johannes surprend à partir de la seconde moitié du récit. Le portrait de l’île prend aussi une nouvelle dimension au fur et à mesure de la découverte des documents et de l’apparition de Labofniens dissidents et clairvoyants. Øystein Stene inclut des éléments de l’histoire littéraire et cinématographique du zombie qui permettent une mise en abyme. La critique sociale n’est pas absente : l’île et ses habitants sont surveillés de près. La croissance de nombre de Labofniens inquiète : puisque personne n’y meurt, la surpopulation menace et l’émigration des habitants n’est pas une option. Quelles mesures mettre en place pour contenir les Lobfoniens ?

Le norvégien Øystein Stene signe un roman de zombies introspectif, sombre et éloigné des clichés du genre. Une réussite.

Cet article a 4 commentaires

  1. Lune

    Contente que ça t’ait plu, j’en ai un bon souvenir, une lecture assez sombre !

    1. Lhisbei

      Oui, c’est assez sombre, mais la fin est optimiste d’une certaine manière. Je commence à aimer les zombies, tant qu’ils ne se résument pas à des cadavres ambulants bouffeurs de chair humaine 🙂

    1. Lhisbei

      Tout à fait ; moi qui n’aime pas les zombies, j’ai d’autant plus apprécié 🙂

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