Pour cette nouvelle édition de la Grande Question du Lundi, nous allons parler rentrée littéraire. Okay. Ceci est un tag en fait. Un vilain tag lancé par Guillaume où il s’agit d’évoquer comment les blogueurs vivent la rentrée littéraire. Vaste question à laquelle j’ai une réponse simple : je ne la vis pas, je m’en contrefiche et quand j’ai le malheur de m’y intéresser, je me rends compte qu’elle me débecte. Mais comme un blogueur ça ne peut pas s’empêcher de causer de tout et principalement de rien, je me dois de développer un peu.
En juillet 2006 quand je tenais encore un blog littéraire non spécialisé j’écrivais ceci à l’occasion de ma première “vraie” rentrée littéraire :
La rentrée littéraire est généralement un évènement qui me passe loin au dessus de la tête. Pourquoi ? D’abord parce que je suis une lectrice de livre de poche qui ne sont guère concernés par la rentrée littéraire. Ensuite parce que vu de province la rentrée littéraire est un évènement typiquement parisien, l’épicentre du séisme rentrée littéraire est à Paris, les cocktails aussi, les réceptions, les lancements d’auteur… bref, le bruit est quand même bien assourdi quand il arrive “par ché mi”. Et enfin parce que parler de “rentrée” de septembre en juillet me rend nauséeuse : c’est vrai, en juillet je pense “vacances”, “repos bien mérité” et non pas “rentrée”, travail etc… ça me fatigue déjà.
Quoiqu’en y réfléchissant un peu, quand je dis que le bruit est assourdi quand il arrive “par ché mi”, c’est de moins en moins vrai. La télé, les magazines littéraires, la radio et surtout les blogs relaient les informations (voir – entre autres – la rentrée de Tatiana vue de son Figuier). Mais ce qui me relie le plus à ce phénomène annuel ce sont les 15 extraits de la rentrée littéraire sélectionnés par le magazine Lire, un petit livret joint au numéro de l’été (qui compense le fait qu’il n’y a qu’un numéro pour les 2 mois d’été ?) et censé nous donner un aperçu de la rentrée littérairee et des meilleurs moments à venir (meilleurs moments francophones puisque tous les auteurs cités écrivent en français – nombrilisme ?). Accessoirement ça peut faire vendre aussi mais n’ayons pas une vision aussi matérialiste de la vie.
Et je détaillais ensuite les extraits de Lire. Las ! Le ver était dans le fruit et ma curiosité éveillée. Alors je regardais de plus près le phénomène et, en août de la même année j’écrivais ce billet :
J’interromps mes vacances pour célébrer comme il se doit cet évènement tellement médiatique qu’est la rentrée littéraire et qui débute officiellement aujourd’hui. C’est vrai : 683 naissances de fin août à mi-octobre ça se fête non ? Alors petit tour d’horizon d’une rentrée littéraire presque comme les autres.
Nous pouvons étudier la rentrée littéraire sous l’angle des chiffres. C’est froid mais efficace. Cette année 683 romans seront déposés sur les rayonnages des libraires. C’est 20 de plus que l’année dernière (et l’année dernière c’était déjà plus que l’année d’avant, et l’année d’avant etc). Sachant qu’en 2005 le marché du livre a connu son premier bilan négatif depuis huit ans (baisse du chiffre d’affaires des libraires) et qu’un roman n’a plus que 2 mois pour faire ses preuves sur les étagères des librairies, les éditeurs souhaitent baisser leur production. Cela ne les empêche pas de publier encore plus de roman pour cette rentrée. Si je me souviens bien de mes cours d’éco à la fac cette politique me paraît quelque peu paradoxale. En attendant le “marasme” a quand même fauché la très belle maison d’édition qu’est – qu’était – L’Oxymore.
Mais revenons à nos chiffres. 475 de ces romans sont français, les 208 miettes restantes sont étrangères : le milieu littéraire prouve encore une fois son ouverture sur le monde. 97 livres sont des premiers romans (ça représente 14%) : comme d’habitude les éditeurs prennent des risques pour dénicher de nouveaux talents. Et surtout 100 livres supplémentaires viendront alourdir les rayonnage des essais : ces livres sont étiquetés “politique”. Entre les “oeuvres” d’hommes politiques – une vingtaine de ces messieurs toutes chapelles confondues se sont fendus d’un manifeste politico-people du plus haut intérêt – et les biographies et les analyses le pauvre lecteurs ne sauront plus où donner de la tête.
Nous pouvons aussi aborder la rentrée littéraire sous l’angle du contenu. De quoi parlent les livres cette année ? Parler du contenu de 683 livres ne me paraît pas aisé mais certains journalistes (soit mieux informés que les autres, soit moins pointilleux) le font pour moi. J’apprends donc – et je vous transmets au passage – que les libraires sont désespérés par le volume de cette rentrée (mais ça c’est un copier/coller des années précédentes). C’est normal : faut arriver à caser 683 piles de romans dans un espace généralement bien défini et souvent exigu. Sortez les calculettes, le rapporteur et les équations à 3 inconnues messieurs les libraires…et bon courage. Moralité on en revient encore aux chiffres.
