Bifrost n°119

Le 119e numéro de Bifrost (juillet 2025) consacre son dossier central à Greg Bear, figure majeure de la Hard-SF américaine des années 1980-2000. Un auteur incontournable pour beaucoup… mais qui, je l’avoue, ne me tente guère. Je crois ne jamais avoir lu un texte de lui.

Trois nouvelles, trois ambiances

« Lune rouge » de Nicolas Martin

Deuxième texte de l’auteur publié dans Bifrost (et premier que je lis), cette nouvelle relève de la SF horrifique. Eva se réveille seule dans une station orbitale déserte. Peu à peu, elle comprend que quelque chose cloche, jusque dans son propre corps. L’atmosphère est suffocante, poisseuse, presque organique. On pense à Alien, évidemment, mais l’écriture a sa propre signature : précise, clinique, cruelle. Ce n’est pas mon genre de prédilection, mais je dois reconnaître l’efficacité redoutable du texte. J’ai eu peur. Vraiment.

« Les Merveilles des sept mondes » de Leigh Brackett »

Parue en 1943, cette nouvelle suit John Damien “Jade” Greene, directeur d’un cirque interplanétaire, et l’arrivée de la mystérieuse Laura Darrow, danseuse au charme troublant qui n’est peut-être pas ce qu’elle prétend être. Brackett explore le choc des cultures et la peur de l’autre sous les atours d’un récit de vengeance — ou de justice, selon le point de vue. Son style, à la fois désenchanté et sombre, renforce l’impression de décrépitude ambiante. Les approximations scientifiques typiques de l’époque accusent le poids des ans et font un peu sourire, mais la force du texte reste intacte. Et rappelons-le : les cirques avec des animaux encagés, restent une horreur.

« Le Chant des leucocytes » de Greg Bear

Publié en 1983, ce texte met en scène Vergil Ulam, chercheur en biotechnologies qui, pour sauver ses travaux, s’injecte ses propres cellules génétiquement modifiées. Celles-ci deviennent conscientes, apprennent et transforment son organisme. Une métamorphose peu ragoûtante, mais terriblement efficace, qui interroge l’identité humaine et les dérives de la science. Greg Bear plonge au cœur de la bio-ingénierie et de l’infiniment petit, adossant son récit à de méticuleuses extrapolations scientifiques. Le résultat est fascinant, dérangeant, presque hypnotique. Plus de quarante ans après sa sortie, le texte conserve une puissance intacte. Fait froid dans le dos.Glaçant.

Rubriques et entretiens

Le cahier critique passe en revue les dernières parutions, avec une forte présence de fantasy et une incursion dans l’horreur. Anthos à gogo, la rubrique de Philippe Boulier, s’intéresse aux anthologies récentes. Dans Paroles d’éditeur, Erwann Perchoc s’entretient avec Jean-Marc Lofficier autour de sa maison Rivière Blanche. L’éditeur revient sur les fragiles chiffres de vente et l’importance de donner leur chance à de jeunes auteurs grâce à l’impression à la demande (notez que l’article est écrit avant le décès de Philippe Ward, directeur de collection). Dans Scientifiction, Roland Lehoucq propose une analyse scientifique et ludique du vaisseau d’Aurora de Kim Stanley Robinson.

Dossier Greg Bear

Le cœur de ce numéro est un dossier dense et documenté avec deux articles de Pascal J. Thomas, retraçant la vie et l’œuvre de Bear, trois entretiens : un avec l’auteur en 1985, un en 2010, et un avec son épouse Astrid Bear, fille de Poul Anderson, qui évoque sa jeunesse au cœur du fandom. Un guide de lecture vient cartographier ses thématiques (biotechnologies, hard science, cosmologie). Le dossier est complété par l’habituelle bibliographie exhaustive préparée par Alain Sprauel. Un travail solide, idéal pour découvrir un géant de la Hard-SF, mais qui ne m’a pourtant pas donné envie d’aller plus loin.

En conclusion, ce Bifrost n°119 séduira probablement les amateurs de Hard-SF et les curieux souhaitant (re)découvrir Greg Bear. Pour les autres, le numéro reste intéressant par la diversité de ses nouvelles et la richesse de ses rubriques.

Pour aller plus loin

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