Présumé coupable – Isabelle Guso

Présumé coupable

de Isabelle Guso

Griffe d’Encre – 112 pages

La (magnifique) couverture est de Zariel.

Certains auteurs ont du cran, celui de s’attaquer à un sujet tabou par exemple. Certains éditeurs ont du courage, celui de publier les auteurs qui ont du cran. Présumé coupable fait partie de ces textes que l’on dit, pudiquement, « dérangeant », de ces textes qui bousculent des idées que l’on croit fortes ou assurées et qui ne reposent finalement sur rien, ou sur si peu que quelques mots (justes) suffisent à les faire s’écrouler comme des châteaux de cartes. Certains livres dérangent donc. D’abord par le sujet choisi et, non, je ne peux vous révéler lequel dans le cas de Présumé coupable car ce serait gâcher l’intrigue et vous peut-être vous rebuter. Par l’angle de vue adopté ensuite, celui du narrateur que tous considèrent comme un monstre et qui cherche à recouvrer sa part d’humanité, narrateur dont le lecteur ne peut jamais se sentir solidaire. Et, enfin, par l’écho qu’il provoque chez le lecteur. J’ai croisé un jour un de ces « monstres », dans le cadre de mon activité professionnelle (non, vous n’en saurez pas plus mais c’était pour le moins inhabituel). Je crois que je me souviendrai toute ma vie du choc quand j’ai réalisé. Comment réagir face à cela ? Que faire ? J’ai fait la seule chose que je pouvais faire, mon travail, malgré la secousse. Que pouvais-je faire d’autre ? Refuser ? Rejeter ? Enfoncer un peu plus ? Et devenir à mon tour un monstre ? Les monstres n’existent pas : il n’y a que des êtres humains … Et c’est à l’être humain que s’adresse Isabelle Guso dans cette novella, novella écrite en cinq jours seulement, ce qui ne cesse de m’étonner car l’écriture est maîtrisée de bout en bout.

Certes Présumé coupable est un livre dérangeant. L’éditeur et l’auteur ont cependant pris le soin de l’accompagner, histoire de ne pas simplement mettre une claque au lecteur. L’auteur explique en quelques mots sa démarche et Maître Mô se fend aussi d’une postface. Ces textes ouvrent à la réflexion même si le lecteur aurait probablement préféré continuer à fermer les yeux.

Un extrait qui ne déflore rien:
« Sans m’en étonner vraiment, je me retrouve derrière le temple d’Hitorifutayaku. Deux rôles, deux visages, les deux faces d’une même pièce. Un chemin s’enfonce vers les soubassements du bâtiment et je m’y engage.
Pas d’arche torii de ce côté-là. Pas de lignes épurées pour laisser l’air libre circuler. Tout n’est que statues massives et grimaçantes. Des masques suspendus semblent se moquer de moi. Il en émane une lueur rouge qui pare le couloir de sa teinte de sang. J’avance dans cette pénombre, comme on chemine vers les recoins obscurs de son âme. »

Une citation de Thomas Burnett Swann pour clore ce qui restera probablement la chronique la plus obscure de ce blog  (quand vous aurez lu Présumé coupable elle ne le sera plus) : « Un auteur ne devrait jamais expliquer son travail. L’ouvrage est sa propre explication et, il faut l’espérer, sa propre justification. » Celui-ci se justifie pleinement.

Livre lu grâce à un partenariat  entre Blog-O-Book et Griffe d’Encre. Merci à eux.

Cet article a 6 commentaires

  1. Lhisbei

    @ Tigger Lilly : je décline toute responsabilité

  2. Acr0

    Vivement que je le lise Et surtout ce qui est important est de ne point confondre narrateur et auteur

  3. Turquoise

    Billet très obscur, en effet, mais qui titille bien ma curiosité ! Allez hop, sur la LAL ! Je vais bientôt repartir chasser en librairie…

  4. choupynette

    je suis en train de le lire grâce à Lucile, et je dois dire que c’est en effet dérangeant. Je me posais justement hier la question de mon futur billet sur cette lecture: que dire? ton billet est très bien. j’en suis presque à mi-parcours, et je dois dire que c’est (pour l’instant) un sacré bouquin.

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