Le Garçon et la ville qui ne souriait plus – David Bry

Le Garçon et la ville qui ne souriait plus

De David Bry

Lynks – 368 pages

En ce onze novembre mille huit cent huit, la nouvelle loi relative à la stabilité de l’Empire ordonne :
– Que soit créée la Police de la Norme,
– Que cette Police de la Norme arrête toute personne coupable de difformité physique ou mentale, de toute maladie de même nature ainsi que de toute conduite ou mœurs contraire à la Nature,
– Que tout citoyen permettant la découverte d’un individu présentant des troubles d’anormalité soit récompensé d’un quart d’once d’or.

Romain est un jeune garçon de bonne famille. Écrasé par les attentes de sa mère, recherchant un père absorbé par son travail au service de la ville, il se fait la malle la nuit pour fréquenter les “mauvais” quartiers de la ville ou rejoindre la Cour des Miracles sur l’île de la Cité et dans les ruines de Notre Dame de Paris lieu où sont parqués ceux qui diffèrent de la norme imposée par l’Église (enfin la nuit, surtout, parce que pendant la journée, ils sont bien utiles pour réaliser à peu de coût des tâches ingrates ou peu qualifiées). Romain sent bien que son attirance pour les garçons le rend aussi différent. Il ne peut se confier à personne. Sa soeur Adélaïde tente de survire aux injonctions sociales (sois belle, ne grossis pas, marie-toi, tais-toi et ne pense pas à vivre ta passion pour la musique). Il a peur de perdre son meilleur ami et complice d’une partie de ses virées nocturnes, Ambroise. Mais lorsqu’il découvre un complot pour éliminer définitivement la Cour des Miracles, le voilà prêts à défendre Joséphine, Lion et Akou, avec lesquels il s’est lié lors de ses escapades sur l’île.

Si Le garçon et la ville qui ne souriait plus prend place dans un Paris alternatif du 19ème siècle sous l’empire de Nicéphore le IIIe plutôt que de Napoléon III, son intérêt réside plutôt dans la dystopie mise en place avec le poids des Lois de la Norme par l’Archevêque de Paris et appliquée avec zèle par les terribles Lames Noires armées de cannes-épées. En début de chaque chapitre se trouvent des extraits de chansons, de textes de lois ou de journaux intimes ce qui donne de l’épaisseur à l’univers présenté. L’utilisation d’un argot à moitié inventé permet aussi de plonger le lecteur dans une ambiance d’époque.
Toute personne atteinte d’une difformité physique ou d’une maladie mentale se retrouve mise à l’index. Bien entendu, l’intolérance progresse et bientôt beaucoup de monde se retrouve considéré comme déviant : étrangers, noirs, obèses, homosexuels, trans, mais aussi opposants politiques. En cinquante ans, la société s’est figée et repliée sur elle-même – tout en fermant les yeux sur l’hypocrisie du système. Romain est presque seul contre tous pour déjouer un projet de génocide ourdi par des puissants, mais il trouve des alliés parfois même chez les adultes. Le combat de Romain est celui d’un individu isolé contre un collectif qui étouffe la liberté individuelle, mais c’est aussi un combat pour la liberté de vivre pour tout être humain, peu importe les différences. Et, enfin, c’est un combat pour s’accepter et pour se faire accepter des autres. Dans Le garçon et la ville qui ne souriait plus le lecteur trouvera de l’action, du rythme, de l’émotion, mais aussi une exploration des relations humaines, familiales, de l’amitié et des sentiments naissants portés par la plume élégante de David Bry.

Un plaidoyer pour la tolérance.

Qui sommes-nous, pour décider de ce qui est normal ou pas ? Qui sommes-nous pour décider qui doit vivre dans notre société, et qui ne le doit pas ? Et sous quel prétexte ?
Et il y a autre chose encore. Si nous poursuivons dans cette voie, qui nous garantit que demain, la Police de la Norme ne viendra pas chercher les veuves éplorées coupables d’avoir perdu leur mari, les gauchers, ceux à la vision trop basse, les vieux ou les femmes et les hommes aux cheveux roux ? Ne me regardez pas comme cela, s’il vous plaît. Pour les cheveux roux, ce n’était qu’une image.

Cet article a 5 commentaires

  1. Elhyandra

    Après la beauté du texte de Que passe l’hiver je me laisserait bien tenter par cet autre écrit

    1. Lhisbei

      C’est une bonne lecture. Cependant, il est beaucoup plus axé YA que Que passe l’hiver. Certains ont déjà trouvé Que passe l’hiver relevait du YA parce que c’était aussi un roman d’apprentissage, mais celui-ci s’adresse clairement à des lecteurs plus jeunes.

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