Après nos premières impressions des Utopiales 2024, le billet sur les dédicaces, le focus sur les remises de prix, et les conférences inaugurales, évoquons les conférences jour par jour de cette édition 2024. On commence avec celles du jeudi
Nous sommes arrivés tôt pour assister, à 9h15, à la conférence / démonstration d’Estelle Blanquet, maître de conférences en didactique des sciences, intitulée Jouer avec les dissonances pour mieux apprendre en physique, présentée sur la Scène Shayol. Conçue comme un atelier pédagogique interactif, cette conférence avait pour objectif de déconstruire les idées préconçues qui freinent la compréhension de certains concepts scientifiques. Estelle Blanquet s’est appuyée sur des extraits de films de science-fiction comme Interstellar, Gravity, Seul sur Mars ou encore Passengers pour illustrer des notions clés : la pression, l’apesanteur, la gravité artificielle et la conservation du mouvement. En faisant participer activement le public, elle a démontré comment ces œuvres, au-delà de leur aspect divertissant, peuvent devenir de puissants outils pédagogiques. En conclusion, elle a encouragé chacun à regarder les films de science-fiction avec une perspective scientifique tout en cultivant un esprit critique. La conférence s’écoute ici et vous pouvez retrouver toutes les photos de M. Lhisbei ici.
A 10h30 je reste scène Shayol pour assister à l’enregistrement l’émission Mauvais genres de France Culture. L’émission, animée par François Angelier était consacrée à deux figures majeures de la littérature : H. P. Lovecraft, mis à l’honneur avec son entrée en Pléiade, et Ray Bradbury, avec la parution en Quarto de ses romans les plus célèbres. Pour en discuter, l’émission a donné la parole à Laurent Folliot, maître de conférences à Paris IV et spécialiste du romantisme anglais et Hubert Prolongeau, journaliste et auteur, avec des chroniques signées Sixtine Audebert et Jean-Luc Rivera. L’émission s’écoute ici et vous pouvez retrouver toutes les photos de M. Lhisbei ici.
M. Lhisbei est allé assister à la présentation du rapport annuel de L’observatoire de l’imaginaire 2024 à 10h45 pendant que j’écoutais Mauvais Genres (pas grave j’ai rattrapé cette conférence un peu plus tard). Après un panorama des parutions et tendances, dominées par la Romantasy, deux interventions ont enrichi la discussion.
Élodie Hommel, sociologue et enseignante à l’université Paul-Valéry de Montpellier 3, a présenté son étude sur les lecteurs de l’imaginaire, synthétisée dans son ouvrage L’imaginaire au fil des pages. Après avoir interrogé une quarantaine de jeunes adultes (20-35 ans), elle a observé que leurs motivations à lire de l’imaginaire sont liées à l’évasion et à la découverte de mondes alternatifs, tout en cherchant une identification aux personnages et des apprentissages. Elle a également noté des différences de genre : les hommes privilégient des thématiques scientifiques « dures » (physique, mathématiques), tandis que les femmes s’intéressent davantage à la biologie, la bioéthique et la psychologie des personnages.
Benjamine Cornuault, éditrice chez Sabran, a abordé le phénomène de la romantasy, un genre mêlant romance et fantasy. Elle a expliqué que la romance est au cœur de l’intrigue, avec une fin heureuse, et que ce genre séduit particulièrement un public jeune (15-35 ans), très actif sur les réseaux sociaux car peu visible dans les médias traditionnels. La romantasy, qui succède à la romance paranormale et découle de l’urban fantasy, plonge totalement dans des univers fantastiques, se détachant ainsi du réel et de la romance contemporaine. Toutes les photos de M.Lhisbei sont à retrouver ici. Et la conférence se visionne ci-dessous.
A 16h15, après une longue pause, direction la conférence Harmonie de l’Univers : du microcosme au macrocosme avec David Elbaz, astrophysicien, Bruno Lecigne, scénariste de bandes dessinées
Antoine Petiteau, astrophysicien spécialisé dans les ondes gravitationnelles et la cosmologie et Florence Porcel à la modération. Elle explore les concepts d’harmonie et de dissonance dans l’univers, en reliant astrophysique, cosmologie, philosophie, et narration.
