Émissaires des morts – Adam-Troy Castro

Émissaires des morts

D’Adam-Troy Castro

Albin Michel Imaginaire – 714 pages. Traduction de Benoit Domis

Une (première) intégrale

Ce volume d’Émissaires des morts contient 4 nouvelles ou novellas et un roman autour d’Andrea Cort, enquêtrice et négociatrice du Corps Diplomatique. Le choix des textes au sommaire et leur placement par ordre chronologique plutôt que par date de parution se tient : on y découvre progressivement Andrea Cort, son passé et la nature des Démons invisibles qui la hantent. Imaginez un univers où se côtoient beaucoup trop d’espèces sentientes aux intérêts divergents, ajoutez une pincée d’IA, quelques meurtres bien sanglants et une dure à cuire ayant participé à un génocide à l’âge de 6 ans et vous n’avez qu’un avant-goût de ce que vous propose Adam-Troy Castro. Mais comme la première nouvelle, “Avec du sang sur les mains”, est disponible gratuitement au téléchargement sur le site d’Albin Michel Imaginaire, vous pouvez vous faire une petite idée de l’ampleur de l’univers et du caractère de Maître Cort. Ce texte, émouvant, montre que les monstres ne sont pas ceux qu’on imagine. Courte et tout aussi percutante, “Une défense infaillible”, permet d’explorer le passé de Cort sous un angle original et met en lumière sa volonté de ne pas se lier avec quiconque. “Les lâches n’ont pas de secret” m’a littéralement glacé les sangs (mais no spoil). Et “Démons invisibles” lui permet, par analogie, de comprendre les événements qui l’ont conduit, sur Bocail, à participer à un meurtre de masse. La nouvelle, charnière, marque aussi une évolution importante pour Andrea : un but nouveau qui donne un peu plus de sens à sa vie.
Le roman, Émissaires des morts, apporte son lot de surprises, répond aux questionnements de Cort et la voit s’humaniser. Même s’il offre une fin satisfaisante et propre à donner envie de replonger dans de nouvelles aventures, il se traîne un peu en longueur. J’ai trouvé Adam-Troy Castro plus incisif, plus percutant sur un format court. Pour autant, Émissaires des morts offre une enquête stimulante, sur un monde déroutant, organique mais artificiel puisque conçu intégralement par les IA sources. Si l’écosystème de la planète, plutôt inhospitalier voire carrément dangereux, prive Cort de ses repères habituels, il constitue aussi l’occasion pour Adam-Troy Castro de jouer avec quelques concepts et thématiques phares (conception de la vie et de la mort, libre-arbitre ou esclavage, individualité etc). Adam-Troy Castro me fait l’impression d’être un dangereux progressiste : Cort recherche équité, vérité et justice (rien que ça), fustige l’incompétence (délectation à lire) et malgré les dangers inhérents à chaque “invention”, la technologie et les sciences semblent être des sources de progrès – alors que les êtres sentients démontrent leur capacité infinie à créer les emmerdes (mais après tout inventer la voiture revient aussi à inventer les embouteillages…).

Au sujet de l’audiolecture

Très bonne expérience. La lectrice, Camille Lamache, est excellente. Au tout début, elle parle un peu trop vite, la respiration un peu “saccadée”, alors même que la nouvelle ne le nécessite pas vraiment (même si Andrea Cort n’est pas sereine). Puis avec le dialogue Andrea Cort / Première offerte (et les larmes de Cort – “Du liquide s’échappe de tes yeux”) la voix se pose, la respiration se cale sur l’état d’esprit des personnages et ensuite la lecture coule toute seule et c’est un plaisir à écouter. Et quand la tension monte, Camille Lamache le rend parfaitement. Les 20h57 d’écoute ont été un plaisir même si certains passages, assez trash, ont pimenté mes déjeuners solitaires par temps de Covid-19. Gros inconvénient quand on audiolit, on ne sait pas comment s’écrivent les néologismes ou les noms de planètes, de peuples etc.
Un bémol cependant. Il n’y a pas de temps mort, de pause, de blanc, de transition entre chaque nouvelle (4 mots pour une seule idée, oui, ça m’a perturbée). Les lectures s’enchaînent. Mais comme il n’y a pas de sommaire où l’on énonce le titre des nouvelles ou une explication de “l’intégrale” plus détaillée que la préface (qui a au moins le mérite d’exister) au début du livre, ça s’enchaîne assez vite et abruptement. Comme “contractuellement, c’est une lecture du texte intégral sans ajout ni modification” (source éditeur) il faut donc prévoir tout ça en amont (un sommaire en début de livre c’est somme toute assez courant non ? – là je râle vraiment).

En définitive, Émissaires des morts, se révèle une lecture très recommandable.

Une citation

(Une parmi d’autres)

« À l’âge de huit ans, j’ai tué mon père bocaïen. Mon vaafir. Je l’ai poignardé dans le dos, et ça m’a plu. Je n’ai même pas attendu qu’il soit mort pour l’énucléer avec une cuillère. Quand le Corps diplomatique m’a trouvée, j’étais assise à même le sol, dans sa maison ; je jouais avec ses yeux, les mains couvertes de son sang. »
Skye posa sa main libre sur le dos de la mienne, ce contact suffisant à desserrer ma prise sur son poignet.
« Je sais tout ça, Andrea. Comme je vous l’ai déjà dit : je me suis renseignée sur vous. Et vous n’étiez qu’une enfant, parmi une communauté qui a soudain sombré dans la folie.
– Une communauté contaminée, renchérit Oscin ; vous n’y pouviez rien.
– Mais c’est bien le problème. Je suis toujours contaminée. Je reste une criminelle. C’est pour ça qu’on m’a enfermée. C’est pour ça qu’ils ont fait de moi leur propriété. C’est pour ça qu’on ne pourra jamais me pardonner. »

#SummerStarWars lecture #2

Challenge Le Pavé de l’été

Cet article a 10 commentaires

  1. Vert

    Cela donne envie, faut que je vois si je le prends en numérique ou en audio.
    Sur la série des Fondation les changements de chapitres / nouvelles étaient bien marqués avec des petits jingles, c’est vrai que c’est pas mal (après le chapitrage ne correspondait pas au livre, on ne peut pas tout avoir xD)

    1. Lhisbei

      *facepalm* pour Fondation :p
      Je ne peux pas conseiller l’un ou l’autre pour Émissaires des morts, mais je pense que la voix de l’actrice m’a permis de conserver de l’attention dans le ventre mou du roman.

  2. shaya

    Cool que tu aies aimé aussi 😉 tu penses lire le deuxième tome en audiolecture aussi ?

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