Le contenu, revenons au contenu, ou plus exactement, à la tendance : cette année les écrivains font face à la société. Je suppose donc que d’habitude ils ne la regardent pas en face et qu’ils se planquent, ces pleutres, derrière leurs bouquins. D’autres se confrontent à l’histoire, celle du nazisme notamment. Quelle nouveauté ! J’apprends aussi que l’amour, la solitude et les secrets de famille sont des valeurs sûres. Placées en bourse vous pensez qu‘elles rapportent combien ? Toujours cette question de chiffres. L’autofiction est toujours à la mode (toujours avec les même auteurs indémodables). Les premiers romans s’inspirent plutôt de faits divers (mais bon l’histoire, les secrets de famille, la solitude et l’amour étaient déjà pris alors ils font ce qu’ils peuvent, les pauvres).
Et bien sûr la rentrée littéraire est aussi le moment des paris. 5 contre 1 sur le roman de Bidule pour le Goncourt. Et Machin tu le côtes à combien ? Machin ? Mais c’est un outsider. Non si tu veux un bon tuyau c’est Truc, le grand favori de la course aux prix cette année. Et nous voilà retombés dans les chiffres…
Décidément cette année la rentrée littéraire me reste sur l’estomac. Je déteste les maths. Pour la peine je retourne à mes vacances.
PS : un dernier chiffre pour la route. 15 éditeurs se partagent près d’un tiers des nouveautés (197 romans). Pas étonnant que le chiffre d’affaires de l’édition est en hausse de 1,8% (et oui ce sont les libraires et les petites maisons d’éditions qui souffrent de la crise…)
L’année suivante rien n’avait changé et c’était même pire au niveau des “chiffres”. D’année en année le phénomène se répète. De plus en plus de livres qui resteront de moins en moins longtemps sur les rayonnages. Des livres kleenex donc. Encore plus qu’en temps normal. Une trésorerie de libraire mise à sac (et par temps de crise ça fait mal). Et des auteurs de premiers romans malheureux parce que leur bouquin s’est vendu à 300 exemplaires. Depuis la rentrée littéraire a lieu sans moi. Cette année je n’ai pas pris la peine de regarder. De toute façon la rentrée littéraire concerne plus la “blanche” que la littérature de genre. Allez si, un petit coup d’oeil en souvenir du bon vieux temps : cette année seulement 646 livres. La rentrée littéraire se met au régime et les premiers à en faire les frais sont … les premiers romans. Y pas de place pour les jeunes, tirez-vous les primo-romanciers et laissez les pros faire le boulot (et se partager le gateau, cette année vous n’aurez même pas les miettes). Ecoeurant.
Ah mais attends, Lhisbei. Au moins avec la rentrée littéraire, on parle de livres, de littérature et des auteurs. C’est une fenêtre médiatique et une formidable opportunité (blablabla). En fait non. On ne parle pas des livres, on parle des futurs best-sellers. On ne parle pas littérature, on parle pronostic pour les prix littéraires. On ne parle pas des auteurs, on parle des stars (Nothomb, Adam etc). Un peu comme si on parlait du rock en évoquant les derniers albums des Rolling Stones, de Metallica et des Red Hot Chili Peppers. Le petit bout de la lorgnette donc. Parisien souvent. Germano-pratin aussi (dans toute son acception péjorative). Sauf quand on parle des auteurs étrangers bien entendu. grands, beaux, inetlligents. Dont les romans sont bien au dessus de toute la production française (tiens c’est un discours d’auto-dénigrement que j’entends aussi en SFFF). Tous les journalistes (et les blogueurs aussi) lisent les mêmes bouquins et parlent des même auteurs, ceux qui vendent et qui vont vendre leur journal/magazine ou monter les stats des blogs. Les articles se ressemblent tous qu’ils soient anti ou pro. Personne ne sort des sentiers archi-battus de la facilité et débite les mêmes fadaises d’une année sur l’autre (les auteurs s’intéressent au social, l’auto-fiction vient de franchir un nouveau cap …). Et à chaque rentrée littéraire sa polémique à deux balles avec levée de bouclier, combats épiques à coup de petits noms d’oiseaux et d’envolées lyriques ! Et tous les ans le grands cirque recommence. Tout le monde joue le jeu. Un grand moment la rentrée littéraire assurément. Si la rentrée littéraire est le reflet du monde des livres, il est temps d’abréger ses souffrances vous ne croyez pas ?
J’avais prévenu. Et pour aller plus loin : un article d’un éditeur, Aux forges de Vulcain, sur Rue89.
Ah, la fameuse rentrée littéraire !
J’adhère complètement ! Même si je n’avais encore jamais pris le temps de creuser la question, faisant partie de ceux qui ne se sentent absolument pas concernés.
