Semper Lupa. L’histoire éternelle de Rome – Meddy Ligner

Semper Lupa
L’histoire éternelle de Rome

De Meddy Ligner

Armada – 236 pages

De Meddy Ligner, j’avais déjà lu et apprécié (mais pas chroniqué) Les Roses de Karakorum, une uchronie qui se passe en 1485 dans l’empire mongol. Dans Semper Lupa, l’auteur propose, en douze nouvelles, une histoire alternative au long cours de l’Empire romain, un empire qui n’a jamais chuté et, qui, par la grâce de la conquête spatiale, touche à l’éternité. Chaque texte se retrouve séparé par un long laps de temps et se place à différents endroits ce qui permet de brosser le portrait de cet Empire indestructible. Ceux qui ont pensé à Roma Æterna de Robert Silverberg visent juste. Cependant si ce fix-up contient onze nouvelles, il est deux fois plus épais que Semper Lupa.

Deux des nouvelles ne sont pas inédites : « L’Eolipyle et la Théorie de Ptolémée » est parue dans l’anthologie Dimension Antiquité (éditions Rivière Blanche) et « Voyages sur les Bords du Monde » est parue dans le numéro 32 de la revue Galaxies.

Dans « L’Aigle et le poisson », nous suivons un légionnaire tueur en série guidé par la voix de Jupiter. Il assassine le jeune Jésus de Nazareth. L’empire romain élimine ainsi la menace du christianisme et continue d’honorer ses multiples divinités. « Les Chemins d’Antioche » met en scène le destin de deux personnages, Antiphon et Faustus, disciples de Zénon. Les jeunes gens sont tous deux amoureux de la même belle jeune femme. Meddy Ligner imagine trois lignes temporelles différentes. Trois choix possibles pour une fin qui ne déflore pas la voie choisie. C’est le texte que j’ai préféré, mais j’ai toujours eu un faible pour les uchronies personnelles. Dans « Voyages sur les Bords du Monde », direction la Grande Muraille de l’Est, bâtie pour repousser les hordes de barbares du Levant. En l’an Lucius Marcus Verano y est envoyé pour enquêter sur les femmes-louves qui existeraient de l’autre côté du mur. Légende ou réalité ?
Dans « Némésis à Thysdrus », l’Empire s’est étendu vers le Nord (Scandinavie et Islande comprises) et a imposé sa Pax Romana à l’aide de ses légions sur-entraînées. Les survivants ont fui par bateaux. A Thysdrus, aux portes du désert du Sahel, on assiste à un triangle amoureux chez les gladiateurs. « Dans les plaines de Pannonie » est plus un texte sur la vocation d’écrivain. Encore enfant, Titus Marcellus Sidor assiste à la bataille entre les troupes du fils de Gengis Khan et les armées de l’Aigle Impérial. Rome met en déroute l’armée mongole, mais le jeune Titus aide un soldat adverse en échange du récit oral de son histoire. Cette rencontre marque profondément Titus et influe sur ses choix de vie. Ici aussi, un très beau texte.
« Fuir la mort noire » nous conduit au Moyen Age où la peste bubonique ravage l’empire romain et touche particulièrement Rome. Comment fuir une ville en quarantaine, mouroir géant dans lequel les habitants sont irrémédiablement condamnés ? C’est le début des machines et du règne des ingénieurs. Les descriptions sont très réalistes. Dans « L’Eolipyle et la Théorie de Ptolémée », Meddy Ligner revisite les grands voyages exploratoires du monde. Pas de Marco Polo ni de Christophe Colomb, ici, mais des empereurs qui ont décidé de mettre le monde au pas. Cependant, dans ce texte, le voyage du Bucéphale, navire amiral mariant la technologie de la vapeur à celle plus ancienne de la voile, n’apportera pas les richesses et le prestige attendus. Le cap au sud amène son équipage à accoster sur l’inhospitalier continent Antarctique. Pour son plus grand malheur.

