La Cité des lames
Les Cités divines T2
De Robert Jackson Bennett
Albin Michel Imaginaire – 576 pages. Traduction de Laurent Philibert-Caillat
Deuxième volume de la trilogie Les Cités divines, La Cité des Lames peut se lire indépendamment du premier tome (La Cité des marches). Robert Jackson Bennett prend soin d’intégrer au fil du récit les éléments nécessaires à la compréhension, rendant l’immersion immédiate.
Une promenade de santé ?
L’action se déroule à Voortyashtan, cité anciennement placée sous le règne de la déesse de la guerre et de la mort. La générale Turyin Mulaghesh, vétérane à la retraite et ancienne vice-présidente du conseil militaire de Saypur, est rappelée en service par la Première ministre Shara Komyad pour une mission secrète : enquêter sur la disparition d’une agente. Officiellement, elle est en « promenade », n’ayant pas accompli les quatre années réglementaires dans son grade pour bénéficier d’une retraite complète. Sur place, elle découvre un contexte explosif : rivalités tribales, insurrection latente, résurgence de reliques divines et surtout la découverte d’un métal mystérieux, la thinadeskite, aux propriétés troublantes.
Un univers singulier et une héroïne atypique
L’une des forces de Bennett réside dans sa capacité à mêler technologies modernes et vestiges du divin. Trains, électricité et armements coexistent avec rituels, croyances et souvenirs des dieux disparus. Si ces derniers ont été éradiqués, leur empreinte demeure dans les traditions, les artefacts et les mémoires. Cette hybridation confère à l’univers une couleur singulière, entre steampunk et post-divin, et permet à l’auteur d’aborder des thèmes universels : mémoire collective, transmission, poids du passé, rédemption, légitimité de la violence, survivance des croyances, mais aussi colonialisme et ses séquelles.
Loin des archétypes de la fantasy classique, Turyin Mulaghesh s’impose comme une protagoniste atypique : une femme d’une soixantaine d’années, marquée par ses blessures physiques et psychologiques, hantée par ses actes passés, à la fois forte et vulnérable, cynique et d’une rigueur morale sans faille. Son regard, tour à tour ironique et désabusé, nous emmène dans un roman entre enquête et roman de guerre avec des passages signe d’un roman de guerre. À travers elle, Robert Jackson Bennett explore la question de la guerre comme expérience intime : non pas la gloire militaire, mais la culpabilité, le traumatisme et la recherche impossible de rédemption.
Le récit alterne enquête minutieuse accompagnée de révélations progressives, de flashbacks qui éclairent le passé de Mulaghesh et de scènes d’action épiques
jusqu’à un final explosif aux accents spectaculaires et époustouflants. Les dialogues sont vivants et réalistes. La narration, focalisée sur l’héroïne, reste directe et immersive.
La Cité des lames, porté par un personnage central atypique et un univers qui l’est tout autant, s’impose comme un excellent roman de fantasy.
Un extrait
« Je n’étais pas… censé mourir comme ça, dit-il lentement. J’étais censé mourir en… héros. Je mérite une meilleure mort.
– Il n’y a pas de bonne mort, Lalith. Mourir n’est qu’une connerie ennuyeuse par laquelle nous passons un jour ou l’autre, tous autant que nous sommes. Lui demander d’avoir un sens revient à demander aux ombres d’en avoir un. »
Le visage tremblant de Biswal s’emplit de fureur. « J’espère qu’il existe bel et bien un au-delà, dit-il d’une voix grelottante. J’espère qu’il y a un enfer. Et j’espère que vous vous y retrouverez rapidement, Turyin Mulaghesh. » Sa tête retombe, son cou désormais incapable de soutenir son poids.
« J’y vis déjà, Lalith, souffle-t-elle. Depuis la Marche. »
- De Robert Jackson Bennett sur le RSF Blog : American Elsewhere
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