Matricia – Charlotte Bousquet

Matricia

De Charlotte Bousquet

Mnémos – 280 pages

Matricia est, après Arachnae et Cytheriae le troisième tome de la première époque de l’Archipel des Numinées. Comme les deux autres romans, il peut se lire seul même si avoir lu les deux précédents tomes apporte au lecteur une richesse supplémentaire. Les trois romans sont imbriqués, enchâssés, tissés dans la même toile-histoire, se répondant subtilement les uns aux autres.

Arachnae se fixait sur le destin d’une ville, Cytheriae se concentrait sur le destin d’une île. Dans Matricia l’enjeu est d’une d’autre taille puisqu’il s’agit de sauver l’archipel entier (et le monde dans la foulée) des griffes de la peste cendreuse. Point de remède médicinal pour éliminer ce fléau dont l’origine est surnaturelle mais un duel, magie contre magie, incarnation contre incarnation. Kebahil, divinité bannie après un combat perdu contre la déesse Lune, bien décidé à reconquérir l’Archipel, oeuvre et manoeuvre depuis longtemps. Sa première tentative s’est soldée par un échec cuisant lors des Âges Sombres. Mais il a trouvé en Alino Tengelli le réceptacle parfait pour mûrir sa vengeance et répandre le mal. Alino est issu d’une famille corrompue suintant le vice, le stupre et la déchéance. Des Borgia : incestueux, adultérins, assassins cruels et ambitieux. Face à lui, pour le défaire et se venger des Tengelli, Dionisa, fille bâtarde d’Alberto Tengelli et d’Azzura, une fleur exotique qui finit broyée. Née sous une prophétie, des Tengelli elle sera le fléau et l’espoir. L’arme du duel ? Un Jeu du Destin, ses arcanes et les souvenirs qu’elles font surgir. Avec pour promesse de la magie et, à nouveau, la mort.

Des trois romans Matricia est probablement le plus théâtral, avec une unité de lieu, de temps et d’action, mais aussi le plus abouti. Dans sa construction d’abord qui répond à une contrainte forte : l’histoire se déroule au fil des souvenirs, eux-même provoqués par une lame de tarot. Un procédé qui ne lasse jamais, maintient le lecteur sous tension et réussit même à insuffler une intensité étonnante au récit. Autre atout, les voix des duellistes, parfaitement dosées. Celle de Dionisa, posée, implacable et vibrante, se lit avec plaisir alors que celle d’Alino, marionnette de Kebahil, discordante, nauséabonde, revêche et vulgaire provoque la répulsion du lecteur sans pour autant le faire décrocher. Le temps semble s’être arrêté et cristallisé autour de ce duel, dans une atmosphère de fin du monde à la tonalité dramatique mais poétique. Le style de Charlotte Bousquet est parfaitement maîtrisé – un vocabulaire riche et soutenu, des figures de style abondantes mais qui n’alourdissent pas la narration, un tempo juste. Finesse, pertinence, poésie, le lecteur ne peut que succomber au charme vénéneux de Matricia. En appendice au roman, l’auteur nous offre une compilation des plus grands textes poétiques de l’Archipel Numinées. Moi qui suis hermétique à la poésie en vers, je les ai trouvé parfaitement à leur place et aucunement accessoire. Et, comme pour les deux premiers opus, l’illustration est signée Elvire de Cock. La cohérence du cycle est respectée jusqu’au bout.

 


Fin de série d’Acr0

Cet article a 2 commentaires

  1. Lorhkan

    Je voudrais bien lire un jour ces romans de Charlotte Bousquet. J’attends toujours une éventuelle sortie poche (mais j’avais cru comprendre que ce n’était vraiment pas à l’ordre du jour…).

  2. Lhisbei

    @ Lorhkan : aucune idée d’une éventuelle sortie en poche. Les Mnémos ne sont pas nombreux à sortir en poche d’ailleurs (le volume des ventes n’est peut-être pas suffisant en grand format pour une reprise en poche …?).

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