Miscellanées de nouvelles (8)

Nouvelle entrée dans la série des Miscellanées de nouvelles. Le menu du jour sera entièrement numérique et se composera d’une entrée, d’un plat et d’un dessert comme d’habitude.

Commençons par une nouvelle offerte par le Bélial en décembre dernier pour fêter la parution en numérique d’Axiomatique, premier volume de l’intégrale raisonnée des nouvelles de Greg Egan : « En apprenant à être moi ». Il manque la mention du traducteur sur la nouvelle. Après une rapide recherche (merci NooSFere), Sylvie Denis & Francis Valéry ont traduit la nouvelle et la traduction a été révisée par les Quarante-deux. La nouvelle fait 26 pages sur ma liseuse. Dans un futur proche, l’immortalité est rendue possible par l’utilisation d’un dispositif neuronal communément appelé « cristal » dans lequel est encodé la personnalité. Installé à la naissance, ce cristal apprend à « devenir » l’être humain en grandissant avec lui. Plus tard, le cerveau vieillissant est débranché. Une question se pose dans cette nouvelle narrée à la première personne du singulier : est-ce le cristal qui parle ou l’être humain ? J’avais déjà été séduite par « Mortelles ritournelles » du même auteur et, là aussi, Greg Egan réussit son coup. La nouvelle gagne en intensité à chaque nouveau paragraphe et le retournement final, bien amené, glace un peu les sangs. J’ai toujours une appréhension avant de lire un texte de Greg Egan parce que ce dernier est estampillé Hard SF et que je manque de la culture scientifique nécessaire à apprécier la Hard SF. Mais avec les deux textes lus, je suis en train de me dire que sa hard SF, très centrée sur l’humain, est tout à fait accessible au profane. Une bonne lecture qui me donne envie de tenter Axiomatique. L’avis un peu moins enthousiaste de Baroona.

On continue avec « Deuxième personne du singulier », nouvelle  de Daryl Gregory proposée gratuitement à la lecture et au téléchargement du 1er au 31 août 2014 par le Bélial jusqu’au 31 août. Parue originellement dans la revue numérique Angle Mort n° 1, la nouvelle reste disponible à la lecture et au téléchargement gratuit sur le site d’Angle Mort. Oui, vous avez bien lu le Bélial propose pour une durée limitée une nouvelle déjà offerte ailleurs pour une durée inconnue (illimitée ?). La formulation n’est guère heureuse (cf les commentaires de ce billet). Attention, ce n’est pas la démarche que je critique – remettre une nouvelle sous le feu des projecteurs pour fêter la sortie du roman de Daryl Gregory reste une bonne idée, mais bien la formulation. Précisons aussi que la nouvelle est traduite de l’anglais (U.S.A.) par Amélie Ferrando et qu’elle fait 26 pages sur ma liseuse (dans la version téléchargée sur le site d’Angle Mort). Thérèse, parfaite fille de bonne famille (entendez par là : enfant pieuse, bien intégrée dans sa communauté religieuse, bons résultats scolaires and so on), se fait une overdose de Z, nouvelle drogue ravageuse qui ne tue pas le corps mais la personnalité. Le Z oblitère temporairement la conscience. A forte dose, elle détruit cette conscience. Quand Thérèse reprend ses esprits, elle n’est plus la Thérèse que tout le monde a connu. Gros coup de coeur pour ce texte où neurosciences et philosophie forment un cocktail surprenant et détonant. Je ne dois pas être la seule à avoir aimé puisque la nouvelle a reçu le prix des lecteurs du magazine Asimov en 2006. Un petit bémol sur la toute fin du texte (les problèmes sont-ils solubles dans les pâtisseries ?). Si le roman à paraître au Bélial fin août ne causait pas de zombies (je ne supporte pas les zombies), je me laisserais tenter parce que le rapport à la religion de Daryl Gregory poutre un max et que j’aime sa façon de dézinguer la société américaine.

On termine avec « Le miroir au fond du puits » de Vanessa Terral, nouvelle parue, à l’origine, dans l’anthologie Sorcières et Sortilèges et offerte en numérique par l’auteure. C’est la plus longue des trois puisqu’elle fait 48 pages sur ma liseuse. Rimah vient à Bordeaux pour enquêter sur des meurtres rituels dans la communauté vaudoue. Elle se choisit Alice, à peine novice dans cette communauté, pour assistante. Si Rimah cache son identité réelle et l’étendue de ses pouvoirs, Alice, quant à elle, ne sait même pas ce dont elle est capable. Vaudou, possessions, polar et femmes fortes font bon ménage dans cette nouvelle. Le vaudou est souvent perçu comme de la magie noire. Ce cliché n’a pas cours ici. Vanessa Terral nous plonge dans pratiques contemporaines du vaudou, une magie puissante. Comme toujours avec la magie, elle ne devient noire ou blanche qu’en fonction des motivations et des objectifs de celui qui la pratique. Pour ne pas nous perdre en route, l’auteur(e) explique dans des notes – discrètes mais plus qu’utiles – les termes employés, les fonctions et les rites. Je ne suis pas fan de polar mais j’ai bien accroché à l’univers proposé par Vanessa Terral. J’ai repéré deux coquilles que l’éditeur aurait pu faire corriger : « Rimah lui avait donné une mission, elle s’y conforterait » et un homonyme faux-ami « collocation » pour colocation.

Les deux premiers textes, « En apprenant à être moi » de Greg Egan et « Deuxième personne du singulier » de Daryl Gregory sont font échos et je suis contente de les avoir lus le même jour parce qu’ils dégagent encore plus de pistes de réflexion ensemble que séparément.


Challenge SFFF au féminin

Cet article a 4 commentaires

  1. Le roman de Daryl Grégory parle plus de religion et de la société de américaine que de zombies ! Et techniquement, “Deuxième personne du singulier” parle aussi de zombies…
    Sinon, où est-il écrit que la nouvelle est “offerte” ? Si c’est bien le cas, c’est effectivement une erreur (sans doute un copier-coller malheureux), il s’agit plutôt d’une mise en avant temporaire.

  2. Lhisbei

    @Clément : exact la nouvelle nous est simplement “proposée gratuitement à la lecture et au téléchargement du 1er au 31 août 2014.” Mais proposer gratuitement un texte pour une durée limitée induit pour moi le mot “offert”. Interprétation de ma part. Je retire les guillemets mais la formulation n’est guère heureuse malgré tout.
    Techniquement c’est une zombie oui (la drogue Z etc) mais ce n’est pas une épidémie de zombie ni une apocalypse de l’humanité. C’est une trajectoire personnelle et une réflexion sur l’identité pour un zombie atypique. Sur une nouvelle gratuite, je peux prendre le risque de tester un zombie. Sur un roman grand format à plus de 20€ (même si en numérique c’est 12€), je ne prends pas le risque. Même si je me doute que le roman parle plus de la religion et de la société américaine que de zombie, le vecteur reste le zombie et je n’aime pas les zombies.

  3. Baroona

    Mais “Deuxième personne du singulier” est quand même bien meilleur que “En apprenant à être moi”, on est d’accord ? =P
    Je partage ta réticence sur le roman à sortir de Daryl Gregory, mais après une telle nouvelle, on ne sait jamais…

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