Himilce – Emmanuel Chastellière

Himilce

Emmanuel Chastellière

Argyll – 432 pages

Himilce se déroule à Carthage en 218 av. J.-C. pendant la deuxième guerre punique entre Carthage et Rome. Himilce, une princesse ibère, est unie au général Hannibal Barca dans le but d’assurer la loyauté de son peuple et de consolider la position stratégique de la capitale de l’Oretania. Le récit délaisse les exploits militaires du célèbre général, prodige militaire en route pour l’Italie à la tête d’une armée, pour se concentrer sur le destin de son épouse, Himilce.

Complots et intrigues

À son arrivée à Carthage, Himilce se trouve plongée dans un monde de rivalités et d’intrigues politiques, exacerbées par la guerre. Deux factions s’opposent : les conservateurs dirigés par Hannon le Grand et les réformateurs soutenant la famille Barca et ses velléités d’expansion. Carthage, vouant un culte à la guerre, voit Hannibal poursuivre un rêve de conquête hérité de son père. Le récit, émaillé de rebondissements fréquents, dévoile des machinations politiques et des trahisons inattendues.
Malgré son statut privilégié de princesse, Himilce s’adapte difficilement à la vie carthaginoise, découvrant les us et coutumes, les inégalités sociales, l’esclavage, et une belle-famille tantôt indifférente, tantôt hostile. Malgré sa force et son indépendance, elle se sent enfermée dans sa solitude. Devenue un instrument de pouvoir aux mains de sa belle-famille, manipulée et exhibée à la cour, on attend d’elle qu’elle adopte le rôle d’une femme dévouée à sa nouvelle patrie et qu’elle assure la naissance du futur héritier.

Femmes et soeurs

L’auteur choisit de mettre de côté les hommes pour se concentrer sur les femmes restées à Carthage, notamment Himilce, Muttunbaal, la puissante sœur du général et Batshillem, mère d’Hannibal et matriarche prête à tout pour le triomphe de sa famille. Himilce trouve du soutien auprès de Sophonibaal, la cousine de son mari Hannibal et de Sabratha, une prêtresse. Cette sororité, qui transcende les classes sociales, permet à Himilce de se libérer des injonctions de sa nouvelle famille et de commencer à faire ses propres choix. Au fil des chapitres, elle parvient à s’émanciper et à tracer son propre chemin.

Une fresque historique matinée de fantasy

Le récit, bien que lent et introspectif, offre une fresque historique vivante et immersive. Il explore des thèmes tels que la place des femmes dans la société antique, la maternité, le rapport au corps, et les conséquences de la guerre même loin du champ de bataille. Himilce, volontaire et courageuse, forge sa propre destinée. La fantasy se manifeste par légères touches, à travers la croyance en l’existence des dieux, qui influencent la vie quotidienne des gens. Les rites religieux sont présentés autant de rituels magiques.

Avec Himilce, Emmanuel Chastellière, tisse un récit réaliste et puissant, mettant en avant un personnage principal féminin fort et courageux et met en lumière le destin des femmes restées en arrière, les mères, les épouses et les filles souvent oubliées. Et pour ceux qui sont aussi sensibles à la couverture, celle concoctée par Xavier Collette rend justice au roman.

Un extrait

Pour la première fois depuis qu’ils avaient posé les yeux l’un sur l’autre, son regard se fit implorant.
— Ce sera une guerre sanglante, poursuivit-il d’un ton presque fiévreux. La plus terrible de toutes. Toutes les nuits, je vois un serpent noir briser les chênes et les rochers, des fleuves étouffés par les cadavres, des montagnes de boucliers brisés. Je vois ces lacs rougis du sang de mes ennemis, du sang des miens. La mort et les larmes accompagneront mes pas. Cette mort, c’est moi. Je ne peux t’infliger ce sort en t’emmenant. Tu ne peux être soumise à mes visions. Il est juste que les Moires filent plus lentement la trame de tes jours que celle des miens.
Jamais la jeune femme n’avait contemplé ainsi celui que l’on surnommait depuis sa plus tendre enfance le fléau de Rome. Nu malgré son armure, vulnérable malgré la grandeur de sa lignée, fragile malgré le sang ardent qui bouillonnait dans ses veines. Pour se livrer enfin et confier à son épouse les tourments qui l’habitaient, Hannibal avait attendu leurs adieux, afin de lui ôter la moindre chance de changer le cours de leur existence, de parvenir à le convaincre de renoncer à la guerre. La peur le rongeait également, tout aussi vive que le caractère inexorable de sa destinée.
Leur destinée.

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