C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc
De Lilian Bathelot
Pocket – 256 pages
Futur proche
2089, le monde est sous la coupe du G16, groupement de pays européens riches : une technologie de pointe – incluant des satellites de surveillance et des puces implantées chez ses ressortissants, garantit une sécurité absolue avec pour corollaire une liberté restreinte. Certains territoires résistent cependant : zones franches en Europe, territoires indigènes ayant recouvré une partie de leur autonomie comme la République inuit indépendante du Groënland dans le reste du monde. Au Groënland, justement Kisimiipunga mène sa Première Chasse, seule, une tradition ancestrale et une étape dans son parcours de vie qui marque le passage à l’âge adulte. Alors qu’elle dépèce le caribou qu’elle vient de tuer, elle sauve un traineau poursuivi par les loups. Son meneur est inconscient et les chiens d’attelage affolés. A bord se trouve Manuel Diaz, officier de la Sécurité nationale française, qui vient de disparaître des radars. Avec lui, elle comprend que ses recherches sur les narvals peuvent conduire à changer la marche du monde. Or les pays du G16 ne peuvent le tolérer.
Dualité sans opposition
La narration alterne entre deux trames et deux tons. La première dans les étendues blanches du Groënland avec Kisimii et Manuel Diaz se fait contemplative, poétique et philosophique. La seconde, au sein de la Sécurité nationale avec l’opération de La Gauffre et Damien Coste pour récupérer Diaz, se montre sèche, nerveuse. Les enjeux se révèlent peu à peu et c’est au Groënland que les deux arcs narratifs vont se croiser et les fils se dénouer. Pour chacune des trames, Lilian Bathelot fait le choix d’un narrateur omniscient ce qui n’empêche pas l’immersion et la proximité avec les personnages. Préservation de la nature, respect des libertés des peuples et des libertés individuelles, emprise de la technologie, chamanisme, C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc tient à la fois du roman d’aventure et d’apprentissage, du roman d’anticipation par son univers et du thriller dans sa construction. Il évite toute forme de manichéisme dans le traitement des thématiques et des personnages. Le futur dépend des technologie mais surtout de la manière dont l’humanité les utilise et donc de ceux qui l’utilisent. Lilian Bathelot fait le choix de croire en l’être humain avec C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc.
Une citation
Elle leva les yeux vers le soleil qui frisait l’horizon, vers le sud. Il ne se couchait plus depuis une semaine. Maintenant, il allait continuer à s’enfoncer lentement sur la ligne de glace. Puis ils commencerait à remonter tranquillement et son disque rouge incendierait à nouveau l’horizon comme un feu de Bengale. Il serait minuit passé à l’heure solaire. La seule qui avait une importance aux yeux de Kisimii.
Un instant, elle profita du miracle de ces rayons d’un rouge presque vif qui a embrasaient le monde de glace bleutée.
La lumière rasante étirait démesurément les ombres. La moindre colline, le moindre rocher allongeait des ombres irréelles qui tranchaient sur la lumière opaline de l’air et les reflets de la glace
- Lire l’avis de Lune, Outrelivres.
Lune m’avait déjà convaincu, et tu confirmes qu’il me faudra le tenter. Parce que “Lilian Bathelot fait le choix de croire en l’être humain”, c’est prometteur.
Je ne sais pas si c’est prometteur, mais j’ai passé un bon moment de lecture 🙂