de Michel Pagel
Denoël Lunes d’encre – 430 pages
L’équilibre des paradoxes nous est présenté par Denoël Lunes d’Encre dans une version intégrale. Le roman est précédé d’une nouvelle « L’Étranger », nouvelle qui permet de faire connaissance avec les principaux personnages de l’histoire qui la suit. Dans cette nouvelle, l’enquête qui vise à démasquer un voleur révèle un enjeu autrement plus grand : sauver la Terre d’une menace bien plus grande.
S’il y a une chose qu’un écrivain redoute, c’est bien qu’on lui donne des idées. Il en trouve suffisamment tout seul, merci, et n’a aucun besoin de celles des autres. Alors quand Raoul Corvin Jr. m’a proposé de me raconter une histoire qui, selon lui, aurait fait un très bon livre, autant dire que je me suis méfié.
Visiblement Michel Pagel ne s’est pas assez méfié puisqu’il a couché sur le papier l’histoire contée par Raoul Corvin Jr. Rassemblant des extraits de journaux intimes (manuscrits ou sonores), des lettres et documents divers légués par ce dernier il a reconstitué un troublant épisode méconnu de notre histoire et qui aurait pu la bouleverser irrémédiablement.
Nous sommes en 1904, Gilberte Debien passe de paisibles vacances avec sa mère au manoir de Ravanech en Bretagne. Elle se languit de Raoul, dont elle est amoureuse, et de sa cousine et amie Amélie Schiermer, restés à Paris. Une nuit surgit un inconnu au faciès monstrueux qui tue sauvagement sa mère et le personnel de la maisonnée et la viole. Enceinte et percluse de honte elle s’enferme dans ce manoir lugubre et se coupe du monde. Mais l’inconnu n’est pas le seul à perturber la tranquillité de cette partie de la Bretagne : un Hun, une cyborg, un Grec antique, un soldat de l’armée de Saladin, une princesse russe et le meurtre non élucidé du savant Le Goëlec défraient bientôt la chronique. Ayant vent des nouvelles, Raoul Corvin abandonne la tribune de L’Humanité pour suivre Amélie et son mari le Colonel Armand Schiermer qui ont décidé de porter secours à Gilberte. Une fois sur place ils découvrent que Le Goëlec a mis au point une machine à voyager dans le temps mais qu’un grain de sable a provoqué quelques dérèglements envoyant en 1904 beaucoup de personnes qui n’y ont rien à y faire comme la jeune Sophie Périsset, babacool de 1969. Et qu’il faut au plus vite remédier à cet état de fait car l’équilibre des paradoxes (temporels) a été rompus. Le monde peut à tout instant virer au chaos.
Premier point fort de ce roman : les personnages. Ils sont truculents et très bien caractérisés surtout par l’écriture de leurs journaux intimes. On découvre une Amélie progressiste et pas loin d’être féministe, un colonel qui se plait à réfléchir par lui-même plutôt que de suivre aveuglément son institution, une Sophie moderne qui contraste violemment dans la société de la Belle-époque. Ce contraste donne lieu a des scènes très drôles : Sophie est libre et décomplexée, consomme du LSD et fume des pétards, ne surveille ni son langage (fleuri) ni ses manières (surtout avec ces messieurs). Les personnages secondaires sont aussi fort bien définis, même vus par les yeux des autres protagonistes. Deuxième point fort : l’histoire. Totalement barrée, rocambolesque, jouissive, sans pour autant se perdre dans les paradoxes temporels qu’elle provoque, elle nous balade de la Bretagne à Tanger pour éviter une guerre mondiale anticipée. Troisième point fort : le style de l’auteur. Très réaliste, à la mode de 1904 sans les lourdeurs de l’époque, complexe et riche il se savoure à petites ou grandes bouchées. Michel Pagel est décidément un conteur de talent.
Les points faibles ? Je les cherche encore. L’équilibre des paradoxes a reçu le Prix Rosny Aîné 2000 et le Prix Julia Verlanger 2000 et c’est amplement mérité.
Un extrait
JOURNAL DE RAOUL CORVIN
26 février 1905, Paris
En quel monde vivons-nous ! Non : en quel monde vivons-nous ?
Il est amusant de constater comme la substitution d’un point d’interrogation à un point d’exclamation peut changer une exclamation bourgeoise hypocritement horrifiée en une question fondamentale.
- Lire les avis de NooSFere, Salle 101, Culture SF, KWS, Lord Orkan Von Deck, La porte des mondes
Fonce tu ne le regretteras pas
@ Ferocias : pas de quoi être jaloux il manque les 123 suivants (et plein d’autres)[mdr]
Merci Lhisbei, me voici convaincu de le rajouter à ma PAL.
Ca part en LAL.
Dur dur de ne pas noter après ce billet!
Oh que tu me fais plaisir! J’avais a-do-ré ce roman!!!
@ Giraud et Gromovar : bonne lecture @ Vert : bah si il faut en parler [Reflechir]
@ Karine : mais facile à lire @ Kali : ça me fait plaisir de t’avoir fait plaisir []
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