La rentrée littéraire est même un grand mystère pour moi. Pas seulement parce que septembre est le moment de l’année où j’ai le moins de temps pour lire (rentrée scolaire oblige), aussi parce que, quel que soit l’angle sous lequel je réfléchisse à la question, je n’arrive pas, moi, en tant que lectrice, à voir le livre comme un objet périssable, à acheter tout de suite, là, pendant ces deux mois.
Finalement, j’ai l’impression que c’est un concept imaginé par des gens qui n’aiment pas les livres, Aux Forges de Vulcain le rappelle très bien !
et pan dans la rentrée )))) bah moi j’iame les poches, les classiques, la sf et toutes ces horreurs là alors j’ai toujours de quoi me faire plaisir )))
Tout à fait d’accord avec ton dernier paragraphe.
Kestacont’ Paris d’abord ? [grrrmmmphffff]
Moi c’est pareil. D’ailleurs j’hésite à écrire un billet pour répondre au tag de Guillaume avec comme titre “la rentrée littéraire ne m’intéresse pas” et puis dans le message “tout est dans le titre”.
La rentrée littéraire, c’est un truc que je n’ai jamais trop compris, presque un “faux” phénomène. Des livres sortent toute l’année après tout, de façon “continue” qui plus est. En effet, je suis les sorties des genres et des maisons d’édition qui m’intéressent chaque mois, du coup je ne vois pas trop la différence entre septembre et le reste de l’année. Parce que bon, il sort x livres en septembre. Mais est-ce que quelqu’un a pris la peine de compter les sorties le reste de l’année? Quand je regarde les nouveautés des éditeurs que je suis, de littérature blanche et de SFFF, à part en été, je vois presque autant de sorties tous les mois en fait… Maintenant, c’est peut-être parce que je ne suis pas “à la lettre” les sorties de plus gros éditeurs comme Albin Michel et Cie. Mais bon, en dehors de quelques gros éditeurs, quelle différence y a-t-il, concrètement, entre cette rentrée et les publications des autres mois?!?[Reflechir]
@ Tigger : je ne force personne, mais VRAIMENT personne, à participer… Si ça te fait chier tu le fais pas, c’est tout…
@ Angua : oui je partage ton avis. c’est un concept marketing : rentrée littéraire = pub = ventes; peu importe ce qu’on vend…
@ Yue : pareil et il en sort tous les mois (d’ailleurs ça fait grossir la PAL)[heuu hum]
@ Gromovar : le rock propablement @ Tigger Lilly : ah mais je n’ai rien contre Paris, tant qu’on ne me demande pas d’y vivre ^^ mais tant que j’y vais en touriste, avec librairies spécialisées et restos à la clé ça me va . Un billet comme celui-là j’aurais applaudi à deux mains []
@ Cachou : disons qu’en septembre c’est le rush, le tsunami et l’indigestion comparé au reste de l’année (encore que la petite rentrée de janvier prend de l’importance aussi) ; et la sortie des romans qui rafleront les prix. en SFFF le calendrier des grands prix est moins serré qu’en litt gen
@ Guillaume : je pense que Tigger Lilly faisait de l’ironie… tout le monde sait bien qu’un TAG est tout sauf obligatoire . (tes élèves ont déjà émoussé ton sens de l’humour ? un petit lolcat pour faire passer – ah non ça tu as déjà fait ailleurs [heuu hum])
Totalement d’accord, je ne suis jamais la rentrée littéraire (enfin maintenant si, un peu, mais pour des raisons professionnelles uniquement) ! Les auteurs mis en avant m’ennuient, les thèmes qu’ils traitent aussi, les nouveaux auteurs sont ignorés (et appparemment ça a encore empiré)…Non, vraiment, il n’y a rien à sauver dans cette rentrée !
Tant qu’il n’y aura pas la rentrée littéraire des sorties poche, ça ne risque pas de m’intéresser. C’est un truc pour riches ou “faibles lecteurs” comme on dit dans les rapports insee!
je plussois tout ça. J’aurai adoré ton billet, Tigger Lilly []
Kestacont’ Paris d’abord ? [Bis, je plussoie Tigger Lilly[heuu hum]]
Pour ma part, je pense aux pôv’ libraires et à leurs dos endoloris (à porter autant de livres)(c’est leur kiné qui va être content) et ensuite à ces nombreux livres qui vont se retrouver dans quelques mois/semaines/jours envoyés au pilon. (TF1 avait montré des anciennes images sur les camions-bennes qui déchargeaient les livres quasi-neufs sur un tapis roulant pour être broyés)(les éditeurs refusent maintenant de parler de ce sujet)
Sinon la rentrée ça veut dire retour du rugby pour moi. []
Je plussoie complètement ce très bon article. Je me fous aussi complètement de ce “phénomène”, j’achète sans préméditation, au coup de coeur, surtout pas par effet de mode.