Au sommet du Pic du Midi (vol. 3)

Lire les volumes 1 et 2.

Nous venons d’assister au lever du Soleil en haut du Pic du Midi de Bigorre en ce premier jour d’été. Il est 6h27 et voici le panorama auquel nous avons droit.

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Nous n’avons plus les pieds sur Terre et, pourtant, il n’est pas possible de s’y sentir plus relié qu’aujourd’hui. Tout cela nous dépasse et nous remet à notre place au sein d’un système bien plus vaste que ce que nous pouvons imaginer. Une chose est sûre : nous sommes des poussières d’étoile.

A 9h nous avons rendez-vous avec notre accompagnateur pour une visite d’une partie des installations scientifiques. Nous avalons des centaines de mètres de couloirs étroits et tentons de nous faire aussi discrets que possible pour ne pas déranger les scientifiques et techniciens qui bossent. Cependant nous ressemblons à un troupeau d’éléphant en goguette dans un centre ville embouteillé. Notre animateur en profite pour égréner les anecdotes sur la construction de l’observatoire, les conditions de vie sur le site, la complexité de la logistique pour offrir un minimum de confort. Nous  allons voir le télescope Bernard Lyot (ou TBL)

Sa construction (tour et coupole incluse) a duré 10 ans, de 1970 à 1980. La tour fait 26 m de haut et 14 m de diamètre. Il s’agit d’une double tour : le télescope s’appuie sur la tour intérieure. La coupole, elle, repose sur la tour extérieure. L’objectif de ce dispositif ? Amortir les vibrations de la rotation de la coupole. La coupole, elle-même, est particulière. Elle est percée d’un opercule rond en face duquel il faut positionner l’instrument. Ce dispositif limite l’entrée d’air extérieur. Il est conçu pour éviter les échanges thermiques entre l’air extérieur et l’air intérieur, sources de perturbations. Si la température des miroirs est plus chaude que la température extérieure la qualité de l’image se détériore. L’intérieur de la coupole est donc réfrigéré. L’air intérieur est aussi asséché pour éviter la formation de buée sur les miroirs, buée qui risquerait même de geler. Cette différence avec les coupoles classiques a nécessité dès le début une informatisation de pointe. Le télescope est constitué d’un miroir de 2 m de diamètre reposant sur une monture fer à cheval (monture équatoriale qui permet d’annuler les effets de la rotation de la terre). Le miroir est réaluminé tous les deux ans. Le TBL est le plus grand télescope optique en France métropolitaine. Équipé des instruments MUSICOS et NARVAL, il est dédié à l’observation et l’étude du champ magnétique des étoiles (spectropolarimétrie stellaire).

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Voici en image cet impressionnant télescope :

Pour atteindre le coronographe, instrument suivant sur le programme de notre visite, nous avons presque retraversé l’observatoire. Nous faisons escale dans une salle pour la projection de plusieurs vidéos dont une sur les protubérances solaires (Flammes du Soleil) qui date, si mes sources sont bonnes, de 1956. Les images utilisées sont celles réalisées par Bernard Lyot lui-même. Bernard Lyot est l’inventeur, dans les années 30, du coronographe, instrument qui permet d’observer les protubérances et la couronne solaire. A noter qu’il a inventé son coronographe au Pic du Midi… Avant, il fallait attendre une éclipse totale pour pouvoir observer la couronne solaire. Les éclipses restent des phénomènes rares sauf à pouvoir parcourir la surface de la terre. Le système inventé par Bernard Lyot reproduit l’occultation du soleil et permet l’observation à partir d’un même endroit.


Flammes du Soleil

Le coronographe de l’observatoire du Pic du Midi fait partie du programme CLIMSO (CLIchés Multiples du SOleil). Le programme est dirigé par un astronome professionnel. Les équipes chargées de faire fonctionner le matériel, d’observer et d’enregistrer le soleil de son lever à son coucher, sont composées de bénévoles passionnés membre de l’association des Observateurs Associés. Ils se relaient en mission, au sommet, à la semaine. L’instrument, lui, est financé par une société privée dans le cadre du mécénat. Il ne faisait pas assez beau pour voir le coronographe au travail. La salle de contrôle était donc vide et, cette fois-là, nous n’avons dérangé personne en plein travail…

Photos par C.Schlonsok tous droits réservés

C’est la fin de la visite. Nous récupérons les bagages pour rejoindre le téléphérique et reprendre le cours de nos vies après cette parenthèse hors du temps et hors du monde (ou presque). Il est 11h30, nous émergeons des entrailles de l’observatoire, rejoignons la partie ouverte aux touristes et jetons un coup d’oeil par la baie vitrée pour admirer une dernière fois les Pyrénées. Il neige. Le 21 juin à 11h30 au sommet du Pic du Midi de Bigorre… il neige. Jusqu’au dernier moment, nous aurons été ailleurs…

Cet article a 4 commentaires

  1. Lhisbei

    @Lorhkan : la visite des quartiers scientifiques est une exclusivité des nuits au sommet nous a-t-on affirmé. On s’est senti aussi chouchoutés (malgré le froid) que des VIP. C’est dommage que le temps n’ait pas permis de voir le coronographe fonctionner.

  2. Vert

    Je suis jalouse (mais genre trop jalouse, en fait je vous déteste )

  3. Tigger Lilly

    Tout cela est ma foi fort joli et dépaysant. Comme quoi parfois suffit de rester en France pour voir de superbes choses.

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