Second sorcier, Ars Obscura T2 – François Baranger

Second sorcier
Ars Obscura T2

De François Baranger

Denoël Lunes d’encre – 448 pages

Où l’on tente un résumé sans spoilers

En 1815, alors qu’une bataille décisive se prépare près de Waterloo, l’Empereur Napoléon Ier ne se doute pas que des officiers complotent dans l’ombre pour écarter son sorcier Élégast. Le capitaine Brégante hésite à livrer les cristaux d’uchronite au Sorcier d’Empire. Il lui sont pourtant nécessaires, son pouvoir en dépend.
En Russie, Nicolas Romanov vénère le redoutable dieu Bog Krovi et parvient à réveiller une entité antique aux pouvoirs terrifiants qui pourrait bien mener la coalition ennemie à la victoire. De son côté, Ludwig, le mercenaire, tente de sauver ses amis des griffes de la Garde hermétique et d’empêcher que les cristaux soient livrés au sorcier pendant que Lithian reprend contact avec ce qu’il reste d’une confrérie antique de mages pour percer le secret de la magie d’Élégast.

C’est toujours aussi efficace

Sorcier d’Empire, le premier tome de la série, permettait la mise en place de l’univers et la découverte des nombreux personnages. Ce deuxième tome continue l’histoire là où le premier s’est arrêté, avec un résumé du précédent pour rafraîchir la mémoire des lecteurs.
Les personnages, tels que Ludwig, Éthelinde, Mathurin et Irénion, voient leurs trajectoires personnelles se développer, révélant peu à peu leurs origines et leurs destinées. Au fil du récit, l’identité d’Élégast et le passé de Ludwig, qui découvre ses propres pouvoirs et ses liens avec le Sorcier, se dévoilent. Confrontés à des dilemmes moraux et à des choix difficiles. Ils doivent naviguer au travers des intrigues politiques et des machinations magiques qui les dépassent parfois. L’intrigue, dense et riche en rebondissements, se complexifie avec l’intervention des forces politiques, des éléments surnaturels nouveaux. Le mystère s’épaissit autour de l’entité maléfique réveillée par Nicolas, le frère du Tsar.
La magie, déjà présente dans le premier tome, prend une place encore plus importante et se révèle beaucoup plus sombre encore. Les événements vécus par les différents personnages, apparemment disparates, finissent par se rejoindre de manière parfois étonnante et permettent d’avoir une vision globale des enjeux politiques et magiques qui traversent cette Europe alternative. La conclusion du deuxième tome ouvre la voie à une suite prometteuse. Les lecteurs n’auront pas à attendre longtemps puisque le troisième tome intitulé Sorcier empereur (un titre qui en dévoile beaucoup si on a pas lu le tome 2) sortira le 27 mars prochain.
La cohérence de l’ univers uchronique et du système de magie alliés à une narration fluide et sans temps morts font de ce tome une suite réussie. Reste à voir comment la série tiendra sur la longueur.

Un extrait

 Cette bataille est un point clé de tous les avenirs alternatifs que l’Aiônite a pu me montrer. Il était impossible de ne pas la livrer. Et, tant qu’elle n’aura pas eu lieu, je ne pourrai rien voir au-delà, quelle que soit la quantité de cristaux que j’y consacrerai. En revanche, grâce à tout ce que nous avons accompli jusqu’à présent, nous nous y présentons en bien meilleure posture que… »
Élégast s’interrompit, il en avait trop dit. Il ne savait pas si l’Empereur était prêt à entendre la suite.
Celui-ci repoussa son potage, comme s’il n’avait déjà plus faim, et dit, sur un ton hésitant : « Que serait-il arrivé sans vos visions ? Que serait-il arrivé sans… vous ? »
La fameuse question.
Celle qui taraudait Napoléon depuis toujours, qui lui donnait tant d’aigreur vis-à-vis de son sorcier, au lieu de l’amener à lui témoigner toute la reconnaissance à laquelle celui-ci aurait pu prétendre. Après tout, pourquoi le ménager ? Autant le lui dire !
« Sans le secours des visions d’Aiônite, vous auriez été forcé d’abdiquer en 1814, sire. En mars de l’année dernière, les forces européennes coalisées seraient arrivées à Paris et vous auraient retiré la couronne impériale. On vous aurait exilé hors de la France et la monarchie aurait été restaurée en mettant Louis XVIII sur le trône. »
L’Empereur pâlit.
« La monarchie restaurée… ? Quelle infamie. Et j’aurais laissé faire ? N’eussé-je même pas fait preuve d’un sursaut d’audace ? »
À cet instant, le voyant blême et défait, le dos voûté, les joues flasques, Élégast oublia l’agacement dont il était coutumier et le prit presque en pitié. Après tout, même si Napoléon n’était qu’un homme, un peu pathétique comme tous les hommes selon le sorcier, au moins celui-ci avait-il bâti un empire. Cela méritait un peu de respect, même de la part du roi d’Hursëlïnh.
« Sire, de l’audace, vous en eûtes montré, à n’en pas douter. Par la ruse, vous vous seriez échappé de l’île où l’on vous retenait puis vous seriez remonté à Paris en deux semaines lors d’une marche triomphale, rassemblant autour de vous vos anciennes armées restées fidèles. Louis XVIII aurait été forcé de fuir et vous auriez ceint de nouveau la couronne impériale. Mais, vous vous seriez cru fort, alors qu’en réalité, vous auriez été faible. Vous auriez réuni une armée pour prendre vos ennemis de vitesse avant qu’eux-mêmes n’aient le temps d’en lever une trop grande et vous auriez marché sur cette nouvelle coalition pour arriver… ici.
— Voilà donc ce “carrefour temporel fondamental” dont vous parliez. Quoi que j’aie pu accomplir, mon destin était de livrer bataille ici et maintenant.
— Oui, sire.
— Et, sans vous, comment cet affrontement aurait-il tourné ?
— Êtes-vous sûr de vouloir l’entendre, sire ? Après tout, nous avons changé le destin ; la bataille qui aurait dû se dérouler ici n’aura pas lieu. Elle sera nécessairement différente, avec une issue, je l’espère, tout autre.
— Vous l’espérez ? »
De nouveau, ce ton narquois, ironique. Décidément, pourquoi l’épargner ? Après tout, s’il voulait l’entendre…
« Dans ce temps hypothétique, vous auriez été défait. Wellington l’emportait, la France était envahie, occupée, et vous, exilé de nouveau. Cette fois pour de bon, car il ne vous serait plus resté que quelques années à vivre. »
Napoléon ne bronchait plus. Son teint était cireux au point qu’on l’eût dit déjà mort.
« Je mourais en exil… »
Il hocha la tête. Au fond de lui, il savait qu’il s’agissait de la vérité.

Pour aller plus loin

Cet article a 3 commentaires

  1. Félicitations : parler de ce roman sans spoiler, ce n’était pas évident !
    Comme toi, j’attends de voir si l’auteur pourra tenir la distance.

    1. Lhisbei

      Merci. C’est pas facile d’éviter les spoilers : ça donne une chronique un peu légère sur le fond. J’espère qu’il va tenir la distance, c’est prometteur.

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