Gentlemen mécaniques – Compendium de récits steampunk

Gentlemen mécaniques
Compendium de récits steampunk

Anthologie

Éditions de l’Instant – 352 pages

Si vous cherchez du steampunk victorien, des gentlemen en frac et hauts de forme, des ladies à ombrelle, passez votre chemin. Les nouvelles au sommaire de Gentlemen mécaniques s’éloignent des clichés du genre. Le ton est posé par Patrick Dechesne dans la préface : après avoir retracé les origines du genre et énuméré ses marqueurs, il prend soin de prévenir que les textes qu’il a compilé prennent le large. Et c’est le point fort de l’anthologie : une absence de clichés, malgré les automates, la révolution industrielle et scientifique avant l’heure, les rouages, la quincaillerie et les casques d’aviateur… Un autre point fort réside dans le multiculturalisme des textes : on trouve des nouvelles d’auteurs et d’autrices qui viennent d’Inde, de Taïwan, de Singapour, de France, de Belgique, d’Espagne, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. Le steampunk, protéiforme, possède de multiples visages.

L’anthologie propose douze textes de bonne facture, même si tous n’ont pas réussi à me convaincre.

  • Tom Crosshill : “En attendant le numéro 5”. Très joli texte sur des automates doués de conscience : une danseuse miniature, 4eme de sa lignée, qui tente de séduire son maître pour éviter la venue d’une numéro 5… La nouvelle est écrite du point de vue de l’automate consciente de sa fragile existence.
  • Tony Pi : “La malédiction de chimère”. Pas vraiment accroché à ce texte mêlant l’occultisme aux débuts du cinéma.
  • Kathleen Strivay-Luyckx : “Hope”. Une nouvelle poignante sur un orphelin qui crève la faim dans une ville en pleine révolution industrielle. La nouvelle tend plus vers Dickens pour l’ambiance générale que vers le steampunk.
  • Nick T. Chan : “La commande pour l’amour”. Coup de coeur pour ce texte mettant en scène des golems mus par des homoncules de création humaine. La nouvelle évoque le libre-arbitre et la reconnaissance de la capacité à penser par soi-même détermine l’humanité…

Seuls les humains mâles sont dotés de conscience réflexive et, par conséquent, possèdent des droits légaux sur les non-pensants. Les non-pensants sont ainsi définis comme étant les homoncules, les animaux, les golems et les femmes.

  • Jesús Cañadas : “Visez les tripes”. Pas non plus accroché à ce texte uchronique sur la guerre d’Espagne (oui, ça arrive).
  • Vivian Caethe “Les hommes de la compagnie”. Steampunk et morts-vivants dans une ambiance conquête de l’ouest. Je me surprends à apprécier de plus en plus les zombies (un jour je vais même finir par parvenir à les voir sur écran)
  • Aliette de Bodard “Mémoires de bronze, de plumes et de sang”.  Nous voilà dans l’empire Aztèque. Nezahual est un vieil homme. Il crée des oiseaux mécaniques doués de conscience. C’est aussi un grand guerrier qui s’est retiré. Sollicité pour former des jeunes recrues, il refuse. Très beau texte qui garde son mystère.
  • Olivia Ho : “Un ouvrage de femme”. Dans un quartier malais de Singapour, ville sous occupation anglaise, tout le monde cherche à mettre la main sur une femme mystérieuse. C’est une variation sur la créature de Frankenstein dans une ville cosmopolite, multi-culturelle et où certains peuples n’ont pas été épargnés. Petite frustration concernant ce texte : il me manque des repères historiques pour bien appréhender les interactions en jeu.
  • Indrapramit Das : “La petite Begum”. Superbe texte ici aussi autour d’une petite fille indienne handicapée et trop faible pour se mouvoir, trop pauvre pour avoir accès aux soins et pas dans la bonne caste pour avoir l’autorisation d’utiliser son pouvoir de télékinésie. Il se passe quelque chose du côté de la SF indienne qui promet d’être intéressant (il faut encore qu’elle soit traduite comme pour Vandana Singh)
  • Sylvain Lamur : “Ngurumpii”. Direction l’Australie et son bush pour cette nouvelle. Ngurumpii est un petit garçon ami des Mimi, les esprits capables de se cacher dans la roche. Un marchand ambulant occidental débarque un jour dans sa tribu (avec toute la corruption qu’il peut apporter) et exhibe l’esprit Mimi qu’il a capturé. Sous la vindicte de la tribu, il se réfugie en ville. Mais Ngurumpii le suit, bien décidé à aider le pauvre esprit emprisonné et moribond.
  • Emmanuel Chastellière : “Fly me to the moon” : cette nouvelle figure aussi au sommaire de Célestopol et je vous en reparle bientôt sur ce blog.
  • Dylan Horrocks : “Steam Girl”. Magnifique texte qui mêle vie contemporaine des ados (entre rejet de la norme, difficulté de grandir, quête d’identité et total absence de compréhension et de soutien des adultes, au mieux sourds et aveugles et souvent défaillants) et steampunk. La vie scolaire du narrateur, vilain petit canard régulièrement harcelé par ses congénères, change à l’arrivée d’une jeune fille excentrique, au passé chaotique. Moquée pour son physique et pour casque d’aviateur qu’elle porte en permanence, elle écrit et dessine les histoires de Steam Girl, une jeune aventurière digne des pulps de l’Age d’Or de la SF. elle La nouvelle fait progressivement dévier le réel et sa fin permet une interprétation ouverte.

En définitive, une très bonne surprise pour ce recueil qui sort des sentiers battus.

Cet article a 4 commentaires

  1. Célindanaé

    Merci pour cette chronique très détaillée et pour le lien 🙂
    On a presque le même avis sur les textes. Comme toi j’ai vraiment beaucoup aimé le dernier et « La petite Begum »

    1. Lhisbei

      Oui, j’ai vu que nos ressentis étaient proches 🙂 « La petite Begum » et « Steam Girl » sont très différentes, mais très marquantes.

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