De Joss Ware
J’ai Lu Crépuscule – 297 pages
Parfois sur la blogosphère, vous êtes poussé à faire des choses étonnantes, qui sortent de l’ordinaire, des choses qu’on pourrait même parfois qualifier de stupide. Vous inscrire à 250 challenges qui finissent par faire ressembler vos billets à des guirlandes de Noël, par exemple. Acheter deux tonnes de bouquins qui, en plus d’alourdir votre bibliothèque, font que vous passez deux heures devant chacune d’entre elles pour arriver à choisir votre prochaine lecture (amateurs d’ebook, ne vous croyez pas à l’abri, blindez votre liseuse et on en reparle). Ou encore lire un Harlequin, pour le fun (une forme de fun uniquement compréhensible par la gent féminine je crois) avec d’autres frappées du bulbe (ou masochiste, je n’ai pas encore tranché). Mais il y a pire encore que tout cela. Le pire reste de lire Harlequin-like, une mauvaise copie, un simili-cuir qui ne ressemble qu’au résidu de pétrole qu’il est. Parce qu’on peut dire ce qu’on veut, si on souffre déjà avec un Harlequin mettant en scène une sorcière, un vampire et le diable sur un scénario simple et une happy end, on souffre mille fois mille morts de plus avec ces Amants de l’apocalypse. J’ai à ce point souffert que je me suis arrêtée à la page 84 (en me forçant depuis la page 7, notez). J’ai calé et le moteur n’a pas voulu redémarrer. Et je n’avais jamais imaginé qu’un jour je penserais ceci : j’ai préféré le Harlequin. En matière de romance, méfiez-vous des contrefaçons. L’original dispose d’un savoir-faire qui n’est plus à démontrer. La contrefaçon, c’est du vol…
Bon alors de quoi ça parle Les Amants de l’apocalypse ? D’Elliott et de Jade, de leur chassé-croisé amoureux dans un monde post-apocalyptique (mais on ne sait pas pourquoi, ni comment), infesté de zombies censés n’attaquer que des blonds mais qui doivent être daltoniens puisqu’ils attaquent sans distinction de couleur de cheveux. A la page 84 Elliott et Jade ont enfin échangé un premier baiser torride, dans la bonne ville de Envy, pour NV, pour New Vegas, ville située au bord de l’océan Pacifique, sur les ruines de Las Vegas (une apocalypse, ça vous bouleverse le paysage). Je ne résiste pas à vous faire partager ce premier baiser (on ne peut pas faire plus cliché !) :
« Doucement, il l’attira contre lui, approcha sa bouche de la sienne, l’y posa, et elle sentit la chaleur enivrante de ses lèvres. Quand il referma les bras autour d’elle et glissa ses doigts dans ses cheveux, elle ferma les yeux et se livra à son baiser, sans retenue.
La langue d’Elliott fouillait sa bouche, en goûtait les saveurs, ardente, exigeante. Éperdue, Jade se rendit compte qu’il venait de réveiller en elle une fièvre sensuelle endormie depuis trop longtemps. Elle répondit avec une fougue pareille à la sienne, tandis qu’un brasier dont il était le pyromane et que lui seul pouvait éteindre grondait dans son corps. Tenaillée par le désir, elle tremblait, en proie à une intense excitation…
À deux mains, il lui prit la nuque et lui constella le visage de petits baisers, sans hâte, comme s’il disposait de tout le temps du monde. Tendrement, par le langage du corps, il exprimait ses besoins et elle découvrait les siens, tout aussi impérieux. Ses mains glissèrent sous les emmanchures du chemisier, puis ses paumes se moulèrent sur l’arrondi des épaules, comme celles d’un sculpteur en train de façonner la matière au gré de son inspiration. Elle sentait ses jambes flageoler, son ventre palpiter. Elle ne s’appartenait plus. Que cet homme fasse d’elle
ce que bon lui semblait, elle n’aspirait à rien d’autre…
— Jade…, souffla-t-il entre deux baisers sur son cou.
Les muscles de son torse étaient bandés, sa voix rauque, son souffle haletant, et elle sentait son coeur battre follement contre le sien. Il l’étreignait avec force et Jade percevait les émotions qui l’agitaient. Elle les faisait siennes, les éprouvait à l’unisson.
