Le Fini des mers – Gardner Dozois

Le Fini des mers

de Gardner Dozois

Le Bélial collection Une Heure-Lumière – 112 pages. Traduction de Pierre-Paul Durastanti

Quatorzième parution dans la collection Une Heure-Lumière, Le Fini des mers est paru sous le titre Chains of the Sea dans une anthologie dirigée par Robert Silverberg en 1973. Presque cinquante ans après la parution originale on pourrait craindre que le texte soit daté. Il n’en est rien.

Invasion

Un beau matin, quatre vaisseaux extra-terrestres se matérialisent dans le ciel avant de se poser sur Terre. Trois aux États-Unis, le dernier au Venezuela. Ovoïdes, insensibles aux radiations, aux chocs, inaltérables, ils restent cependant immobiles, inactifs et totalement mystérieux pendant un temps . Le gouvernement américain tente de cacher l’arrivée des extra-terrestres, en vain. Des chaînes de télévision locale sont déjà sur la brèche et la foule commence à affluer sur les lieux. De nos jours, avec internet et les réseaux sociaux, la nouvelle se rependrait bien plus vite, mais le résultat serait probablement du même acabit : des chaînes de news en boucle sur le sujet, des réseaux sociaux envahis de photos, d’avis, de spéculations et de théories plus ou moins fumeuses avec des #alien #invasion et peut-être même #MarsAttacks tiens. Ceux qui ont vu Premier Contact de Denis Villeneuve visualiseront très bien le bazar que la situation engendre sur Terre (y compris dans les vaines tentatives de destruction des engins) . Fort heureusement, les IA de tous les pays veillent, dialoguant et décidant de la marche à suivre en quelques secondes sans même que leurs créateurs sachent qu’elles on atteint un tel degré de conscience et d’intelligence. Elles parviennent même à empêcher les humains de déclencher une apocalypse.

Tête-à-claque

Tommy Nolan est un gamin issu d’une famille pauvre et pour le moins dysfonctionnelle (un père violent, une mère dépressive). Devenu le souffre-douleur de son institutrice (dont il faut espérer qu’elle est une caricature des mauvais profs de l’époque), il traîne les pieds sur le chemin de l’école, recherchant la compagnie d’êtres invisibles qu’il appelle les Autres, un peuple que seuls les enfants voient jusqu’à ce qu’ils perdent cette faculté en grandissant. Des amis imaginaires, pourrait-on croire. Mais rien n’est moins sûr pour Tommy car, à en croire les Autres, les extra-terrestres leur ressemblent et se contrefichent des humains. Par conséquent ce qui adviendra de ces derniers lorsqu’ils sortiront de leur vaisseau leur importe peu.

Narration

Deux arcs narratifs s’entrecroisent. Le premier factuel et distancié se concentre sur les IA qui tentent de gérer la crise mondiale, d’entrer en contact avec les envahisseurs et de sauver ce qui peut l’être. Gardner Dozois en profite pour nous envoyer quelques vérités bien senties (et pas volées comme on dit) sur notre intelligence humaine. Le second, plus poignant, se focalise sur la vie de Tommy et c’est par ses yeux que nous découvrons une autre facette des extra-terrestres. Les deux se répondent et se rejoignent dans un final inéluctable et glaçant. Novella très émouvante, à l’écriture évocatrice élégamment traduite, Le Fini des mers est à lire. Et si vous avez apprécié « Le Sauveur » dans Danses aériennes de Nancy Kress, nul doute que Le Fini des mers est fait pour vous.

Citation

Tandis que les êtres humains s’agitaient, perplexes, l’IA conçue par MIT-Bell Labs se connecta au réseau d’ordinateurs de vingtième génération mis à sa disposition par une Priorité Alerte Rouge, évalua les données pendant quatre-vingt-dix secondes et appela son homologue des Républiques Russes. Dotée de ses propres canaux d’accès, elle obtint le contact presque aussitôt, même si le Pentagone n’arrivait toujours pas à communiquer avec le Kremlin — ce qui importait peu : l’un et l’autre n’étant que des institutions humaines, les discussions adultes se tenaient ailleurs. L’IA « parla » avec le réseau russe durant sept minutes, plusieurs ères géologiques à l’échelle électronique, et on évita ainsi la Troisième Guerre mondiale. Les Intelligences admirent ne rien comprendre à l’événement, conclusion que les gouvernements des êtres de chair mettraient pour leur part des heures à atteindre et ne reconnaîtraient jamais.

 

Le #ProjetOmbre
Lecture #3

Cet article a 9 commentaires

  1. Yuyine

    Il fait partie des titres UHL que je dois encore lire et je me réjouis d’avance parce que je pense que je vais adorer le voyage!

  2. shaya

    C’est un chouette UHL en tout cas, cool que tu aies aimé !

    1. Lhisbei

      Oui, il est très bien (je n’ai pas encore été vraiment déçue de cette collection). Tu l’as chroniqué ?

  3. Vert

    Un joli texte dans mon souvenir, assez particulier et un peu éprouvant.

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