David Elbaz souligne que l’univers émerge de brisures d’harmonie et de dissymétries. Ces déséquilibres créent un univers dynamique et vivant. Bruno Lecigne met en parallèle la dramaturgie et l’univers. Comme une bonne histoire naît d’un conflit, il explique que les systèmes solaires, tout comme les récits, se forment dans le chaos. Antoine Petiteau explique que l’univers, bien qu’apparenté à une harmonie cosmologique, est en réalité marqué par des phénomènes violents et conflictuels. David Elbaz évoque la « danse cosmique » des étoiles et galaxies, résultat de forces gravitationnelles. Bruno Lecigne explique comment ses bandes dessinées transforment les planètes en personnages avec des histoires fictives, tout en enseignant des faits scientifiques. Tous les intervenants concluent que l’univers, caractérisé par son dynamisme et sa violence, n’est pas en paix au sens statique du terme. Cependant, il peut être perçu comme « en harmonie » dans son mouvement perpétuel. L’harmonie semble davantage un concept lié aux récits humains sur l’univers qu’à l’univers lui-même. La conférence se visionne ici et s’écoute là. Et les photos de M. Lhisbei sont ici.
Et on termine avec la conférence de 17h30 sur L’extrême droite aux portes du pouvoir ? avec Cléo Collomb, philosophe des techniques et de la communication, Victor LaValle, auteur américain, Nicolas Martin journaliste et écrivain et Julien Guerry à la modération. La table ronde explore l’ascension de l’extrême droite dans les démocraties modernes. Quels signes marquent la banalisation de l’extrême droite et son arrivée au pouvoir ? À travers son roman dystopique Fragile/s, Nicolas Martin illustre la lente acceptation des idées extrémistes, comparant la société à une grenouille dans une casserole d’eau chauffée progressivement. Il dénonce les complicités politiques néolibérales qui ont « remis les clés de la maison » à l’extrême droite, facilitant son implantation. Cléo Collomb insiste sur la transformation des débats démocratiques. Le dialogue critique sain, essentiel à la démocratie, est remplacé par une logique d’antagonisme et de diabolisation des opposants. Et pour Victor LaValle, aux États-Unis, le phénomène est ancien et cyclique. Il le décrit comme une « hydre », où le suprémacisme blanc renaît sous de nouvelles formes. Il trouve néanmoins des raisons d’espérer dans les luttes historiques contre l’oppression (esclavage, ségrégation). Ils explorent ensuite le rôle des médias et des élites économiques dans la montée de l’extrême droite en France. La surexposition médiatique des figures d’extrême droite, comme Jean-Marie et Marine Le Pen, les milliardaires comme Vincent Bolloré qui utilisent leurs empires médiatiques pour promouvoir un programme réactionnaire. Cléo Collomb critique le rôle d’Internet dans la diffusion de propagandes et la simplification des discours politiques, souvent au détriment de la complexité démocratique. Les discours extrémistes s’appuient sur des « fake news » et une novlangue qui détruisent le cadre du débat rationnel. Les intervenants relient la montée de l’extrême droite aux effets du néolibéralisme, qui a creusé les inégalités sociales et détruit les services publics. Quels liens entre littérature et résistance ? Pour Victor LaValle la littérature peut inspirer avec des récits critiques et porteurs d’espoir. Nicolas Martin cite des autrices et auteurs modernes (comme Becky Chambers ou Ada Palmer) qui imaginent des futurs alternatifs harmonieux, opposés aux dystopies dominantes. Tous les intervenants appellent à des formes de résistance multiples et insistent sur l’urgence de lutter dès maintenant contre la banalisation des discours extrémistes et pour la préservation des valeurs démocratiques. La table ronde se visionne ici et les photos de M. Lhisbei se retrouvent ici.
Photos par C.Schlonsok tous droits réservés à l’auteur
Nous vous donnons rendez-vous ici dans quelques jours pour la suite des billets sur les conférences des Utopiales 2024.
Ping : Ils ont rejoint ma PAL (166) (et meilleurs voeux pour 2025) - RSF Blog