Le bruit de la douche – David Desgouilles

COUV DESGOUILLES APLAT 5 JUIN AVEC BANDEAU_Mise en page 1Le bruit de la douche

De David Desgouilles

Michalon – 256 pages

Le 14 mai 2011, Nafissatou Diallo entre dans la suite 2806 du Sofitel de New York pour y faire le ménage. Elle n’entend pas le bruit de la douche. Dominique Strauss Khan, patron du FMI, en sort. La porte se referme. Quelques heures plus tard, DSK est arrêté à l’aéroport JFK. Il est accusé d’agression sexuelle.

Le 14 mai 2011, Nafissatou Diallo entre dans la suite 2806 du Sofitel de New York pour y faire le ménage. Son lecteur MP3 tombe en panne de batterie. Elle retire ses écouteurs et, entendant le bruit de la douche, quitte la chambre. Dominique Strauss Khan, patron du FMI, sort de sa douche. Quelques heures plus tard, il reprend l’avion pour Paris.

Dans notre réalité, DSK enchaîne scandales sexuels sur scandales sexuels, affaires sur affaires. Le Sofitel, Tristane Banon, le Carlton de Lille. Peu importe qu’il soit innocent ou coupable, ses appétits sexuels  – on dit de lui qu’il a une « vie sexuelle active », doux euphémisme – lui coûtent son emploi et ses ambitions politiques. Dans notre réalité, DSK avait ses chances de remporter la primaire socialiste et l’élection présidentielle de 2012.

Dans l’uchronie de David Desgouilles, DSK évite l’affaire du Sofitel. Tristane Banon reste silencieuse et on passe sous silence l’affaire du Carlton. DSK se présente à la primaire socialiste et la remporte. Il recrute Anne-Sophie Myotte, une jeune économiste franc-comtoise de trente ans, militante socialiste et stratège imbattable (réincarnation de Jules César, Alexandre le Grand et Napoléon réunis car elle ne connait ni revers ni échec et sa perspicacité n’est que rarement mis en défaut). Elle aura pour mission de le conduire jusqu’à la présidence de la république. Anne-Sophie Myotte ne manque pas d’atouts. Elle parvient à réfréner les ardeurs de DSK, profite de sa relation amoureuse avec son AmantDeDroite, un jeune homme naïf et, surtout, bavard, pour récupérer des informations sur la stratégie de Nicolas Sarkozy. Dès lors, c’est un boulevard qui s’ouvre devant Dominique Strauss Khan.

Les dessous de la primaire socialiste, les stratégies des hommes et femmes politiques, les jeux d’alliances et de trahisons et les petits manipulations que nous donne à voir David Desgouilles sont absolument jouissives et captivent l’attention. J’ai l’impression – je ne m’intéresse pas assez à la politique pour dépasser une simple impression – que les personnages paraissent crédibles à l’exception peut-être de la trop parfaite Anne-Sophie. Sur le fond, je doute que, sans affaire Sofitel, DSK ait réussi à atteindre son objectifs. D’autres affaires auraient probablement éclaté pour le discréditer. Dominique Strauss Khan avait un charisme, le sens politique, une position internationalement reconnue et une bonne cote d’amour auprès des français. Il avait la stature et les épaules pour faire un bon président et, logiquement, il cristallisait l’attention. Et il était l’homme le plus dangereux pour la droite de Nicolas Sarkozy. A l’heure où les médias fouillent les poubelles pour trouver le scoop le plus juteux ou croustillant, un examen de sa « sexualité active » lui aurait probablement été fatal sur la route de l’Élysée.
Malgré tout, j’ai pris beaucoup de plaisir à me plonger dans cette histoire alternative qui se lit comme un page-turner, qu’on s’intéresse ou pas à la politique. L’ascension, le parcours d’un homme qui réussit et, derrière cet homme, celui d’Anne-Sophie fascinent. David Desgouilles pimente son récit d’humour et d’une pointe d’ironie. Le dernier quart du roman et la fin me paraissent beaucoup moins crédibles que le reste : le redressement de la France passe en effet par une dissolution de l’Euro un peu trop facilement menée pour paraître vraisemblable.

Cela faisait longtemps qu’Eric Zemmour n’était pas allé voir un meeting en province ? Pour humer l’ambiance. En 1995, il avait senti que la victoire de Chirac était possible dans un meeting de Seguin à Bondy. En 2007, le grand meeting de Sarkozy à la Porte de Versailles puait la victoire à plein nez. Il avait envie de vérifier dans un meeting de DSK si l’odeur de la victoire était là. Le nez, c’est important. Mais la vue l’est tout autant.
Zemmour faisait partie des journalistes qui mesurent les chances de victoire au nombre de jolies filles qi se pressent dans les meetings du candidat. Les autres ne souhaitaient pas en expliquer vraiment les raisons mais lui, comme d’habitude, il « idéologisait ». Les jolies filles sont attirées par le pouvoir. Beaucoup de ses amis lui reprochaient de tout « idéologiser ». Les nanas dans les meetings, les chansons, et même les matches de foot. Alors qu’un match se joue la plupart du temps à quelques centimètres à droite, à gauche, au-dessus ou en dessous d’un montant, il expliquait que Séville avait perdu d’avance, ou que les Allemands ne gagneraient plus jamais rien parce qu’ils avaient désormais une sélection « multikulti ». Pourtant il connaissait le foot. Il savait, au fond de lui, qu’il avait tort de mettre de l’idéologie partout.

Lu pour le Prix ActuSF de l’Uchronie 2015

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Cet article a 2 commentaires

  1. Gromovar

    J’arrive pas à me motiver. Je passe déjà beaucoup trop de temps pour mon bien à regarder des journalistes commenter finement des stratégies politiques réelles.

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