Et puis, les souvenirs affluèrent. Je me souvenais parfaitement de son départ, un an et demi auparavant. J’étais au milieu de la foule considérable qui était venue assister à l’appareillage de la flotte de l’Empereur Sulpicius. Cinq magnifiques vaisseaux, tout juste sortis des arsenaux impériaux et prêts à affronter les flots, stationnaient alors sur le port d’Ostie, porte d’entrée maritime de Rome. Ce jour-là, le soleil brillait haut dans l’azur comme si Apollon lui-même avait voulu saluer le lancement de cette nouvelle expédition.
Cette dernière s’inscrivait dans la tradition des empereurs-navigateurs qu’avait connue l’Empire depuis maintenant plusieurs décennies. Le premier d’entre eux, Claude VII le Valeureux avait longé les côtes d’Afrique et découvert à l’extrémité sud du continent noir le cap qui porte désormais son nom, puis atteint la Perse et l’Inde.
Son fils, l’empereur Thésée Philhellène, avait traversé le Grand Océan et posé le pied sur de nouvelles terres qu’il avait baptisées Nova Italia. Il avait triomphé des indigènes à la peau cuivrée avant de fonder la ville de Thésépolis sur les rivages du nouveau continent. Ce dernier fut ensuite pacifié et colonisé par les Césars qui lui succédèrent.
Enfin, Claude VIII accomplit la première circumnavigation, mettant fin à toutes les spéculations concernant notre monde. Celui-ci état aussi rond qu’une orange et les Romains avaient été les premiers à en faire le tour complet.

Dans « Aussi limpide que l’eau des rivières » le lecteur apprend ce que sont devenus les Scandinaves chassés par Rome : ils ont accosté sur le continent américain et ont été recueillis par une nation indigène, les Mi’kmaqs. Au fil du temps, les deux nations se sont fondues en une seule. Le romain au centre de la nouvelle est un sang-mêlé : né en Nova Italia, la colonie de Rome sur le continent américain d’un père Italien et d’une mère indigène, le jeune homme est rejeté par tous. « A l’ombre du Gracque » relate sous de multiples point de vue l’assassinat, dans un train, d’un prélat romain un peu trop progressiste. Républicain, abolitionniste, il est à la tête d’une mouvement révolutionnaire pacifique, mais qui s’étend inexorablement. Dans « Irène et Flavius » les tensions économiques et politiques entre l’ancienne colonie Nova Italia et la République se multiplient. Une guerre froide fige la société.  Espionnage et contre-espionnage pour une jeune femme a priori banale et fascinée par la figure d’un espion de fiction. « Le Glaive de Vercingétorix » situe son action en 2092. Nova Italia a été éradiquée par Rome à l’aide d’une bombe nucléaire. Après avoir colonisé la Lune, l’homme s’est lancé à la conquête de la planète Mars. Les spationautes romains sont les premiers à atterrir sur Mars. En parallèle, un archéologue romain découvre le site d’Alésia. Le tout est vu par le regard de la fille de cet archéologue. La complexité des relations père-fille ajoute une touche d’émotion supplémentaire. Dans le « Chant des cycles » nous sommes projetés sur une planète inconnue, loin dans l’avenir. Un homme amnésique sort d’une capsule de survie, bientôt suivi par son frère. Ils ont la vision d’une grande cité à fonder. Toujours la louve…

Le livre a été réalisé avec soin : couverture à rabats illustrés, papier au grain agréable. Michel Borderie signe, en plus de la superbe illustration de couverture, une carte du monde romain (en couleur) où chaque nouvelles est identifié par son lieu d’action. Un seul regret concernant ce recueil : que les nouvelles ne soient pas plus étoffées tant le voyage se révèle plaisant.

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Cet article a 10 commentaires

    1. Lhisbei

      Tu vas trouver des défauts dans l’écriture Apophis (manque de développement de certaines, pas assez de « show, don’t tell ». 🙂

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