Annihilation
La trilogie du rempart sud T1
De Jeff VanderMeer
Au Diable Vauvert – 224 pages (epub de 146 pages)
Bienvenue dans la Zone , un no man’s land, territoire de l’étrange, apparu il y a quelques décennies et qui s’étend. De l’extérieur, impossible de percer le mystère de ses origines et de son fonctionnement. C’est pourquoi Rempart Sud, une organisation gouvernementale surveillant la zone, y envoie régulièrement des expéditions. Onze d’entre elles se sont succédé et ont échoué. Rétive à toute cartographie, sauvage et peuplée de créatures dangereuses, la zone X a conduit ces expéditions à la folie et à la mort y compris par suicide ou parce que les membres se sont entretués. Quant à la onzième équipe, tous ses membres sont sortis de la zone et ont, sans que personne ne sache comment, réintégré leur foyer, totalement amnésiques. Un cancer systémique inopérable et foudroyant les a tous emporté.
Nous suivons la douzième expédition composée uniquement de femmes. Quatre scientifiques qui ne sont nommées que par leur fonction : une biologiste, une anthropologue, une géomètre et une psychologue. La linguiste qui devait les accompagner n’a jamais traversé le sas de sécurité (nous ne saurons pas pourquoi, même si le pire est à craindre). Tous les explorateurs ont pour ordre de consigner leurs faits et gestes dans un carnet. Le lecteur découvre la zone X en lisant le journal tenu par la biologiste. Un point de vue subjectif, qui le devient encore plus lorsque la biologiste évoque sa contamination par des spores lors de l’exploration d’un tunnel qui s’enfonce profondément sous terre. Si sa santé semble peu affectée par ce contact avec l’inconnu, elle devient insensible aux suggestions hypnotiques utilisées régulièrement par la psychologue pour mener la troupe. Dès lors, le groupe, déjà peu soudé au départ, laisse éclater, de manière feutrée car la nécessité de survivre dans une nature inconnue et a priori hostile conduit à mettre de côté les dissensions, des divergences. La mort de la géomètre sonne le glas de leur expédition. Et la biologiste décide de s’enfoncer plus avant dans le tunnel…
Vous vous en doutez, puisqu’on parle d’une trilogie, ce premier tome d’exploration n’apporte pas de réponse sur ce qu’est la zone. Tout au long du récit, au fur et à mesure des découvertes du groupe ou de la biologiste, d’autres mystères – parfois horrifiques – viennent s’ajouter. Le lecteur reste dans l’expectative et finit même par douter des propos de la biologiste. Puisqu’elle ne peut mesurer les conséquences de sa contamination, qui nous dit qu’elle a gardé toute sa raison ou qu’elle est sincère ? Ce personnage complexe, solitaire et introverti, qui peut paraître froid et distant, fascine et trouble le lecteur. En terme de caractérisation d’un personnage, c’est une réussite.
Pour apprécier Annihilation, il faut donc accepter de se laisser perdre dans les méandres de la zone X, de s’y faire promener au sens propre et au sens figuré. Si on se laisse prendre au jeu de Jeff VanderMeer, les pages défilent toutes seules et on en vient à attendre la suite avec impatience.
Bien pire, un profond gémissement sonore s’élevait au crépuscule. Le vent marin et l’étrange immobilité à l’intérieur émoussaient notre sens de la direction, si bien que le bruit semblait s’infiltrer dans l’eau noire dans laquelle trempaient les cyprès. Cette eau, si sombre qu’on se voyait dedans, ne bougeait jamais, figée comme du verre, reflétant les barbes de mousse grise qui recouvraient les cyprès. En regardant du côté de l’océan, on ne voyait que le noir de l’eau, le gris des troncs et l’incessante pluie immobile de la mousse. On n’entendait que ce gémissement profond, dont l’effet ne pouvait pas se comprendre à un autre endroit. Il était d’une beauté qu’on ne pouvait pas comprendre davantage, et voir de la beauté dans la désolation change quelque chose en vous. La désolation tente de vous coloniser.
- Lire les avis de Gromovar, Yogo, Lorhkan, Cédric, Lune, Efelle, Anudar, Xapur, Vert, Nébal, ActuSF, Noosfere.
Ah ! Et comme je suis d’une grande patience, je vais attendre la complète parution de la trilogie. Tu penses bien, que j’ai bien noté ce nouveau roman de VanderMeer 🙂
Tu as bien raison (j’aurais préféré attendre aussi – j’ai toujours peur que les autres tomes ne soient pas traduits…) 🙂
(PS je note pour la majuscule, ma moitié belge, mais wallonne, pouffe)
Voui. Avec impatience, c’est ça.
Je n’ai toujours pas compris comment il fonctionnait ce bouquin. En tout cas, ça a fonctionné sur moi. Au début je me disait « bof, quoi ? où veut-il en venir ? il ne se passe rien… » . Et puis sans que je m’en rendre compte, j’étais dedans, immergée jusqu’au cou, totalement larguée, mais heureuse d’être là et de pétocher un peu. Et d’un coup, paf ! les 30 dernières pages sont là et je suis déjà en manque.
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Avec impatience, je confirme.
One more !
Peut-être un peu déçu moi. Trop d’attentes et pas le bon moment sans doute. Cela dit, je comprends bien que ça plaise. C’est bien écrit, bien ficelé. Je reste curieux de lire la suite.
Je trouve que le roman nécessite un état d’esprit particulier 🙂
Tout le monde n’attend qu’une chose : la suite ! Quoique je suis surprise à trouver la fin en elle-même suffisamment satisfaisante en y repensant.
Vi mais quand même, on veut la suite :p
Je dois être un des seuls qui aie moyennement accroché :-/ Bien que je comprends l’engouement. Pour ma part ? Trop d’attentes et lu à un moment où je voulais plus de rythme dans l’écriture.
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