Véridienne, Récits du demi-loup T1 – Chloé Chevalier

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Récits du Demi-Loup T1

De Chloé Chevalier

Les Moutons électriques – epub 325 pages (384 pages version papier)

Le Royaume du Demi-Loup est gouverné par Aldemar. L’Histoire ne retiendra pas d’Aldemar qu’il fût un “grand roi”. Par facilité (parce que roi ce n’est pas un boulot simple), il confie une partie de son royaume, les Éponas, à son frère Caldamir, lui offrant les mêmes prérogatives et le titre d’Écho-du-Roi. Lui reste gouverner à Véridienne, la capitale du royaume. Avec une particularité : les troupes armées et l’élite de ces dernières, les Chats, sont à issues, basées et fidèles aux terres des Éponas avant tout. C’est là un grand risque que prend Aldemar. Ce n’est pas le seul. Aldemar a deux enfants : un fils Aldemor et une fille Malvane. Il envoie son fils, à peine sorti de l’enfance, guerroyer contre les Terres de l’Est. Toutes les guerres contre l’Est se sont soldées par des échecs cuisants, même si l’Est s’est toujours gardé de tenter une annexion du Demi-Loup. Aldemar a aussi trahi l’une des plus anciennes tradition du Demi-Loup. À sa naissance, chaque enfant de la famille royale se voit attribuer un Suivant : un enfant de même sexe né un jour après lui. Il est trouvé par le Roi en personne – obligé d’arpenter le royaume en personne pour dénicher l’enfant, dusse-t-il y passer des semaines – et arraché à sa famille pour intégrer la cour. Un Suivant ou une Suivante n’est pas un domestique ou un conseiller, il ne quitte plus le prince ou la princesse et entre dans l’ordre de succession. Il est arrivé, par le passé, que des Suivants accèdent au trône. La tradition, séculaire, est bafouée lorsque Aldemar dote sa fille, Malvane, de deux suivantes,  Cathelle et Nersès. Sa quête ayant été des plus difficiles, il a enfreint la première règle en ramenant Nersés, née deux jours après la Malvane. Cela porte malheur dans un royaume englué dans ses us et coutumes. Lorsque Caldamir décède, sa fille Calvina, fuit, accompagnée de sa suivante Lufthilde, à Véridienne.

Le premier tome des Récits du Demi-Loup se concentrent sur la jeunesse des deux princesses et des trois suivantes. Cinq jeunes filles aux relations compliquées, aux caractères bien trempés et qui me sont devenues très vite totalement insupportables. Il m’est arrivé, avec Véridienne, la même mésaventure qu’avec L’Assassin Royal. Le même agacement vis-à-vis des personnages – princesses gâtées qu’on laisse se gâter encore plus, suivantes écervelées, alternant gamineries et mesquineries dans une immaturité à faire pleurer – que vis à vis du geignard Fitz. Et le même ennui sur la durée de suivre leur vie et leurs aventures, même si le monde imaginé par Chloé Chevalier me semble bien plus riche et intéressant (la taille / place du Royaume du Demi-Loup dans l’ordre du monde et sa déliquescence notamment) que celui que proposait Robin Hobb (je m’attache peut-être plus aux détails à présent). Avec Fitz, j’avais tenu sur les deux premiers tomes publiés en poche et abandonné à la lecture du troisième. Ce qui a sauvé ma lecture de Véridienne, c’est sa construction narrative, admirable, à plusieurs voix et par le biais de journaux intimes, de rapports, de lettres. Bien entendu, au fur et à mesure que les cinq filles grandissent, les responsabilités de leur position les rattrapent et elles se réveillent. Leurs difficultés à les endosser sont amplifiées par leur manque d’éducation militaire, politique, stratégique. En conséquence, leurs actions restent d’une confondante naïveté. Tout au long de ma lecture, j’avais l’impression d’avoir en permanence sous le nez des ados capricieuses. Le tout est voulu, totalement maîtrisé et vraiment bien fait. Véridienne est, objectivement, un bon roman, un premier tome qui prend son temps pour installer une histoire prometteuse et des personnages réalistes. Cependant, quand, comme moi, on commence à apprécier le mécanisme de l’histoire plus que l’histoire elle-même, à chercher à les fils de causes et conséquences qui relient les actes des personnages, c’est bien le signe qu’on est “sorti” de sa lecture. Et que la rencontre ne se fait pas.  Je m’abstiendrai donc pour la suite.

