De Gaëlle Perrin-Guillet
Fleuve éditions, collection Outrefleuve – 224 pages
Dystopie
La Régulation se déroule en 2300, dans une société post-apocalyptique où les derniers vestiges de l’humanité sont confinés dans une enclave fortifiée. Protégée par d’énormes murs, cette enclave les isole des dangers extérieurs – créatures monstrueuses, phénomènes climatiques extrêmes qui ravagent la planète etc. Le récit s’ouvre sur l’annonce d’une Régulation, un événement redouté qui vise à prévenir la surpopulation en éliminant un certain nombre de citoyens de l’enclave. Huit individus sont sélectionnés pour devenir des régulateurs, et leur identité est soigneusement protégée. Chacun d’eux reçoit une liste de quatre personnes à éliminer. Bien que ces cibles soient choisies de manière aléatoire, chaque liste inclut invariablement le nom d’un autre régulateur, transformant la situation en un jeu mortel où seul un participant peut espérer survivre. La Régulation instille la peur et transforme une partie des citoyens en objets à éliminer pour maintenir l’équilibre des ressources et d’autres en tueurs sans scrupules, un processus déshumanisant.
Le pouvoir des DIX
Les habitants de cette enclave vivent sous l’autorité implacable des DIX, un groupe de dirigeants mystérieux qui règne depuis les hauteurs d’un imposant immeuble. Personne ne les a jamais vus en personne ; ils ne communiquent qu’à travers des écrans. Les DIX contrôlent les médias, manipulent l’information et surveillent la population en permanence, notamment grâce à des essaims de drones omniprésents. Au fil des chapitres, nous rencontrons une galerie de personnages, chacun réagissant différemment à la nouvelle qui leur annonce qu’ils sont les nouveaux régulateurs.Mais l’uatrice peen un chemin inattendu avec un groupe qui entre en rébellion et détroune les régulateurs de leur mission. Le récit contient quelques twists bien sentis, des révélations troublantes sur la véritable nature du pouvoir et les motivations cachées des DIX.
Gaëlle Perrin-Guillet réussit à instaurer une atmosphère à la fois tendue et angoissante, tout en soulevant des réflexions sur des thèmes d’actualité, notamment l’intelligence artificielle. Grâce à un ton proche du young adult, un style fluide et accessible, et des chapitres courts et percutants, le roman offre une immersion rapide dans son univers dystopique. J’aurais aimé un plus grand développement des personnages et de leurs motivations individuelles. Si des comparaisons avec d’autres dystopies, comme Hunger Games – l’une des références du genre – sont inévitables en raison de certaines similitudes narratives, l’histoire parvient à se distinguer par des rebondissements et révélations surprenantes, qu’il convient de ne pas déflorer ici.
À travers le prisme de la dystopie, l’auteur présente un monde où le contrôle et la peur dictent les comportements humains, soulevant des questions sur la moralité, le pouvoir et la résilience. La Régulation constitue une excellente porte d’entrée pour les nouveaux lecteurs du genre, tout en offrant une lecture stimulante à ceux qui s’intéressent aux enjeux sociétaux soulevés par les récits dystopiques.
Deux extraits
23 août 2026.
Extrait de l’interview du professeur Kelhermann.« Les intérêts financiers ont gouverné le monde durant des décennies. La croissance a été le pire ennemi de l’homme. Aujourd’hui, ce ne sont plus que catastrophes naturelles, épidémies et émeutes de gens chassés de chez eux par la montée des eaux, les vagues de chaleur ou les guerres qui en découlent. Nous en sommes à deux cent cinquante millions de morts en neuf mois. Et ce n’est que le début.
— Pensez-vous que nous pouvons encore faire machine arrière ?
— Il est trop tard.
— Trop tard ? C’est-à-dire ?
— Regardez encore le soleil se lever tant que vous le pouvez, Benjamin. Embrassez vos enfants, si vous en avez. Et si vous n’en avez pas, n’en faites surtout pas… »
— C’était il y a seize ans. On avait déjà connu des Régulations. Des petites dont on a à peine parlé, des plus importantes qui ont laissé des traces dans la Cité, tout dépendait du niveau de nos ressources à ce moment-là. La dernière a été particulièrement mouvementée. Un Régulateur avait été démasqué et tabassé à mort par la foule. Tous ceux qui avaient donné un coup de pied, même léger, se sont retrouvés Régulateurs à leur tour. Je ne te raconte pas le foin que ça a fait. Mais ça n’empêche pas les gens de continuer à se battre entre eux. Ils ont la mémoire courte et la trouille au ventre, ça fait faire des conneries à tout le monde. Je me souviens qu’Anna s’est levée ce matin-là avec un sourire éblouissant. Je lui ai demandé ce qui la mettait en joie comme ça et elle m’a simplement dit : « Nous avons échappé à la Régulation, sois heureux mon amour. » Effectivement, cela faisait plus de deux semaines que la Régulation avait commencé. Et généralement, à ce stade-là, il ne reste que des Régulateurs qui s’entretuent. Sauf que cette fois, le dernier Régulateur en avait décidé autrement. Il a attendu d’avoir le champ libre, que tous ses adversaires soient morts pour finir sa liste. Anna était la dernière. Elle est sortie pour aller au travail et n’est jamais rentrée. Il l’a cueillie dans une ruelle qu’elle avait l’habitude d’emprunter pour échapper à la foule hystérique de l’avenue. Comme toi ce matin.
Pour aller plus loin
- Lire les avis de De l’autre côté des livres, Le Nocher des livres, Les Blablas de Tachan, Collectif polar, Boojum, Le Bibliocosme.