Ce Bifrost n°116 consacre un dossier à Catherine Dufour, figure incontournable de la science-fiction française contemporaine. Il dresse le portrait de l’autrice, retrace plus de vingt-cinq ans de carrière et propose une bibliographie riche, comprenant des romans, des essais et de nombreuses nouvelles.
À travers une interview approfondie, l’autrice se livre avec sincérité et partage ses réflexions sur la condition féminine et son engagement en tant qu’écrivaine. Son esprit critique et son regard acéré sur les grandes questions sociétales, en particulier les droits des femmes, se conjuguent à un humour mordant donnant à ses propos force et profondeur.
Catherine Dufour a souvent changé d’éditeur, ce qui a conduit la revue à solliciter Audrey Petit, son éditrice en format poche, pour apporter un éclairage sur son parcours. Ce portrait, enrichi d’analyses critiques sur ses œuvres et accompagné d’une bibliographie complète réalisée par Alain Sprauel, dresse le tableau d’une autrice singulière, à la plume incisive et sans concession, que l’on apprécie particulièrement sur ce blog.
Parmi les rubriques habituelles de la revue, Erwann Perchoc propose une interview de Pascal Blanché, illustrateur, directeur artistique dans l’industrie du jeu pour Paroles d’illustrateurs. Le cahier critique couvre une grande partie de la production récente ; Philippe Boulier se penche sur les anthologies.
Dans la rubrique Scientifiction, Roland Lehoucq explore la géo-ingénierie et les solutions climatiques imaginées par la science-fiction pour refroidir la Terre, en s’appuyant sur Choc Terminal de Neal Stephenson et Le Ministère du Futur de Kim Stanley Robinson. (spoiler : envoyer du dioxyde de soufre dans la haute atmosphère ce n’est PAS une bonne idée)
Pour ce dernier numéro de 2024, le Prix des lecteurs de Bifrost 2024 est lancé, et il départagera huit nouvelles dans la catégorie « Nouvelle francophone » et huit autres dans la catégorie « Nouvelle étrangère ». Il me reste un mois pour lire les numéros 114 et 115 afin de pouvoir participer au vote.
Et si on passait aux nouvelles de ce Bifrost 116 à présent ?
Les Noumènes urbains de Catherine Dufour
Cette nouvelle s’inscrit dans l’univers de Les Champs de la Lune et prend place dans la cité soulunaire de Samuzette. Zsuzanna Kisz, 84 ans, enquête sur deux cadavres découverts en surface. Fidèle à son style réaliste, Catherine Dufour décrit une vie sur la Lune aux antipodes de la vision romantique de la conquête spatiale. Pas de dômes protecteurs, ni de terraformation. Ici, l’humanité s’enfouit dans les profondeurs lunaires pour échapper aux rayonnements solaires et à la régolithe, cette poussière lunaire abrasive et collante. L’existence est rude et précaire et l’humanité est assez rapidement confrontée à ses propres limites. La Terre, visible dans le ciel nocturne, se meurt lentement dans le ciel étoilé. La nouvelle explore les thèmes de l’identité, du poids du passé, et de la survie dans des environnements hostiles. Elle nous questionne aussi sur la manière dont les êtres humains exportent leurs problèmes existentiels et sociaux, même dans les colonies lointaines. Et sur la violence qui semble indissociable de l’être humain. Excellent, en somme.
La Zone de Ray Nayler
Sal, une technicienne, est confrontée à un problème technique sur un camion autonome en plein désert. Cette panne, anodine en apparence, devient un dilemme crucial, l’obligeant à faire des choix coûteux. Dans ce futur dystopique, où la rentabilité prime sur tout, chaque décision a un coût personnel et financier. La technologie, loin d’émanciper, se révèle un instrument de contrôle, renforçant l’asservissement et la déshumanisation des travailleurs. Un récit brutal et désenchanté, dévoilant un monde où l’humain est réduit à un rouage sacrifiable.
Les Nuits du Vertigo de Mélanie Fazi
Eliott, découvre le Vertigo, un cabaret mystérieux où les performances scéniques défient toute explication rationnelle. Dès qu’il franchit les portes de ce lieu envoûtant, il se sent étrangement en adéquation avec cet environnement fascinant et hors du temps. Dans ce monde, la frontière entre réalité et magie se brouille. Le Vertigo devient alors un catalyseur pour la quête d’identité d’Eliott.
L’écriture ciselée dépeint avec une grande sensibilité l’atmosphère singulière de ce club, entre rêve et réalité. Mélanie Fazi nous invite dans une atmosphère troublante et fantastique où les limites du réel s’effacent peu à peu.
La Symphonie des horlogers de Ken Liu
Dans cette nouvelle, Ken Liu explore le thème du temps en examinant comment sa mesure et sa perception varient selon les cultures et les espèces. Ce texte, se veut une réflexion / méditation à la fois érudite et poétique sur le rapport que nous entretenons avec le temps. Ceci dit, il m’a paru totalement hermétique.
En conclusion, ce Bifrost 116 vous est vivement recommandé.
Pour aller plus loin
- De Catherine Dufour sur le RSF Blog : Le Goût de l’immortalité, Ada ou la beauté des nombres, Au bal des absents
- De Ray Nayler sur le RSF Blog : Protectorats
- De Mélanie Fazi sur le RSF blog : Arlis des forains, Trois pépins du fruit des morts et Notre Dame aux Écailles, Le jardin des silences, Nous qui n’existons pas, « Le jardin des silences » (nouvelle seule), « Le Dit de la pleine lune », Bifrost n°77 – dossier Mélanie Fazi
- De Ken Liu sur le RSF Blog : La Ménagerie de papier, « L’erreur d’un seul bit », « Faits pour être ensemble », « Le Fardeau », « Souvenirs de ma mère », « Pensées et prières », « Sept Anniversaires »
- Lire les avis de Gromovar sur les nouvelles de Catherine Dufour et de Ray Nayler, du Dragon Galactique et des Lectures du Maki.
Bonne chance pour le rattrapage des numéros manquants et bonne découverte il y a quelques belles pièces ^^