« Votre nom ? demandai-je à brûle-pourpoint.
— Vernard, mon seigneur.
— Mon seigneur… répétai-je tout bas pour moi-même, sondant soudain avec effarement la distance qu’il y avait entre cet homme et moi, petit prince de douze ans qui déployait sa rhétorique pour soutirer son jugement à ce guerrier aux manières simples et rudes.
— Depuis combien de temps vous battez-vous pour nous, Vernard ?
— Ça va bien faire treize ou quatorze ans, mon seigneur.
— Et pourquoi avez-vous choisi cette vie ? »
Au regard qu’il me lança, je compris que jamais il ne s’était posé cette question. Je regardais encore le monde depuis la hauteur vertigineuse de mon rang royal et croyais naïvement que les hommes maîtrisaient leur destin et avaient tout le loisir de décider de ce qu’ils faisaient de leur existence. Pourtant, avais-je eu moi-même le moindre mot à dire quant à mon sort ? Vernard haussa les épaules, décontenancé.
« Ma foi, j’avais pas seize ans quand ma maison a brûlé. Y avait toute ma famille dedans, mes vieux parents, mes frères, ma sœur, même mes chiens. Du coup je me suis retrouvé tout seul et comme je ne savais rien faire, eh bien… L’armée, ça donne un toit et à manger, et ça paye même un peu, alors j’ai pas hésité longtemps. »
Je le regardai un moment, touché par son récit. Moi qui n’avais connu que la soie et le luxe, il me fallait apprendre, et au plus vite, qui étaient ces hommes qui composaient mon armée et le peuple que je gouvernerais un jour.
« Et êtes-vous heureux de votre sort ?
— Je ne sais pas, ça. Quand on n’a pas le choix, je crois qu’il vaut mieux pas trop se poser la question. Mais sinon oui, oui… Il me semble que je m’en tire pas trop mal. »

Cet article a 22 commentaires

  1. Rokdun

    Analyse très intéressante, merci !

  2. Phooka

    Dommage que la rencontre ne se soit pas faite. Pour ma part, tu le sais, je suis sous le charme! 😉

  3. Xapur

    Arf, dommage, mais ça arrive. Moi j’attends la suite avec impatience.

  4. Lorhkan

    La naïveté est parfois extrême oui, ça a failli me tuer d’ailleurs.
    Mais la dernière partie relance pas mal de choses, et je pense que le côté naïf va disparaître (avec un circonflexe !^^) puisque les jeunes femmes vont devoir devenir adultes très rapidement. L’avenir nous le dira.
    Enfin pas pour toi puisque elles t’ont vaincue. 😀

    1. Lhisbei

      Je lirai vos billets avec beaucoup d’attention du coup…

  5. yueyin

    Comme je fais partie de ceux qui ont lâché l’assassin royal en cours de route (au troisième ou quatrième tome je en sais plus… ) parce que je n’en pouvais plus du délayage (ou de ce que je vivais comme du délayage), je vais peut être passer sur ce coup là 🙂

  6. Acr0

    À l’inverse de toi, j’ai trouvé ces princesse très crédibles exactement pour les points que tu as cités 😉 Mais parfois, la rencontre avec le livre ne se réalise pas, et ce n’est pas grave.

    1. Lhisbei

      Je n’ai pas remis en cause leur crédibilité. Ceci dit elles m’ont exaspérées de bout en bout. Tout autant qu’Aldemar et son fils Aldemor qui reste, lui, trop naïf en dépit de la guerre sordide qu’il a vécu. C’est d’ailleurs le seul personnage qui me paraît manquer de cohérence dans son évolution. M’enfin, pas grave tout ça ^^ Je lirais ton billet sur la suite avec attention 🙂

  7. Vert

    En lisant le résumé j’étais à peu près sûre que ça ne passerait pas. Ceci dit ta comparaison avec Fitz me donne envie de lui laisser sa chance xD

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