Mémoires d’un détective à vapeur (Bodichiev) – Viat & Olav Koulikov

Mémoires d’un détective à vapeur (Bodichiev)

Viat & Olav Koulikov

Les Saisons de l’Étrange / Les Moutons électriques – 272 pages

Bienvenue dans un Londres alternatif. A la mort du Tsar Alexandre 1er en 1825, son frère Constantin lui succède sur le trône. Dans notre réalité, Constantin a renoncé à la couronne au bénéfice de son frère Nicolas. En 1837, le Tsar Constantin 1er épouse Victoria et l’empire anglo-russe naît de cette union. Constantin, bouddhiste, impose cette religion partout et détermine un nouveau calendrier basé sur la naissance de Siddharta Gautama. Lorsque nous faisons connaissance avec Jan Marcus Bodichiev, détective privé et spécialiste en sécurité informatique, nous sommes en 1939, mais l’Empire fête en grande pompe l’arrivée de l’An 3000. A cette occasion, une statue géante du Bouddah Amida vient d’être érigée à Londres. Précisions aussi que dans cet univers alternatif, la France est soviétique.

Les mémoires du détective Bodichiev sont compilées par Olav Koulikov, chercheur à l’université de Bordeaux Montaigne à partir des documents légués par son père, Viatcheslav Pavlovitch Koulikov, historien de son état et ami de Bodichiev. Le lecteur découvre donc le détective au travers d’enquêtes résolues ou non, complètes ou fragmentaires relatées par un tiers (tel le Watson compère de Holmes). Bodichiev a une histoire de famille compliquée : son père s’est suicidé après avoir fait faillite et son demi-frère est un génie criminel qui le tient en échec (son Moriarty à lui). Les enquêtes nous baladent à Londres, Bordeaux ou Amsterdam et Bodichiev résout avec une incroyable facilité des crimes au mode opératoire souvent insolite et aux coupables parfois détonant. Car l’univers présenté ici peut être déroutant : point de vapeur ou d’ambiance victorienne comme le laisse supposer le titre, mais des références à la littérature policière ou populaire (voire les deux) et aux pulps. Les nouvelles naviguent du fantastique (option « créature monstrueuse ») à la SF et où une forme de modernité naissante (des IA, des réseaux informatiques, robots perfectionnés, régulation climatique …) côtoient encore des objets surannés comme les daguerréotypes ou les dirigeables.

Sur Marylebone Road, le dôme vert du Planétarium et la longue devanture grise de Madame Tussaud’s n’avaient pas résisté longtemps aux assauts des engins de démolition. À leur place, surgie de terre en peu de mois, s’élevait désormais la façade excentrique et les arêtes de verre futuristes de Station Europa. En faisant ses gros titres à peu de frais, toute la grande presse avait énuméré durant des semaines les détails techniques de la nouvelle attraction de London. La simulation sur huit étages (la plupart enfoncés dans les profondeurs du sous-sol londonien) d’une station orbitale et de plusieurs bases spatiales pouvant être installées dans la région de Jupiter… Érigée grâce à l’argent d’un excentrique milliardaire indien… Dédiée à l’idée selon laquelle l’exploration spatiale devait dépasser le stade des simples sondes automatiques, prendre des passagers humains et gagner les ceintures de Jupiter… Orientée par la conviction qu’il fallait en convaincre le grand public de la manière la plus attrayante possible… Dessinée par la fine fleur de l’architecture impériale britannique d’avant-garde (Buckminster Fuller, Richard Rogers, Norman Foster et quelques autres)… Plébiscitée par la communauté scientifique… Placée sous la haute bienveillance de la famille impériale…
On avait longtemps cherché l’emplacement idéal de ce monument, depuis Saint-Pétersbourg jusqu’à Moscou en passant par Berlin, avant d’opter pour le rachat de la vieille société Tussaud’s, en complète déconfiture. Si Station Europa rencontrait le succès escompté, d’autres stations ouvriraient dans les autres capitales de l’Empire. « L’espace pour tous », clamait la publicité. Il s’agissait d’un projet d’ampleur étonnante, une manière d’apporter l’espace lointain en plein cœur de London. Une attraction touristique d’un nouveau genre, qui amorçait sa première année d’exploitation de manière magistrale – jusqu’à ce que des planètes commencent à disparaître des simulations !

En résumé, ces Mémoires d’un détective à vapeur proposent un univers uchronique à découvrir et des personnages (fictifs, humains ou non) hauts-en-couleur à suivre. Un second tome est prévu.

Lecture #2 Challenge S4F3 saison 4

Cet article a 9 commentaires

  1. Baroona

    Ça a l’air foisonnant !
    Il y a combien de nouvelles ?

    1. Lhisbei

      6 au total (dont 2 contiennent des fragments) :
      L’usurier de Billingsgate (Londres)
      L’affaire de la pension astronomique (Greenwich)
      L’affaire des crimes météorologiques (Londres)
      Le cas du persécuté de Gironde (Bordeaux)
      La disparue du canal (Londres)
      L’affaire des modifiés (Amsterdam)

  2. Zina

    Je l’ai dans ma PAL, j’espère que ça va me plaire !
    Je n’avais pas noté qu’il s’agissait de nouvelles, mais c’est un format que j’apprécie généralement 🙂

  3. Célindanaé

    Je suis en plein dedans en ce moment. J’avoue être plus intéressée par l’aspect uchronie et description du monde que par les enquêtes en elle-même que je trouve un peu trop rapide par moments.

    1. Lhisbei

      Oui, la sagacité de Bodichiev agace parfois 😉 (j’ai une préférence pour L’affaire des crimes météorologiques, même si on devine vite le coupable).

      1. Célindanaé

        Je pense que une ou 2 enquêtes auraient aussi atténué ce fait. C’est un peu dommage car l’univers est très bien.

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