Interview Emmanuel Chastellière – Célestopol 1922 : Le jeu de rôle (seconde partie)

Photo Maxyme Gagné

Auteur, traducteur et cofondateur d’Elbakin.net, Emmanuel Chastellière explore depuis 2017 l’univers de Célestopol, une cité uchronique installée sur la Lune sous le règne d’un Empire russe imaginaire (Célestopol et Célestopol 1922). Il est également l’auteur de plusieurs romans de fantasy (L’Empire du Léopard, La Piste des cendres, Souveraine du Coronado) ou fantasy historique (Himilce). Pour la sortie de Célestopol 1922 : Le jeu de rôle, nous lui avons posé quelques questions et il y a répondu avec une grande disponibilité et une franchise appréciable. La première partie de l’interview est disponible dans ce billet.

Financement participatif & Réception

Comment s’est déroulé le financement participatif ?

La phase principale du financement s’est déroulée au printemps 2024. Je ne suis pas vraiment habitué à ce genre de choses, je connais mal les tendances, les attentes du « marché » du jeu de rôle, qui repose beaucoup sur ces financements (y compris chez des éditeurs bien plus importants qu’Antre Monde), donc je ne savais pas vraiment si je devais me réjouir ou pas du démarrage. J’espérais peut-être que le financement de base soit atteint plus vite – il a fallu attendre près de 4 jours – mais finalement, Antre Monde a récolté plus de 4 fois la somme attendue ! Sachant que Célestopol, ce n’est pas Cyberpunk ou Shadowrun, sans même parler de Donjons & Dragons, et qu’il n’allait donc pas se financer en 2h, ce fut tout de même un résultat fort respectable.

Après, bien sûr, on peut toujours faire mieux et je crois qu’on aurait pu, par exemple, franchir un palier supplémentaire, tout comme on trouve toujours quelqu’un pour vous dire que l’on aurait mieux fait de se lancer une semaine plus tôt ou une semaine plus tard, mais… aucune date n’offre de garanties absolues, à mon avis. Il y a des avantages et des inconvénients quelle que soit la période. Au bout du compte, même si ce fut un processus assez éreintant, j’en suis ressorti satisfait.

Quels retours t’ont le plus marqué depuis la sortie du jeu ? As-tu été surpris par la manière dont les joueurs s’approprient Célestopol ?

C’est encore un peu tôt pour émettre un avis « définitif », mais pour l’instant, je suis très content. Les gens ont l’air ravis du résultat, y compris ceux qui n’ont jamais lu une ligne de ma plume auparavant, certains se sont déjà lancés dans la rédaction de scénarii, les quelques tests que j’ai vu passer sont très positifs, l’accueil à Octogones et les Utopiales s’est révélé fantastique… On va dire que c’est ça qui m’a le plus marqué, Octogones. C’était la première fois que je me rendais sur un tel salon, c’était la première fois que le jeu était disponible et voir des gens s’arrêter sur le stand d’Antre Monde simplement parce que le jeu attire le regard (il faut dire encore une fois qu’Antre Monde a bien fait les choses, avec un tarot, des dés spéciaux aux couleurs des phases de la Lune…), ça fait quelque chose.

Une question plus personnelle à présent : que représente pour toi l’univers de Célestopol, aujourd’hui, après toutes ces années de création ?

Je n’oserai pas dire un refuge, mais certainement celui que j’aime le plus retrouver. Maintenant, on le voit bien, ce n’est pas forcément ce qui est le plus vendeur, même si j’imagine que je pourrais écrire de la romantasy dans ce cadre-là avec une belle histoire d’amour, moi qui suis un peu fleur bleue, mais… En tout cas, j’ai besoin de continuer à me tourner vers la Lune.

Question bonus : quelle question sur Célestopol aurais-tu aimé qu’on te pose… et à laquelle tu aimerais répondre ici ?

C’est en soi une bonne question…

Pourquoi pas « Quelle est, au fond, la véritable utopie de Célestopol ? » Parce que la ville se veut parfaite tout en reposant sur des compromis et des illusions. C’est cette tension entre idéal et réalité qui m’intéresse le plus. Que l’on se trouve sur la Lune ou pas, difficile d’échapper à la nature humaine.

Ou alors, « quel rôle aimerais-je jouer à Célestopol moi-même ? » pour quelque chose de plus léger ! Je dois bien dire que je n’aimerais pas forcément habiter la ville souterraine… Même si la haute société ne manque pas de cruauté ! Si l’argent ne fait pas le bonheur, il peut toutefois aider, de temps en temps.

Les projets d’Emmanuel Chastellière

Et pour terminer, quels sont tes projets ou tes futures sorties ?

Cette année, outre ce jeu, Himilce est sorti en poche chez Folio, et quant à la suite… C’est encore assez flou.

En toute honnêteté, je me sens déporté dans la courbe d’un large virage.

J’ai écrit quelques livres qui ont été plutôt bien accueillis, voire qui ont bien fonctionné pour de l’imaginaire « adulte », mais sans connaître de « carton » majeur, aussi bien côté ventes que côté prix (encore que, les prix qui ont un réel impact sur les ventes, sortis d’un salon associé sont rares).

