L’Homme superflu – Marie Robinette Kowal

L’Homme superflu

De Marie Robinette Kowal

Denoël Lunes d’encre – 480 pages. Traduction de Patrick Imbert.

Retour de chronique du Bifrost 115

Tesla Crane, une héritière et ingénieure de talent, souffre de douleurs chroniques et de stress post-traumatique suite à un accident. Pour leur lune de miel, elle et son mari, l’ancien détective Shal Steward, embarquent incognito à bord du vaisseau de croisière Lindgren, reliant la Lune et Mars. Leur escapade romantique est rapidement interrompue par un meurtre, et Shal se retrouve injustement accusé du crime par la sécurité du vaisseau. Déterminée à prouver l’innocence de son mari, Tesla se lance dans une enquête improvisée.

Avec son fidèle chien de service, une charmante westie nommée Gimlet (clin d’œil au cocktail du même nom), et soutenue par son avocate intraitable, Fantine, restée sur Terre, elle mobilise son intelligence et ses ressources financières pour résoudre le mystère. Le Lindgren, un paquebot spatial, possède trois niveaux de gravité (terrienne, martienne et lunaire), ce qui complique ses déplacements. Malgré ses qualités, le comportement condescendant de Tesla envers ceux qu’elle juge socialement inférieurs agace souvent. Elle use de son statut social pour intimider et humilier les gens, diminuant ainsi l’empathie et l’admiration que le lecteur pourrait éprouver pour elle, sa capacité de résilience, son intelligence et son humour caustique.

Ce cosy mystery dans l’espace reprend les codes du genre mâtinés de ceux du roman noir à l’ancienne et de la science-fiction. Il aborde de manière intéressante les questions du handicap, du genre et de l’identité, et explore un futur inclusif. Le roman suit une structure classique avec des indices, des suspects et une révélation finale. Chaque chapitre débute par une recette de cocktail, qu’il soit alcoolisé ou non, ajoutant une touche ludique à la lecture. L’Homme superflu se veut un hommage à The Thin Man (L’Introuvable en VF), roman policier de Dashiell Hammett ayant pour double héros Nick et Nora Charles, un couple marié et fortuné qui mènent des enquêtes policières accompagnés de leur petite chienne Asta.

L’Homme superflu pourrait être comparé à un cocktail un peu trop sucré : il peut parfois être dominé par des éléments légers et humoristiques qui viennent masquer l’intrigue. Pour ceux qui aiment cette douceur légère, le livre offre une lecture divertissante et plaisante, parfaite pour se détendre. Les notes de l’auteur à la fin du roman et le cours de mixologie offert par Mary Robinette Kowal constituent un complément appréciable. À lire en sirotant votre cocktail favori.

Un extrait

« J’aimerais consulter un autre médecin pour mon époux. Sur un vaisseau de cette taille, vous devriez en avoir plusieurs. »
La Dre Fish s’arrêta au milieu de la pièce, les joues soudain enflammées. « Pour quelles raisons ?
— Je ne suis pas tenue de justifier mes demandes. » Tesla avait bien conscience d’être odieuse, mais Saikawa n’aurait pas dû mourir et son époux n’aurait pas dû sombrer dans l’inconscience.
La Dre Fish jeta un bref coup d’œil vers la pièce d’où elle venait de sortir, avant de se reprendre. « Je dois m’opposer à cette idée. Si vous tenez à me congédier, très bien, mais pour désigner mon remplaçant, j’ai besoin de savoir pourquoi on me congédie. »
En apparence, cette déclaration n’avait rien de déraisonnable, mais dans un monde où la Dre Fish était complice de la mort de Saikawa, lui laisser la moindre initiative était – au mieux – douteux. Tesla leva le menton. Parfois, il suffit de laisser les autres croire que l’on est un authentique connard, ça fait avancer les choses. « J’ai pour habitude de choisir mes propres médecins. »

Cet article a 5 commentaires

    1. Lhisbei

      Clairement pas pour nous. Mais en même temps, il se veut un hommage à une galerie de personnages et de films qui ne font pas partie de notre culture.

  1. Baroona

    « diminuant ainsi l’empathie et l’admiration que le lecteur pourrait éprouver pour elle » : tellement ; et c’est d’autant plus dommage pour un roman où l’ambiance et les personnages semblent aussi importants, voire plus, que l’intrigue en elle-même.

    1. Lhisbei

      Voui, c’est une ‘Karen’ parfois. Et même si elle est en situation de handicap, elle bénéficie d’un très gros privilège social / éco et elle croit parfois que tout lui est dû. Je l’aurais bien baffée à quelques moments.

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