Pantelante, elle laissa échapper un long soupir… »
Autour d’Elliott et de Jade, gravitent une bande d’adolescents (chair à zombie), des gangas (zombies modèle « le plus stupide de l’espèce est encore trop intelligent pour figurer dans ce roman »), des Étrangers au cristal implanté dans le torse dont je n’ai pas encore cerné la nature (méchante) exacte, la bande de potes à Elliott et des super-pouvoirs (Elliott a le pouvoir de guérir par imposition des mains par exemple). Jusqu’à la page 84, ces personnages ne servent à rien (ou de faire valoir à Elliott). Le lecteur peine d’ailleurs à les distinguer et attend sagement que les gangas les bouffent. De ce côté là aussi, il sera frustré puisqu’il n’y a que deux pauvres petites attaques de zombies et qu’ils ne font même pas de morts. La construction est ambitieuse avec en flash-backs des extraits du journal intime de Lou Waxnicki (un personnage qui a vécu l’apocalypse mais qui n’y a visiblement rien compris) au moment du cataclysme. L’éclairage apporté par ces extraits reste ténu : on ne sait pas trop ce qui se passe au moment de l’apocalypse. Les évènements restent obscurs et c’est dommage pour du post-apo. L’auteur ou le traducteur tentent parfois l’esbrouffe avec du vocabulaire (à défaut d’avoir du style) : melliflue et térébrant m’ont cueillie au détour d’une phrase …
Au début j’ai bien ri. J’attendais du cliché, j’attendais du romantisme à deux balles, de la guimauve bien collante. J’ai eu tout ça. Mais j’ai très vite frôle l’indigestion. Et ma fibre féministe s’est hérissée dès la page 7. Au début du roman, Jade, montée sur un mustang sauvage (les mustangs sauvages se capturent très facilement c’est bien connu (Jade est la femme qui sait murmurer à l’oreille des chevaux de toute façon) et se guident avec les genoux – Tigger Lilly qu’en penses-tu ? – et à la crinière), sauve une bande d’ados d’une mort certaine par attaque de zombie. Page 7 l’auteur écrit sans ciller « Si Elliot et ses compagnons n’étaient pas intervenus, les dégâts auraient été bien pire. D’ordinaire, ce qui restait après une attaque de gangas n’était pas beau à voir ». Or, Elliot n’a fait qu’ouvrir la porte de leur refuge aux gamins ! C’est bobonne qui fait tout mais Elliott qui passe pour le héros. Et cette tendance sexiste n’a cessé de s’amplifier au fur et à mesure des pages tournées, ce qui ne m’a plus fait rire et a contribué à rendre fort désagréable une lecture pour le fun. Au bout d’un moment j’ai lâché prise, j’ai fermé le fichier et ouvert Le Prince Écorché de Mark Lawrence, de la dark-fantasy post-apocalyptique où sont tranchés têtes et doigts (j’y reviendrais cette semaine) dès le début et qui m’a permis d’exorciser ma frustration de ne pas pouvoir trancher les doigts et la langue de Joss Ware (pour qu’elle ne puisse plus écrire, ni dicter un seul bouquin une seule bouse de sa vie). Le contraste n’en a été que plus violent et salutaire.
Un dernier extrait pour la route
« Le spectacle que représentait cet athlétique corps d’homme, le travail des muscles en action, mettait Jade en ébullition. Mais la force d’Elliott, ses dons au combat ne signifiaient pas qu’il fût un type bien. Pas du tout.
Et puis… Oh, mon Dieu, un ganga venait de déchirer sa chemise. Quand elle fut réduite en lambeaux, Jade eut sous les yeux les pectoraux et les épaules luisants de transpiration, comme enduits d’une pellicule nacrée. »
Tu m’as fait peur, j’ai cru que prise d’une folie subite, tu avais fini le livre! mdr
@Phooka : roooooooooh ! elle m’a flingué quelques neurones cette lecture ^^
Si vous voulez je vous dis qui sont les Étrangers parce que moi j’ai été courageuse (faut dire que c’était ma faute)
T’es pas courageuse et surtout pas solidaire avec ceux qui l’ont terminé, eux (enfin elles) ! :p
Le sexisme est de pire en pire au fil du bouquin, jusqu’à devenir glauque parfois. C’est aussi ce qui m’a totalement gâché la lecture. J’ai failli abandonner, mais j’ai pris mes rames et j’y suis arrivée. Effectivement, je préfère Harlequin aussi (enfin je sais plus si j’en ai lu un entier mais j’en lisais des extraits quand je les réceptionnais en librairie, ça détendait x) ).
Je ne sais pas ce qui est le pire dans cette histoire : que l’auteure soit une femme ou que des femmes redemandent et raffolent de ce genre de trucs ?
Ah tiens ça me rappelle qu’il faut que je reprenne ma lecture. Mais ça ne m’encourage pas franchement, si j’ai bien compris on aurait mieux fait de lire la suite de la Morsure de la passion, c’est ça ?
« une forme de fun uniquement compréhensible par la gent féminine je crois »
Pas du tout.
Je lis du L. K. Hamilton, ça compte aussi non ? :p
Os court !
Bon sinon guider les chevaux avec les genoux et à la crinière c’est possible (encore que les « genoux » ça me parait réduire le corps entier à une partie du corps pas forcément sexy) mais c’est pas donné à tout le monde. Moi ce qui me dérange le plus c’est la misogynie ambiante. Faire un bouquin érotique postapo, ma foi, why not, ça peut être rigolo, mais pourquoi pourquoi y déverser une vision de la femme aussi nauséabonde ?
Hihi merci pour ta chronique!
Terrible le tableau
Vous êtes quand même un peu totalement barrées hein …