Techno Faerie – Sara Doke

Techno Faerie

De Sara Doke

Les Moutons électriques – 370 pages

Techno Faerie est un objet livre à multiples facettes, une malle magique qui renferme plus de somptueux trésors qu’elle n’en promet. Commençons par les promesses au lecteur. La première promesse c’est d’avoir un beau livre, un bel objet. De ce côté-là, c’est exceptionnellement réussi : une couverture souple, mais résistante, à grands rabats (le luxe), une maquette soignée, des illustrations en couleur et à foison, une typographie travaillée, un papier de qualité que ce soit pour la partie texte ou la partie encyclopédie, sous une superbe illustration de couverture de Melchior Ascaride (petit bémol : des coquilles en trop grand nombre, encore). Le livre donne immédiatement envie d’être lu. Ouvrons donc le coffre au trésor…

Techno Faerie est composé d’un fix-up de nouvelles d’un peu moins de 200 pages et d’une encyclopédie des Faes. Que sont les Faes ? Ce sont les fées, le petit peuple, réfugiées sous la Colline après avoir été chassées du monde par les hommes qui ont remplacé l’herbe par le béton, érigé des barrières de fer, métal toxique pour les faes, pollué terre, air et eau. Après des années de guerre larvée, où les faes enlevaient les petits humains pour en faire des esclaves, à observer l’évolution de nos sociétés et à copier et adapter nos technologies, elles ont décidé que le temps du vivre ensemble était advenu. Aucune des deux communautés, humaine ou féérique, nous pourrait bientôt plus survivre : la faerie, recroquevillée sur elle-même, se meurt pendant que les hommes, inconscients, se condamnent à une lente agonie par l’asphyxie inexorable de leur habitat naturel. Et pour préparer le monde des hommes au retour des faes, ce dernières ont besoin de passeurs, comme Arthur Passeur enfant avide d’apprendre, très solitaire (et très grand lecteur de SF) et qui conduira les deux peuples à la rencontre d’autres civilisations, Raphaël petit humain élevé par des faes sous la Colline, hermétique à la magie traditionnelle mais surdoué dès qu’il s’agit d’informagie ou Ezéchiel, fae rêveuse qui a ouvert un havre sur la terre des Hommes et qui accueille les enfants ou adultes rejetés. En dix chapitres, qui sont autant de nouvelles, et d’épisodes, le lecteur suit le parcours de ces faes et des enfants humains sur le chemin de la réconciliation et de la Transformation. La narration et le ton varient à chaque texte : un monologue décoiffant avec Ezéchiel nous plonge in media res puis suivent des nouvelles à la construction plus traditionnelle, en alternance avec des articles de presse, le journal d’un scientifique travaillant sur un projet de fertilisation du désert avec des faes, la retranscription d’une interview ou une correspondance entre Arthur Passeur et  son épouse, une Sylphes restées en Faerie. Les personnages récurrents serviront de fil conducteur entre les nouvelles : sont explorés à la fois les relations passées des deux communautés, leur présent en cours et une ouverture sur le futur dans le dernier texte. De prime abord, le tout pourrait paraître décousu et nécessite, pour le lecteur, de faire l’effort de se laisser porter. La logique et la cohérence internes de la Faerie sont bien tangibles. Et la nature profonde des Faes parfois farceuses ou dangereuses est respectée, même si leur côté technophile et moderne peut surprendre. En filigrane transparaît un message de tolérance, un appel à l’acceptation de l’autre et de respect de l’autre, mais aussi de soi et de son environnement. Le fix-up tient ses promesses de boite à malices. Une petite note au passage : au pluriel les Faes se déclinent au féminin. Qu’elles soient mâles, femelles, asexuées ou hermaphrodite, le féminin l’emporte “même dans les communautés patriarcales”. Le procédé se remarque à peine et s’intègre parfaitement dans la narration.

Revenons quelques instants sur l’encyclopédie des Faes, inventées ou réinventées par Sara Doke, sur environ 150 pages. Faes du végétal comme les Arbrières, les Sylphes ou les Gobelins, Faes domestiques comme les Kitsunes (renardelles japonaises) ou les Ayas qui vivent dans les réseaux informatiques (comme celle dessinée par Caza ci-dessous), Faes aquatiques comme les Nymphes ou les Vouivres, Faes minérales ou technologiques, Faes du feu ou de la lumière, Faes des mots ou Bellesdames & Beauxmessieurs, presque toutes les Faes croisées dans Techno Faerie ont leur entrée détaillée et abondamment illustrée (dessin ou photo) dans cette partie encyclopédique. Cette partie compte 88 entrées au total illustrées par Caza, Gilles Francescano, Nicolas Fructus, Sandrine Gestin, Manchu, Zariel et même David Calvo… Sur un papier glacé, le rendu est splendide.

Extrait (photo issue du site de l’éditeur)

En définitive, Techno Faerie est un superbe livre univers, féérique et enchanteur.

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