L’étrange affaire de Spring Heeled Jack
De Mark Hodder
Bragelonne – 504 pages
Il y a des lectures dont on vous dit tellement de bien que vous êtes sûr de les aimer et que vous achetez, confiant, le bouquin.
Il y a des lectures dont le résumé vous allèche tant que vous êtes sûr qu’ils sont fait pour vous et qui vous font foncer les yeux fermés (pas pratique pour lire cependant).
Il y a des lectures dont vous ressortez, finalement ,avec une légère amertume en bouche.
C’est le cas de L’étrange affaire de Spring Heeled Jack, roman qui a obtenu le prix Philip K. Dick en 2010.
Tout avait pourtant bien commencé. Du steampunk avec un Londres victorien plongé en plein smog de la révolution industrielle et des inventions de plus en plus extraordinaires. Des personnages hauts en couleur : Richard Burton, aventurier et savant, Algernon Swinburne, poète décadent alcoolique et masochiste (au sens littéral du terme), Isabel de Burton, petite amie au caractère bien trempé, Spring Heeled Jack, étrange créature montée sur des échasses terrorisant des jeunes filles. Une histoire de voyage dans le temps et de réécriture simultanée de l’histoire de Burton (qui devient agent secret de sa majesté), du Royaume-Uni (assassinat de la reine Victoria dans des circonstances presque similaires à l’assassinat de JFK à Dallas) et des sciences (manipulations génétiques sur les animaux et les humains par les disciples de Darwin, machines folles des Technologistes et j’en passe). Rien que ça ! Ajoutez à cela une construction solide : une première partie introductive qui plante le décor, l’univers et les personnages à laquelle on pardonne quelques longueurs tant l’univers dans lequel le lecteur débarque se révèle excitant. Une deuxième partie plus centrée sur l’histoire du mystérieux Spring Heeled Jack qui fait amorcer un beau virage au roman et le sort, non sans humour et tragédie, du steampunk conventionnel. Et une troisième partie, avec climax et résolution, très bien conduite et dotée d’une belle cohérence sur les voyages dans le temps et leurs conséquences. Mark Hodder parvient à ne pas se prendre les pieds dans le tapis de sa trame temporelle et c’est déjà beaucoup. En bonus le lecteur a droit une annexe remettant les pendules victoriennes à l’heure. Et cerise sur le gâteau, le roman, comme tout bon roman de steampunk est truffé de références et clins d’oeil à la pelle.
Mark Hodder ne manque ni d’imagination, ni de cohérence. Tous les éléments sont réunis pour faire de ce premier roman un excellent roman steampunk. D’ailleurs c’est ce qu’est L’étrange affaire de Spring Heeled Jack dans un certain sens. Il y a cependant une qualité qui manque au roman de Mark Hodder : la subtilité. Certains éléments m’ont agacée. Et parfois très vite : le phénomène a commencé page 32 (pour un roman dont le premier mot du premier chapitre est postionné page 11…). Oscar est un vendeur de journaux à la criée. Il a 8 ans et « un don extraordinaire pour les mots » ce qui lui fait dire page 33 ces deux magnifiques phrases : « Eh bien ! capitaine, il y a beaucoup à dire en faveur du journalisme moderne. En nous offrant l’opinion des incultes, il nous permet de rester en contact avec la bêtise de la société. » ou encore « Il y a certaine volupté à s’accuser soi-même. Dès que nous nous blamons, il nous semble que personne d’autre n’a plus le droit de le faire. » Oscar, 8 ans, bon sang. Non scolarisé, il sait lire et sort des citations illustres comme s’il sortait d’Oxford (phrases qu’il écrira, en réalité mais bien plus tard, après avoir intégré Oxford College justement). L’auteur s’autorise donc quelques facilités peu digestes. Certaines ficelles se voient de loin mais Burton, l’homme le plus intelligent du royaume, a tout de même besoin de 189 pages pour comprendre qu’il « existait une explication évidente [à l’existence de Sping Heeled Jack…] mais elle était difficile à accepter. ». L’auteur aime aussi en rajouter une couche dans le sordide et dans l’exploit : des canailles (toujours pleutres) à chaque coin de rue dans le Chaudron (creuset de misère à côté duquel le quotidien d’Oliver Twist ressemble à la vie du Prince de Bel Air) et le compagnon de Burton qui, dans le feu de l’action (une bagarre à 2 contre 6 ou 7 canailles), réduit la couverture qui avait servi à le plaquer au sol « en lambeaux » alors qu’il n’est pas armé du moindre objet tranchant. Autre facilité agaçante : Burton est omniscient. Il comprend tout de suite qu’un code est impossible à déchiffrer… Pas la peine donc d’essayer (voir passage ci-dessous)
Une critique sur la forme à présent. Le livre objet est magnifique pour peu qu’on aime la dorure sur tranche, la dorure en guise de décoration de couverture et la dorure qui s’effrite en paillette sur le dos (et je n’ai pas particulièrement les mains moites je vous remercie). Bref je suis assez déçue de l’objet qui a du mal à survivre à une seule lecture.
Le diable se cache dans les détails et il joue ici de bien méchants tours à L’étrange affaire de Spring Heeled Jack.
Aïe ! Dommage… Et au prix que coûte le bouquin, ça doit faire rager. Et c’est vrai que les personnages omniscients, c’est pénible. Le héros de « Le nom du vent » de Rothfuss était comme ça et, franchement, il avait tendance à m’énerver.
A.C.
@AC : ben non ça va encore. Je m’agace vite en ce moment. Mais c’est vrai que je ne conseille pas l’achat à ce prix là.
Bah c’est du grand spectacle. Avec les petits défauts que ça implique parfois. Ca m’a vraiment excité quand même.
Je te rejoins, le roman possède des arguments pour lui mais il manque clairement de finesse mis je rajouterai un autre point que j’ai trouvé mal amené c’est l’histoire qui tourne sur le voyageur temporel.
Excellent article, merci. Effectivement, avec des ficelles grosses comme ça, le plaisir de lire en prend un coup…
Je n’ai lu qu’en diagonale car à force de lire des avis mitigés sur ce livre, il est entrain de s’enfoncer dans les profondeurs de ma PAL :/
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