Le dernier Vodianoï – Julien Heylbroeck

Le dernier VodianoïLe dernier Vodianoï

De Julien Heylbroeck

Ovni Éditions – 418 pages

J’aime la fantasy urbaine. Celle qui nous offre des créatures mythiques lâchées dans une société contemporaine (ou moderne), qui mêle magie et technologie, qui regarde vers le fantastique plutôt que vers la romance. Celle que je trouvais aux éditions de l’Oxymore (mais pas que là), maison d’édition dont je pleure encore aujourd’hui la disparition (première découverte de Mélanie Fazi et kif total avec les anthologies Emblèmes). Aujourd’hui, la fantasy urbaine que j’apprécie se retrouve noyée dans la masse des parutions de séries de “romance” impliquant loups-garous sexys (les dents limées probablement), vampires ultra-chics (le caractère transgressif gommé) et une héroïne forte mais qui ne demande qu’à laisser son coeur d’artichaut fondre (héroïne de préférence tatouée et torturée ou complètement cruche, voire même les deux). Autant dire que trouver de la “bonne” fantasy urbaine équivaut à chercher des aiguilles dans des bottes de foin. Vu la taille actuelle des balles de foin (certaines pèsent plus de 500 kg bien tassés)… Et puis, parce qu’il est parfois, difficile avant lecture de différencier l’uchronie de l’histoire secrète, est arrivé dans ma PAL, pour le prix ActuSF de l’uchronie, Le dernier Vodianoï de Julien Heylbroeck. Et, enfin, enfin, je retrouve la fantasy urbaine qui me botte.

Direction l’URSS en 1937. Staline est au pouvoir, main de fer dans un gant de fer (le velours c’est surfait) : la police politique, extrêmement efficace, déporte dans l’est quiconque ne fait pas preuve du plus grand patriotisme qui soit. Les dénonciations vont bon train ; famille, amis, voisins, clients, la confiance n’est pas de mise. La surveillance de la société est globale, tout le monde ou presque est fiché (des tonnes de papier, des kilomètres de rapports). Le trait, un peu appuyé, frôle parfois la caricature sans jamais y succomber vraiment. Dans cette URSS de cauchemar, la Komspetssov, une agence secrète, est chargée d’éradiquer les créatures du folklore qui surgissent régulièrement. Fées, gobelins, géants des contes et légendes sont impitoyablement traqués et mis à mort. Après avoir décimé les principales cours des fays, l’agence cherche à localiser Bouïane, la cité du dernier Vodianoï (un roi des elfes en quelque sorte). La Komspetssov détient Raspoutine, mage puissant, qu’elle torture pour obtenir des informations. Grâce à sa collaboration forcée, Tesla a pu mettre au point des armes létales qui équipes les liquidateurs de la Komspetssov. Ilya Krasnov est l’un des plus efficaces liquidateurs de la Komspetssov. Son états de service et ses origines sociales lui promettent une carrière intéressante. Seule tache sur son dossier, la disparition mystérieuse de son frère Arcadi. Sa rencontre avec le géant Doubynia ébranle ses convictions et l’envoie sur des chemins bien dangereux…

Le dernier Vodianoï, en plus de convoquer les créatures mythiques de la Russie et de teinter son univers urbain dystopique presque contemporain de steampunk, se paie le luxe de jouer sur les codes des films d’action : des chapitres courts, des rebondissements qui rythment la narration, des scènes d’action sous adrénaline. Résultat ? Un roman survolté, sans baisse de rythme, qui bannit l’ennui. Un page-turner, dans le bon sens du terme. Une bouffée d’air frais en somme, même si le roman n’est pas exempt de défauts. L’auteur a tendance à se laisser emporter : certaines scènes finissent par perdre leur vraisemblance (certains combats ont vraiment besoin d’effets spéciaux pour exister) et les bouffées de lyrisme peuvent parfois agacer. Rien qui ne gâche le plaisir de lecture cependant.

Point d’uchronie ici donc, mais un honnête roman de fantasy urbaine mâtiné d’histoire secrète. Une lecture plaisir que je recommande sans hésiter.

PRIX UCHRONIE 2015Lu pour le Prix ActuSF de l’Uchronie 2016

challenge dystopieChallenge Dystopie de Val

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