Cheval de Troie
Journal d’un AssaSynth T3

De Martha Wells

L’Atalante – 144 pages. Traduction de Mathilde Montier. Audiolecture.

Cheval de Troie est le troisième tome de la série série Journal d’un AssaSynth (The Murderbot Diaries), centrée sur un androïde de sécurité qui s’est affranchi en piratant son propre module de contrôle. Cette série m’accompagne en audiolecture.

Une mission qui vire au cauchemar

Sous une fausse identité, AssaSynth — notre SecUnit préférée — rejoint une expédition scientifique vers la station orbitale Milu. Objectif : rassembler des preuves sur les activités illégales de la société GrayCris. Très vite, la situation dégénère : les deux agents de sécurité censés protéger l’équipage sont en réalité des agents de GrayCris infiltrés et chargés d’effacer toute trace compromettante. La mission se transforme alors en huis clos tendu. AssaSynth doit gérer la menace, protéger des innocents et composer avec Miki, un robot de compagnie naïf, loyal, jovial et profondément attaché à son humaine de référence, Don Abene.

Des androïdes et l’humanité dans un univers aux mains des corporations

Martha Wells poursuit ici son exploration des dilemmes d’un androïde doté de libre arbitre. AssaSynth agit en dehors de toute programmation explicite, mais reste influencé par les fonctions inscrites dans son corps-machine. Son rapport aux autres, humains comme machines, d’abord teinté de méfiance, évolue lentement. Il hésite, fait des choix, et découvre peu à peu ce qu’il est, ce qu’il peut devenir, et ce qu’il choisit d’être. Il découvre aussi, parfois malgré lui, ce que signifient l’attachement, le lien… et la perte.

En contrepoint, Miki apparaît comme un miroir inversé : bot de compagnie respecté et affectueux, il incarne la possibilité d’une relation humain-IA fondée sur la reconnaissance mutuelle. Son regard sur les humains — sans rancune, sans peur — force AssaSynth à se remettre en question. Cette opposition met en lumière une question essentielle de la série : la manière dont les IA sont traitées en dit souvent plus sur l’humanité que sur la nature des machines.

GrayCris, comme d’autres entreprises dans la série, incarne la logique d’exploitation déshumanisante propre à un capitalisme technologique exacerbé. Humains et robots sentients se retrouvent logés à la même enseigne : manipulés, sacrifiés ou effacés s’ils deviennent des obstacles aux profits. Cette critique sous-jacente donne à la novella une portée politique discrète.

De l’action, du rythme et du plaisir

Le récit suit une structure linéaire. La narration, toujours à la première personne, épouse le point de vue d’AssaSynth avec une ironie constante et une lucidité parfois crue. Le ton sarcastique, les observations techniques et les références aux séries télé visionnées par AssaSynth donnent au texte son style si particulier.
Le rythme est fluide et soutenu : scènes d’action nerveuses, dialogues efficaces, introspections brèves mais marquantes. À ce stade de la série, la structure narrative commence à montrer une certaine répétitivité d’un tome à l’autre, et le worldbuilding, esquissé en arrière-plan, peut frustrer par son manque de développement. Ces deux bémols n’entachent cependant pas le plaisir de lecture.

Porté par un protagoniste toujours aussi attachant, Cheval de Troie mêle action, humour noir et critique sociale, dans un style accessible qui donne envie d’enchaîner les tomes.

Citation

Je déteste prendre les choses à cœur, parce qu’apparemment, une fois qu’on a commencé, on ne peut plus s’en empêcher.

Qui aurait cru qu’être une impitoyable machine à tuer présenterait autant de dilemmes moraux ?
(Oui, c’est bien du sarcasme.)

• De Martha Wells, sur le RSF Blog : Défaillances systèmes, Schémas artificiels
• Lire les avis de Vert, 233°C, L’affaire Herbefol, Chut Maman lit !, De livres en livres, Lorhkan et les mauvais genres

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