Elric, Les buveurs d’âmes – Michael Moorcock et Fabrice Colin

Elric – Les buveurs d’âmes

de Michael Moorcock et Fabrice Colin

Fleuve Noir – 272 pages

Je n’ai jamais lu Elric. Comment ? C’est une faute de goût inexcusable quand on a 35 ans et qu’on prétend aimer la fantasy. Quand j’étais étudiante (donc jeune et fauchée) je n’achetais que des poches (et encore, merci la biblio municipale de m’avoir fourni mes doses hebdomadaires). Les rayonnage de ma librairie regorgeaient de Pocket : Elric, La Belgariade mais aussi La ballade de Pern, et La romance de Ténébreuse. A cette époque j’étais persuadée que la fantasy écrite par des auteurs femmes était meilleure que la fantasy écrite par les mecs. Plus fine, plus intelligente. Que les mecs écrivaient tous des succédanés de Conan avec des guerriers musculeux et héroïques sauvant cette cruche de princesse, qui ne pouvait que hurler épouvantée comme dans le plus nanardesque des films d’horreur, tout en bastonnant à tout va des hordes de bestioles idiotes. A tel point que je n’achetais et ne lisais que des auteurs femmes. C’était avant de savoir que certaines femmes écrivains avaient pris un pseudo d’homme pour pouvoir être publiées (jeune fauchée et idiote donc). Ensuite je suis tombée sur les sentimentalo-romantiques Métamorphes de Jennifer Roberson et j’ai arrêté les conneries (ce qui ne m’a pas empêchée de regarder avec beaucoup d’attention ce que les auteures publiaient et m’a permis de lire Chroniques du Pays des Mères d’Elisabeth Vonarburg et Le rivage des femmes de Pamela Sargent, deux romans qui font tout de même sacrément réfléchir et qui sont bien au-dessus de la mêlée). Donc Elric est passé à la trappe à cause de préjugés vraiment très cons. Plus tard, en discutant avec d’autres passionnés, j’ai appris que Elric était l’archétype de l’anti-héros : grand, maigre, albinos, souffreteux, il tire ses pouvoirs et sa force vitale d’une épée maudite qui l’assujettit plus qu’elle ne l’aide. Du coup quand l’occasion de vraiment faire connaissance avec le personnage s’est présentée, je me suis dit qu’il était temps de faire preuve d’un minimum d’intelligence et de me colleter avec lui. La couverture a achevé de me convaincre (parce que, malgré Ptah Hotep, je ne suis toujours pas guérie de cette manie de craquer sur une couv’). Profitons-en pour signaler que Fleuve Noir a fabriqué un bel objet car la carte (fantasy = carte, c’est classique), encadrée de dragons stylisés (là aussi ce n’est pas demain la veille que je me guérirai des dragons, je les ai dans la peau), sur papier glacé en jette.

Assez parlé de moi, parlons du roman. L’aventure présentée par Fabrice Colin vient d’une nouvelle écrite par Michael Moorcock. Les deux auteurs ont travaillé au développement de cette nouvelle mais malgré tout le roman n’est pas très long, 272 pages, soit la taille standard d’un roman de fantasy de l’époque dont je parlais plus haut. Ce tome d’Elric est le 10eme mais, dans la chronologie du cycle, il se place en deuxième position. Elric des Dragons a tué la cousine bien-aimée qu’il s’apprêtait à épouser, et causé la chute de son empire à cause de Stormbringer, épée maudite à laquelle il est irrémédiablement lié. Haï par ses pairs et son peuple, dévasté par la mort de Cymoril, il fuit Menilboné accompagné de son ami Tristelune. Il s’est fait le serment de ne plus jamais tirer l’épée maudite de son fourreau. Et s’est mis en route pour les ruines de Soom dans lesquelles pousserait une fleur magique, source de grands pouvoirs et d’une possible fin de la dépendance à l’épée : une Anémone Noire qui ne fleurit qu’une fois par siècle. Voici un argument de quête de fantasy très classique, tout à fait dans l’esprit de la fantasy publiée à l’époque où Moorcock publiait les aventures d’Elric. Les traditions sont respectées (et moi, bonheur, j’ai de nouveau 20 ans).
Bien entendu, comme d’autres tomes d’Elric suivent, le lecteur se doute bien qu’il finira par rompre son serment. Le suspens ne réside pas là. La question que le lecteur se pose c’est quand va-t-il la tirer cette fichue épée ? Ou plutôt en fonction de quel ressort psychologique ? Parce qu’Elric est un personnage torturé et tortueux, lâche et courageux en même temps, jouet de puissances supérieures alors même qu’il tente de reprendre son indépendance et d’assumer ses fautes comme ses choix. Plus complexe qu’il ne paraît au premier abord donc. J’ai vraiment apprécié cette lecture parce que j’ai retrouvé les sensations de ma jeunesse et, comme on est un lecteur plus exigeant à 35 ans qu’à 20 ans, je me dis que pour réussir cette prouesse il fallait au moins une bonne plume (celle de Fabrice Colin, ici – mais j’avais confiance), de bonnes idées (la nature de l’Anémone Noire en est une) et un personnage fouillé. Autre qualité appréciable de ce roman c’est qu’il peut vraiment se lire sans avoir lu le premier tome des aventures d’Elric. Fabrice Colin parvient à exposer le passé du personnage sans alourdir le récit.
J’ai quand même relevé des petits défauts (mais qui était déjà présent dans certains romans d’Heroic-Fantasy que je lisais à 20 ans) : pour un type moribond, Elric se bat avec un peu trop de vigueur et s’en sort parfois un peu trop bien. Certaines scènes d’échauffourées ont quand même mis à mal ma suspension d’incrédulité … Et les personnages secondaires manquent d’épaisseur (quant aux princesses… vraiment… les auteurs auraient pu faire mieux que ces deux jeunes écervelées insipides).

