Le Chant de l’oiseau de nuit, Tome 1
de Robert McCammon
Bragelonne – 442 pages
Nous sommes à Fount Royal, une petite colonie portuaire de Caroline, Nouveau Monde. Œuvre de l’armateur anglais Bidwell, ce village, qui jouxte un marais pour le moins fétide, s’est organisé autour de sa merveilleuse source d’eau pure et tente de se développer. Mais la ville décline depuis quelques temps : incendies en ville, récoltes qui pourrissent sur pieds, maladies et fièvres se succèdent. Le pasteur et l’époux de Rachel Howarth ont été assassiné. On a vu le Diable roder la nuit. Le village est maudit. Le Diable a un complice au sein de la population pieuse de Fount Royal. Une complice, plutôt, car tous désignent Rachel Howart, veuve, comme sorcière et maîtresse du Malin. Nous sommes en 1699. 7 années auparavant les sorcières de Salem ont été brûlées pour des motifs identiques. Mais il n’y a pas de juge à Fount Royal et une colonie promise à un bel avenir ne saurait se passer d’un procès en bonne et due forme avant de condamner à mort une sorcière. Le juge Isaac Woodward est donc dépêché par la ville voisine pour mener ce procès. Accompagné de Matthew, son clerc à la langue bien pendue et à l’esprit logique développé, Isaac va mener l’enquête. Rachel Howarth, belle et fière métisse au sang portugais est-elle une sorcière ou un bouc émissaire ?
Le procès de la sorcière se situe entre le thriller fantastique, le roman historique et le roman sociologique. Le lecteur est plongé dans une société en mutation où les superstitions et l’obscurantisme le disputent au progrès et à la justice. Une partie de la population pense que l’an nouveau – 1700 – sera celui de la fin du monde. Les colons tentent de survivre en milieu hostile : les Indiens ne sont jamais très loin, les Espagnols non plus. Leurs croyances aussi ésotériques soient-elles les soutiennent dans l’adversité. La narration est classique par rapport au genre et donne des frissons d’horreur. Je déconseille toutefois la lecture au petit déjeuner (une de mes habitudes) sous peine de se voir l’appétit coupé par certaines scènes (voir extrait plus bas)
De nombreux passages descriptifs riches en détails sur les personnages ou les lieux visités émaillent l’histoire. Ces descriptions, si elles permettent au lecteur de mieux se situer dans le récit, ralentissent beaucoup l’histoire. Et comme il n’y a pas beaucoup d’action le récit patine parfois un peu. Chaque personnage est minutieusement décrit tant sur son physique et ses préférences vestimentaires que sur sa (morpho)psychologie. Chaque personnage est introduit de la même façon, la description est un peu mécanique. Le procédé, un peu éculé tout de même, fait monter la tension du lecteur d’un cran (suspens … quand tu nous tiens) mais le fatigue aussi. Les personnages sont attachants et le duo d’enquêteurs fonctionne bien. Leur caractères se complètent bien. La naïveté du jeune clerc contrebalance son intelligence, son esprit logique et sa capacité déductive. Le passé douloureux du juge rigoureux et loyal à la Justice l’humanise un peu.
Tout au long de l’histoire on hésite entre une explication rationnelle, logique et humaine et une explication surnaturelle ou fantastique. Arrivée à la fin du livre je n’ai toujours pas d’avis tranché mais j’ai ma petite idée. Comme l’histoire se déroule sur 2 tomes le dénouement sera pour septembre, date de parution du tome 2 (déjà commandé chez mon libraire). C’est un des défauts de ce livre : qu’il ne soit pas un one-shot. Parfois on dirait que l’auteur a volontairement ralenti son récit en le gonflant artificiellement de descriptions pour qu’il tienne sur 2 livres… Je n’aime pas avoir l’impression d’être considérée comme un consommateur à qui il faut impérativement refiler le duo, le pack ou l’opération 2 pour le prix d’un… (vu qu’en plus ça fonctionne puisque j’achèterai le volume suivant du Chant de l’oiseau de nuit… c’est rageant)
Extrait : il fait nuit et l’orage sévit, Matthew est sorti de la chambre qu’il occupe dans une auberge pouilleuse pour aller soulager un besoin naturel. Il vient de chuter dans la boue et son pied est coincé.
Sa jambe se libéra dans un craquement sec.
En s’éclairant avec la lanterne, Matthew vit qu’il avait marché sur quelque chose qui était sorti de terre et s’enroulait toujours autour de sa cheville.
D’abord il ne comprit pas de quoi il s’agissait. Son pieds était passé directement à travers ce qui ressemblait à une sorte de cage couverte de boue. Il pouvait en observer les bords brisés, dont un avait éraflé sa jambe, y ouvrant une trainée sanguinolente.
La pluie fit lentement disparaître la boue de l’objet. Alors qu’il l’inspectait, un nouvel éclair lui facilita l’identification du piège qui le retenait et il sentit comme une main glaciale se refermer sur son coeur.
Sans avoir besoin de faire appel aux souvenirs de ses études d’anatomie, Matthew comprit qu’il avait enfoncé son pied dans une cage thoracique de taille humaine.Une section de la colonne vertébrale était toujours attachée et des fragments d’une matière brun grisâtre qui ne pouvait être que de la chair en décomposition s’y accrochaient.
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