La Fureur de la terre, Les Dieux sauvage T3 – Lionel Davoust

La Fureur de la terre
Les Dieux sauvage T3

De Lionel Davoust

Critic – 816 pages

Retour de chronique du Bifrost 96

Une ville qui tombe

Les Dieux sauvages , série prévue initialement en trois tomes, se transforme, au fil des parutions, en pentalogie. Cinq opus seront donc nécessaires pour dénouer tous les fils d’intrigues et offrir un dénouement satisfaisant aux multiples arcs narratifs ouverts dans les premiers tomes. Wer a détruit le monde parce qu’il ne lui convenait pas, jetant l’opprobre sur une femme et par-delà, sur toutes les femmes. Le clergé, puissant, a instauré des normes patriarcales sévères créant une société dans laquelle les femmes n’ont guère de droits. Mériane avait choisi de vivre en paria, dans les zones instables, contaminées par la magie et dangereuses, pour éviter de se plier aux lois des hommes. Devenue malgré elle Héraut d’un dieu auquel elle ne croit pas, qu’elle n’apprécie pas, elle s’efforce de sauver un monde qui ne mérite peut-être pas de l’être. Elle tente donc d’arrêter la marche sur la Rhovelle de l’implacable Ganner, Prophète d’Aska, entité rivale de Wer, et défend la ville de Loered, protégée par huit murailles concentriques. Quatre sont déjà tombées dans le tome précédent (Le Verrou du Fleuve). Le siège se poursuit, et la situation des assiégés empire. Les réserves de nourriture, touchées par la pourriture, promettent une famine et le morbus, maladie mortelle, fait son apparition. Grâce au savoir de Néhyr, survivante de l’empire d’Asrethia à la longévité mystérieuse, Mériane s’approprie une armure issue des troupes ennemies. Ainsi harnachée, elle insuffle aux défenseurs de la ville l’énergie de se défendre, jour après jour, alors même qu’ils ne peuvent vaincre. L’Église, incapable de soutenir Mériane (une femme ne peut être choisie par Dieu pour incarner sa Parole), s’est prudemment mise en retrait. Seul Maragal, chronète attaché à Loered, l’accompagne de bonne grâce, bien décidé à écrire sa légende. En parallèle, le prince Erwel tente d’obtenir de précieux renforts des provinces voisines réticentes pendant que les jeux d’alliances politiques pour la conquête du trône se poursuivent loin du champ de bataille.

De multiples facettes

Comme dans les tomes précédents, Lionel Davoust multiplie les points de vue. Le lecteur peut ainsi appréhender sous des angles différents les évènements marquants, anticiper les révélations et comprendre, bien avant les personnages, que les dieux n’en sont pas et que la magie n’est en réalité qu’une technologie ancienne et oubliée, que même les enfants d’Aska peinent à maîtriser. La fureur se retrouve des deux côtés de la ligne de front. Mériane se transforme peu à peu en machine de guerre. Elle lutte pour sauver un peuple tout en tentant de ne pas perdre son humanité sous l’emprise d’une armure aspirant son énergie vitale. Idéaliste, elle se refuse pourtant à sacrifier les plus faibles comme Wer le lui conseille. A contrario, Ganner, dénué de ces préventions, se révèle prêt à tout pour atteindre ses objectifs. La maîtrise narrative de Lionel Davoust impressionne et invite à revenir arpenter le monde d’Évanégyre aux côtés de Mériane. Vivement la suite de La Fureur de la terre. Et on note avec plaisir les très belles illustrations de couverture d’Alain Brion qui représentent fort justement l’évolution de Mériane au fil des tomes.

L’incipit (pour le plaisir du juron) :

Trois ombres se faufilaient dans la nuit à travers le désert de ruines de Loered, sous la pluie battante, parmi les décombres et la mort. La première était guidée par la voix de Dieu, la deuxième n’avait jamais besoin de lumière et la dernière s’empêtrait avec sa lanterne sourde, jurant comme une charretière.
Chunsène trébucha derrière la Messagère du Ciel, et ses bottes claquèrent dans les flaques stagnant sur les pavés de l’enclave. Le faisceau strié de gouttes tourbillonnantes dansa sur le chaos de gravats et de poutres noircies, souvenir des tavernes, forts et relais de voyage de la quatrième enclave du Dédale nord.
« Morbus de puterelle de braque à Wer ! »

Un extrait

« Allons, fit l’arquide en inclinant la tête. Si tu penses vraiment que le problème se limite à cela, tu as beau être intelligent, tu es surtout fou. Bien sûr qu’on ne tergiverse pas avec la Vérité ; mais toi, entre tous, ne fais pas semblant d’ignorer les rouages du culte. Il y a aussi ce que le plus grand nombre est capable d’accepter. Et l’y conduire, c’est ton rôle.
— Votre Gloire, mon rôle ne consiste pas à trier ce que le plus grand nombre est capable d’accepter de la Vérité pour n’en dire que cela, répliqua le chronète avec une colère montante, quoique teintée d’angoisse. Il s’agit pour moi de trier ce qu’il est possible de dire, de manière à ce qu’on comprenne dans son ensemble ce qu’est la Vérité.
— La différence est subtile, tu en conviendras.
— Mais elle est fondamentale. Et si j’échoue, ce ne sera certainement pas la faute de la Vérité, mais la mienne. »

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