Un extrait
Peut-être avait-il compris quelque chose, en définitive. Peut-être avait-il commencé à admettre que la vérité, si elle existait, ne lui serait révélée qu’au terme d’une existence de souffrances et de doutes à laquelle il était vain de vouloir se dérober. Il contempla Stormbringer, posée au pied de sa couche. Sanglée dans son fourreau, prisonnière de ses attaches de cuivre et de laiton, la lame vibrait de frustration. L’albinos s’était fait la promesse, avant de quitter le port d’Aflitain, de ne plus jamais avoir recours à elle. Confectionné par un armurier hors pair, ce fourreau protecteur était le symbole de sa détermination : il était impossible d’en retirer l’épée sans détruire les attaches.

Cet article a 11 commentaires

  1. gromovar

    Va bien falloir que je finisse par m’y mettre. Cet été sans doute.

  2. Lhisbei

    @ Gromovar : j’ai recensé pas mal d’avis mais j’ai oublié celui [URL]:url:forums.belial.fr/viewtopic.php?f=8&t=825&start=10[NAME]de jdb sur le forum du Bélial[/URL]. il refroidit pas mal les ardeurs

  3. Guillaume44

    Je crois que je vais faire l’impasse. Je reste attaché au Elric du cycle, ce personnage découvert et lu en pleine adolescence ^^

  4. Efelle

    J’ai tenté quelques concours pour l’obtenir, on verra bien.
    J’ai toujours le projet de relire l’intégrale cette année, si j’obtiens ce livre je le lirai sur la lancée, sinon tant pis…
    Sinon tu as omis un des traits de l’anti héros de Moorcock : pleurnichard. []

  5. shaya

    Je pense faire l’impasse aussi… Elric ça a jamais été trop mon trip quand j’en ai lu un ou deux ado, alors bon ^^

  6. Bardablog

    Moi aussi, je ferai l’impasse… J’avais déjà peu apprécié les ajouts au cycle original… (également lu en pleine adolescence…)

  7. Moi j’attends de finir le cycle original pour lire celui-là, et vu que j’en suis restée au tome 3 voilà bien 4 ou 5 ans… faudrait que j’en finisse un jour quand même, c’est pas comme si c’était des romans bien longs xD

  8. Cachou

    Bon ben je dois être la seule à ne pas m’être amusée en lisant ce livre…[]
    Mais bon, je me rends compte que je ne suis pas si cliente d’heroic fantasy que ça en fait, il me faut quelque chose de vraiment marquant pour adhérer (cf Dilvish).

  9. Emmanuel

    Je trouvais que la critique des buveurs d’ames ci-dessus n’était vraiment pas très représentative de ce roman qui n’est franchement pas à la hauteur des espérances que l’on pouvait y placer. Mais je vois que l’omniprésente Cachou est du même avis que moi. Quant à la plume de Fabrice Colin… je crois que seule sa fluidité mérite une petite remarque positive. Pour le reste, c’est proche du niveau rédaction du brevet

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