Comme promis dans la précédente entrée dans la série des Miscellanées de nouvelles, voici la seconde fournée consacrée à la lecture des nouvelles des quatre Bifrost parus en 2017. Dans ce billet, voyons donc les nouvelles des numéro 87 et 88 de Bifrost.
Trois textes dans le Bifrost 87 consacré à Jean Ray :
Dans “La fin de la fin de tout”, Dale Bailey met en scène une fin du monde. La ruine gagne du terrain et tout ce qu’elle recouvre tombe en poussière ou rouille sur pied. Dans cette ambiance de mort inéluctable, direction les falaises de Californie et leurs villas friquées où réalisateurs, acteurs et autres artistes tuent le temps avec des fêtes orgiaques désespérées ponctuées par des performances artistiques jusqu’au-boutistes qui se terminent en suicides collectifs tape-à-l’œil. Vacuité de la vie, vacuité de l’art, sexe, drogue et mort violente (mention spéciale pour la mutilatrice) au menu. Le texte retourne l’estomac et percute par son ton (et le calme des principaux protagonistes) face à la fin de la fin du monde.
“Avec ses yeux” de Cixin Liu est un texte poignant, empreint de nostalgie et de poésie. A l’heure où l’homme a colonisé une partie de l’espace, la nostalgie de la planète Terre mine les astronautes (et les travailleurs). Pour remédier au mal, la NASA a créé des lunettes spéciales, surnommées les yeux. Ces dernières permettent de transmettre des images, des sons et même les sensations de ceux qui les portent. Les terriens sont invités à les porter pendant leurs vacances pour aider ceux qui sont loin. Le narrateur se voit attribuer une paire d’yeux pour une jeune femme installée dans une minuscule cabine de pilotage, mais reste troublé par l’absence de décalage temporel dans la conversation. Il ne se doute pas non plus que cette rencontre changera sa vie.
Je n’ai pas accroché à “L’Histoire de Marshall Grove” de Jean Ray. Rien d’étonnant, je n’ai jamais accroché d’autres textes de l’auteur.
Lire les avis de Xapur, Le chien critique, Samuel Ziterman sur le Bifrost 87.
Deux nouvelles dans le Bifrost 88 consacré à Greg Egan :
“La Dernière plume” de Matthew Kressel nous envoie sur une planète aussi exotique qu’improbable, Ardabaab. Reuth Bryan Diaso est le dernier romancier à écrire sur du papier et à faire relier ses livres, exercice vain à l’heure de la communication neuronale. il est à la fin de sa vie et souhaite pouvoir terminer son roman en paix. Persuadé qu’en exil volontaire sur cette planète magnifique, il est dérangé par une jeune autochtone, Fish. Malgré leurs différences, ils se lient d’amitié. Fish se découvre un talent certain pour le dessin. Dans ce texte émouvant, au rythme maîtrisé, Matthew Kressel explore les thématiques de la transmission, des relations humaines et de l’écriture qui jette des ponts par delà les différences.
“La Vallée de l’étrange” de Greg Egan joue sur le concept éponyme (The uncanny valley en anglais) développé par le roboticien japonais Masahiro Mori. Il qualifie la réaction psychologique de rejet provoquée par un robot humanoïde : plus le robot ressemble à l’être humain, plus ses “défauts” génèrent un sentiment d”étrangeté. Un robot non humanoïde ne provoque pas de sensation de malaise puisqu’il est identifié comme un robot. Un robot plus réaliste dans son imitation de l’être humain est évalué comme un être humain et toute réaction artificielle semble bizarre ou inappropriée. Il se situe dans la vallée de l’étrange. Et lorsqu’il atteint un certain niveau de perfection, il est est mieux accepté par l’être humain. Dans la nouvelle de Greg Egan, Adam est un robot légataire universel du Vieux. Bien entendu, la famille du Vieux conteste ce testament. Le fait qu’Adam soit un robot, sans existence légale, sans statut et qu’il ait accueilli une partie de la mémoire du Vieux complique encore la donne. Excellent texte qui explore aussi la question de l’identité.
Lire les avis de Xapur, Le chien critique, Samuel Ziterman sur le Bifrost 88 et l’avis de Gromovar sur “La vallée de l’étrange”
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