Quand on constate le temps et l’énergie, que réclament l’écriture et l’accompagnement ensuite d’une sortie (j’en parlais un peu plus tôt avec le financement participatif dans le cas de ce jeu de rôle, mais le surveiller au jour le jour a créé beaucoup d’usure) pour assurer un minimum sa promotion, car malheureusement, si l’on veut être « visible » dans la masse des parutions, il faut aussi investir beaucoup de sa personne, et pas uniquement compter sur son éditeur, sauf très grandes maisons…

Difficile d’écrire aussi quand on voit l’incertitude de notre petit monde éditorial, sans savoir si ce projet va pouvoir être soutenu, pas seulement avec des SPs, mais auprès des libraires, en tentant des choses niveau communication et pas juste un concours… Même si c’est évidemment le jeu, consacrer des mois voire plus à un seul projet pour le voir basculer dans le néant 15 jours après la sortie… On ne peut encaisser ce genre de déceptions qu’un certain nombre de fois.

J’ai été « démarché » à plusieurs reprises ces derniers mois par des éditeurs importants, et c’est moi qui n’arrive pas à avancer, à concevoir et/ou proposer LE projet qui me faciliterait la tâche… Bien sûr que se laisser guider par ce que l’on a envie d’écrire au plus profond de soi, ça reste la voie à suivre, et bien sûr qu’écrire de la romantasy (comme mentionné un peu plus haut) ne signifie pas cartonner çà tous les coups en librairies. Mais comme me le disait l’un des éditeurs en question il y a déjà plus de 6 mois, le risque, c’est de finir par renoncer devant ce parcours d’obstacles toujours renouvelés. Je ne tiens pas particulièrement à lui donner raison, mais on a tous une limite et je redoute de l’approcher.

Je ne parle même pas de vivre de l’écriture (ma principale source de revenus a toujours été la traduction, en attendant que l’IA nous chasse, du moins) ! Même si, là encore, on croisera toujours quelqu’un pour nous servir le fameux couplet du « métier passion ». Je fais déjà assez de bénévolat comme ça avec Elbakin.net qui me prend toujours beaucoup de temps, et j’ai également une vie privée.

Pourtant, je demeure persuadé qu’il n’y a pas de fatalité et que le public de la romantasy pour ne citer que lui pourrait très bien se pencher sur un Himilce ou un Célestopol 1922, qui sait ? Parfois, on érige des barrières qui n’ont pas lieu d’être entre les publics, et je ne m’exclus pas de ce constat.

Tout ça pour dire qu’en principe, un troisième Célestopol doit arriver au second semestre 2026 (je ne peux pas faire plus clair !) et que le personnage de Sophonibaal dans Himilce m’appelle depuis quelque temps, comme j’avais pu le laisser échapper dans l’une des tables rondes des dernières Imaginales, mais c’est déjà beaucoup moins concret.

Pour le reste, me tourner vers de la SF pure et dure m’intéresserait, mais il parait que la bascule repart du côté fantasy… Il faut croire que décidément, les idées qui me motivent le plus arrivent toujours à contre-temps !

 

Merci Emmanuel d’avoir répondu à nos questions !

Célestopol 1922 : Le jeu de rôle

Sur la Lune, la coupole de Célestopol resplendit.

Fleuron de l’Empire russe, la cité incarne à la fois la magnificence et la démesure. Dirigée par un duc ambitieux, extravagant mécène des sciences et des arts, elle oppose à la Terre, fatiguée de décennies de guerre, l’éclat de ses salons fastueux, le foisonnement de sa culture et l’audace de ses avancées technologiques.

Née de la découverte du sélénium, minerai aux propriétés presque surnaturelles, la ville fut bâtie au xixe siècle sur le sol lunaire. Miracles technologiques, automates intelligents, machines élégantes aux reflets d’or : tout ici respire la puissance slave et le raffinement Art déco. Mais, derrière les façades monumentales et les bals luxueux, enflent les convoitises. Dans l’ombre se préparent les grandes puissances rivales, les factions occultes… et même le duc Nikolaï, prêt à défier sa mère, la tsarine, pour conserver son emprise sur la cité.

Dans ce décor unique, les joueurs incarnent des personnages hors du commun, marqués par d’étranges Anomalies. Ils ne représentent pas de simples témoins : leurs choix, leurs alliances et leurs échecs façonneront l’avenir de Célestopol. Ici, leur importance ne dépend que d’eux et leur existence est inscrite au coeur même de l’histoire. Seront-ils assez dramatiques ou assez remarquables pour y rester ? Seront-ils dignes d’être des protagonistes ?

Célestopol 1922 : Le jeu de rôle, adaptation officielle des nouvelles d’Emmanuel Chastellière, repose sur le système Anomalie, simple et centré sur la narration et le roleplay. Il utilise pour ses résolutions deux dés à huit faces ainsi qu’un troisième, le dé de la Lune, qui viendra insuffler une touche d’imprévu à vos aventures.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.