Sixième entrée dans la série de Miscellanées de nouvelles. Le menu du jour sera entièrement numérique et thématique puisque tous les textes sont issus de la Décade de l’imaginaire, opération pendant laquelle l’Atalante offrait, 10 jours durant, une nouvelle d’un auteur présent dans son catalogue. Le menu se composera d’une entrée, d’un plat et et d’un dessert. Et les boissons seront à discrétion pour vous remonter le moral avant le début de l’hiver (oh ! pardon on me souffle qu’il s’agit de l’automne en fait).
Mise en bouche avec « Fractal » de Vincent Gessler. Convaincue par Cygnis, je me faisais une joie de retrouver la plume de Vincent Gessler. Autant vous dire tout de suite que si les deux textes sont radicalement différents, j’y ai, à chaque fois, trouvé mon compte. Paru dans l’anthologie Utopiae 2006, « Fractal » est l’histoire d’une vengeance. La vengeance terrible, sanglante et totale, d’un petit garçon qui a tout perdu de sa famille et de sa vie, un petit garçon qu’on a détruit, déconstruit et qui se reconstruit autour d’une arme (un sabre) et d’une idée (éradiquer la source du mal). « Ils ont pris ce qui me restait d’innocence ». Quand l’innocence disparait, il ne reste qu’un semeur de mort. « Fractal » est un texte violent, où l’abject côtoie l’horreur, mâtiné de cyberpunk et qui marque l’esprit au fer rouge. Lire aussi les avis de Lune et Vert.
« Ce que chuchotait l’eau » de Anne Fakhouri, en guise de plat principal. Nouvelle précédemment publiée dans l’anthologie dirigée par Lucie Chenu, Et d’Avalon à Camelot, ce texte était le dernier proposé par l’Atalante. Anne Fakhouri pose son regard sur Keu, chevalier et sénéchal du roi Arthur Pendragon. Les deux filles du seigneur d’Escalot, trop pauvres, ne peuvent plus faire partie de la suite de la reine Guenièvre. Le roi envoie donc son fidèle sénéchal à Escalot pour jeter un oeil sur les comptes. Yselle, la plus jeune et dernière fille de la fratrie, l’accueille et lui dresse un portrait sans fard de la province devastée par une vouivre qu’il va devoir combattre. Pas de manichéisme dans ce texte. Bien au contraire les personnages font tous preuve d’ambivalence : la vouivre manipulatrice se retrouve manipulée à son tour, Keu, face à ses choix, vacille, l’apparente innonence de la jeune Yselle cache une détermination sans faille… Comme dans la vie, il n’y a ni bons ni méchants mais des actes, des décisions, des compromis qui façonnent des êtres humains (qu’ils soient preux chevaliers, jouvencelles ou puissants). Un texte court, riche et vibrant. Bluffant. Lire l’avis de Vert.
Un extrait :
« Et moi, je n’ai entendu que ton nom, ce nouveau nom tout neuf, affublé d’une autre destinée que la tienne. Il te l’a volée, Kaïn. Tu aurais dû être différent, être le fils unique et aimé. Tu aurais dû être chevalier sur ta terre, homme dans ton lit, heureux partout. Tu aurais dû être ton propre maître. Kaïn était le nom d’un seigneur. Keu est celui d’un frère aimant. Ils ont scellé ton nom. Kaïn aurait trahi son frère. Keu ne pourra jamais le faire.
— Je ne me laisserai pas monter contre Arthur, créature. Arthur est mon frère, mais aussi mon roi. »
« L’envol du faucon sagittal » de Andreas Eschbach pour le dessert. L’homme a essaimé dans l’univers. Sur l’une des planètes d’accueil, il a fallu évoluer : des ailes, calquées sur celles du faucon sagittal, permettent de quitter le sol, hostile, et de vivre dans des arbres-nids. Owen a toujours rêvé de voir les étoiles, de toucher le ciel. « — Toucher le ciel est une chose, lui lança-t-il tandis qu’il s’éloignait. Le percer en est une autre ». Venez écouter l’histoire d’Owen, qui, tel Icare, voulait percer le ciel. Diamétralement opposé au mythe antique, ce récit initiatique se veut poétique, positif et émouvant. Pari gagné. Lire aussi les avis de Lune et Vert.
Trois textes on ne peut plus différents les uns des autres, trois voix européennes et talentueuses, voici un bel échantillon du catalogue de l’Atalante. J’espère que les autres textes me procureront autant de bonnes sensations.
Elles ont l’air intéressantes (j’aimerai beaucoup découvrir Anne Fakhouri !), en effet ! Tu s son peut encore les trouver quelques part (recueil, ebook payant…) ?
@JainaXF : je ne sais pas si on peut encore les trouver en numérique quelque part. J’ai cherché sur immatériel et emaginaire mais je n’ai rien trouvé.
J’avais pas trop accroché à celle de Vincent Gessler par contre celles d’Anne Fakhouri et d’Andreas Eschbach sont vraiment chouettes !