D’Émilie Querbalec
Albin Michel Imaginaire – 448 pages
Un roman d’apprentissage
Parce qu’elle est la dernière d’une lignée de conteuses de talent, Kaori rêvait elle aussi d’embrasser la profession. Élevée par sa grand-mère après la mort tragique de ses parents dans un incendie dont elle ne se souvient pas, elle attend le Ravissement, le moment où le Dit se manifestera en elle. Sur Tasaï, sa planète, la tradition est orale : l’éducation, la transmission du savoir, des contes et légendes, du folklore sont orales. Les Conteurs sont des personnages d’importance. L’écriture est interdite et le peuple ne sait ni lire ni écrire. Les moines Talanké veillent à maintenir les traditions. Si la planète accueille des voyageurs d’ailleurs, ces derniers sont priés de respecter les us et coutumes de cette société conservatrice et technologiquement peu évoluée. Hélas, le Don ne se manifeste pas chez Kaori et elle apprend donc un autre métier : la danse. Lorsque sa grand-mère meurt, Kaori reçoit en héritage un tube scellé qu’elle seule peut ouvrir. Il contient un rouleau de calligraphie. Posséder un tel objet peut lui valoir une condamnation à mort. Mais c’est aussi le seul objet qui vient d’un passé dont elle ne sait rien. Elle décide de chercher de l’aide et des réponses à Pavané auprès de Maître Toishi, un conteur de Premier Rang qui connaissait sa famille. Une première étape d’un voyage qui la conduira bien plus loin que tout ce qu’elle pouvait imaginer.
Un univers archaïque et futuriste
Emilie Querbalec est née au Japon et la société dans laquelle évolue Kaori s’inspire fortement des traditions et du folklore japonais impérial et le Dit du Genji y tient une place prépondérante. La planète Tasaï est maintenue dans un état pré-technologique par rapport aux autres mondes traversés par le Flux. Même si les vaisseaux spatiaux atterrissent et que les autochtones savent que d’autres planètes existent, la société reste conservatrice et repliée sur elle-même, patriarcale et corsetée dans des normes pesantes. Pourtant l’univers est vaste et nous avons bien affaire ici à du space opera / planet opera. En quittant les monts d’Automne et Tasaï, l’histoire de Kaori prend une toute autre dimension et aborde des concepts plus science-fictionnel comme la mémoire génétique ou l’interconnexion neuronale. La couverture de Manchu rend parfaitement cette dualité, en plus d’être magnifique.
Une narration au plus près de Kaori
La narration à la première personne et au féminin nous place au côté de Kaori et donne au roman un ton très intimiste. Nous découvrons le monde par ses yeux, assez naïfs. Kaori est une artiste qui s’exprime par le corps à défaut de pouvoir le faire par les mots. Sa curiosité la pousse à remettre en question les dogmes et les préceptes rigides dans lesquels elle a été éduquée. Elle prend des risques et fait preuve de courage tout autant que d’inconscience dans ses décisions. Elle prend des coups et pas des moindres parfois, mais elle continue d’avancer avec une obstination qui force l’admiration. La plume d’Émilie Querbalec, fine et subtile, sait se faire poétique y compris avec quelques haïkus. Le récit n’est pas parfait — il souffre d’un manque de rythme dans son deuxième tiers — il reste impressionnant de maîtrise.
Sous le ciel immense, le lac frémit, reflet du soir.
Deuxième roman d’Émilie Querbalec, jeune autrice française – le précédent, Les Oubliés d’Ushtâr est sorti chez Nats éditions – Quitter les monts d’Automne est un roman de contraste et d’harmonie où la grâce le dispute à la poésie. Un coup de coeur pour moi.
Une citation
Je me sentais perdue, désemparée. Tout ce savoir, toutes ces heures passées à étudier et emmagasiner de nouvelles connaissances, et je me trouvais aussi peu avancée que si j’avais tourné en rond dans une pièce hermétiquement close. En m’initiant à cette vision scientifique de mon environnement immédiat ou lointain, Vif-Argent avait fait apparaître des portes insoupçonnées dans ma perception du monde. Mais il ne m’en avait pas donné les clefs, puisque lui-même ne les possédait pas – qui les possédait ? Je repensait à ma grand-mère. Poser trop de questions ne te mènera nulle part, me répétait-elle. A l’époque je refusais de l’entendre, mais je devais bien admettre aujourd’hui qu’il y avait un fond de sagesse dans cette sorte de philosophie pratique qui gouvernait son existence. Derrière chaque mystère se cachaient d’autres mystères, plus vastes encore. Chercher à comprendre le sens de tout cela revenait à vouloir éclairer un puits avec une seule et unique papilule.
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Bon bon bon vous êtes tous très enthousiastes, ça donne vraiment envie !
Le côté Japon m’intéresse mais j’ai peur que ce ne soit trop lent pour moi
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