De Gilberto Villarroel
Aux Forges de Vulcain – 448 pages. Traduction de Carole Fillière
Un autre Ground Zero
Au Chili, un tremblement de terre dévastateur transforme Santiago en un champ de ruines. Gabriel, ancien journaliste de guerre en reportage à Valparaiso, échappe de justesse au tsunami qui suit la catastrophe, mais s’inquiète pour sa femme enceinte, Sabine, coincée au dernier étage d’un gratte-ciel récemment construit. La ville, désormais bouclée par des forces étrangères en raison d’une mystérieuse épidémie qui s’avère être une contamination vampirique, devient une zone interdite. Devenu guide pour un commando de marines américains chargés d’exfiltrer un prêtre, Gabriel s’aventure dans la redoutable « Zona Cero ». Ce titre « Zona Cero » fait référence à un lieu symbolique de Santiago, devenu le cœur des manifestations et mouvements sociaux lors des grèves de 2019.
Double langage
Le roman se lit à la fois comme un récit de survivalisme post-apocalyptique et comme une réflexion incisive sur les réalités politiques et religieuses du Chili. Sous une démocratie de façade, les vestiges de la dictature continuent de peser sur la société. Le vampire, allégorie de l’aristocratie et des abus de pouvoir, s’éloigne de la figure romantique de Dracula pour s’inspirer de la figure historique de Vlad Tepes, l’Empaleur. Avec un règne marqué par la violence, il incarne parfaitement la dictature et la force brutale. Les suceurs de sang, contaminés par Tepes, symbolisent les profiteurs du capitalisme sauvage qui a enrichi une caste liée au régime militaire, exploité les ressources et les populations en renforçant les inégalités sociales. Le récit critique également l’influence pernicieuse des États-Unis en Amérique du Sud et le rôle néfaste de l’Église catholique.
Gilberto Villarroel ne se contente pas de raconter une histoire ; il crie l’indignation, la douleur et la colère à travers ses personnages et son intrigue. Ce roman percutant a été écrit avec une rage palpable. Les influences littéraires et cinématographiques sont nombreuses, allant du mythe transylvanien aux films d’action comme Die Hard ou Escape from New York, mais Zona Cero est avant tout un cri de révolte contre l’injustice, une plongée dans les ténèbres d’une société déchirée, où l’espoir survit malgré tout.
Extraits
Un premier extrait
Gabriel fit un cauchemar. Dans son rêve, le tsunami l’emportait et il ne quittait jamais la plage de Pichilemu. L’océan devenait rouge. Toute l’eau qu’il pouvait voir devant lui avait pris la couleur du sang.
Alors qu’il se noyait, ses yeux regardaient le ciel. Mais il n’y avait aucune étoile.
Tout à coup, il faisait jour. Et rien n’était plus pareil.
Le soleil était bleu. C’était une étoile morte, dérivant dans l’espace, incapable de produire la moindre étincelle de vie.
Un second
Pile ou face. Vie ou mort. C’était toujours comme ça dans les mines de charbon. Dans la rue, aussi. Aucune différence. Il fallait toujours faire front. Rien d’autre à faire. Toute sa vie s’était déroulée de la sorte, invariablement.
Aucune recette magique. Aucun secret. Aucun miracle à attendre, même si parfois certains survenaient.
- Lire les avis de Quoi de neuf sur ma pile, Fantastinet, Chut Maman Lit, Anudar, Stéphanie Chaptal.
J’étais resté juste sur le côté post-apo et ça ne me tentait pas, mais l’aspect politico-socio-cri me fait réviser mon jugement.
Le roman est structuré comme un post-apo survival contre zombies (même si ici ce sont des vampires). Mais les personnages (comme, par exemple, les mineurs qui avaient commencé une grève de la faim et qui se retrouvent embarqués dans la troupe de survivants) parlent de politique (et de famille, et de valeurs…) (et agissent aussi en fonction de ces valeurs)
Quand on ne connaît pas l’histoire récente du Chili, ça nécessite quelques recherches aussi. J’ai trouvé ça très intéressant à lire alors que je ne suis pas fan des survivals de manière générale.
Oui c’est vrai Zona cero c’est l’épicentre du chaos à Santiago, dans ce sens on peut dire que c’est une sorte de Ground zero, allusion aux attentats contre les tours jumelles.
Le personnage du militaire américain Tony est bien ambigu, un peu comme les relations entre les US et le Chili.
Oui, très ambigu mais il reste difficile de lui faire confiance (à raison d’ailleurs)
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