Planète à louer – Yoss

Planète à louer

De Yoss

Mnémos – 256 pages

J’ai eu un très gros coup de coeur pour Yoss, coup de coeur littéraire mais pas que.

J’ai découvert Yoss avec ses nouvelles dans Dimension latino chez Rivière Blanche. Le coup de coeur littéraire date de cette époque. Ensuite j’ai continué, toujours chez Rivière Blanche, par son “roman novelliste” Interférences, qui a confirmé tout le bien que je pensais de ses écrits. Et enfin j’ai lu Planète à louer et je peux dire que nous sommes toujours en pleine lune de miel. Mais le coup de coeur n’est pas que littéraire. Yoss est quelqu’un d’étonnant et détonnant. Aux Imaginales 2011 j’ai eu la chance de l’écouter en conférence. Son apparence physique, blouson de cuir, tatouages, cheveux, bandana dans les cheveux, interpelle (un peu coincé dans les années 90 ? un air de famille avec le rebelle Lorenzo Lamas ?). Mais ses propos encore plus. Il est d’une totale franchise, ne dissimule rien, exprime ce qu’il pense en se sentant totalement libre (mais toujours dans le respect d’autrui). Et cette liberté de ton, pour un auteur cubain et brimé (parce que publier de la SF à Cuba, une SF qui critique le régime, n’est pas simple – en fait si c’est simple : le régime censure la publication et on en parle plus pas) est surprenante et casse les clichés. Sans compter qu’il n’y a pas une once d’agressivité ni d’aigreur dans ses propos, bien au contraire ; Yoss aime son île, son pays (mais pas son gouvernement). Et, à la différence de nombreux auteurs qui ont choisi l’exil pour pouvoir publier, il a choisi de rester à Cuba. Et de résister à sa façon. Et ça j’admire.

Cette liberté de ton se retrouve dans la préface de Planète à louer, qui annonce la couleur (toute ressemblance entre la Cuba des années 1990 et cette terre du XXIe siècle est purement intentionnelle) et dans les remerciements  aussi, où Yoss détaille ses influences et invite le lecteur à le regarder travailler. Elle se retrouve aussi dans chaque texte introduisant les différentes parties de ce roman, parties qui sont au nombre de sept et qui suivent chacune une trajectoire personnelle : la travailleuse sociale (doux euphémisme pour qualifier le plus vieux métier du monde), l’artiste, le capitaine d’une équipe sportive, le flic, le savant, les résistants et une petite fille. Tous sont liés mais avec des fils si ténus que la toile se tisse subtilement. Tous sont humains, humains sur une planète qui ne s’appartient plus. Lassés de voir les êtres humains s’auto-détruire, les xénoïdes (les extra-terrestres) sont intervenus, ont fait le ménage (sans ménagements, ils n’ont pas hésité à rayer le continent africain de la carte) et imposé leur Loi. Ils viennent sur Terre faire du tourisme et ce tourisme fait vivoter les habitants. La corruption, les trafics, les mafias se développent facilement sur un lit de misère. Chaque personnage que nous suivons tente désespérément d’échapper à sa condition, à quitter la planète dans l’espoir de vivre mieux ailleurs. Chacun usera de ses propres armes et atouts et chacun y perdra quelque chose, ses illusions, son âme ou sa vie. Aucun optimisme dans ces trajectoires personnelles sauf peut-être pour la dernière, lumineuse malgré tout. Yoss brosse le portrait de l’autre Cuba. Celle qu’on planque aux touristes mais que ceux-ci pourraient voir s’ils arrêtaient de se consciencieusement se cacher les yeux. Chaque partie est racontée du point de vue du personnage et le ton et le style s’adaptent à la psychologie de celui-ci, avec parfois un hommage à d’autres textes (exemple avec L’entretien d’aptitude).

Planète à louer est un roman riche, “à tiroirs”, avec, dans chaque tiroir, une pépite.

Cet article a 9 commentaires

  1. gromovar

    Belle chronique Et c’est vrai que Yoss a quelque chose d’impressionnant.

  2. Lhisbei

    @ Gromovar : vil flatteur (je t’avais bien dit que j’avais aimé Planète à louer[]).

  3. Cachou

    Une découverte pour moi, et un coup de coeur également, comme tu le sais ^_^. Je n’arrive pas à m’imaginer comment peut être le bonhomme (en mouvement, je veux dire). J’ai vu des photos, c’est vrai qu’il est impressionnant (Lorenzo Lamas, je n’y aurais jamais pensé!).

  4. Charlotte

    Je suis très heureuse que la plume de Yoss vous touche autant Et pour Cachou, tu peux retrouver des vidéos de Yoss aux dernières Imaginales (2011) sur Youtube. “En mouvement et en voix” ^^ Les URls qui vont bien : :url:www.youtube.com/watch?v=z9DR4Js-F2I :url:www.youtube.com/watch?v=sCJNeyQ-wOA :url:www.youtube.com/watch?v=pspKU6TiEHs
    :url:www.youtube.com/watch?v=VG5MuQLnEa4
    :url:www.youtube.com/watch?v=VG5MuQLnEa4

  5. Val

    Bon y’a pas à dire….Faut que je lise !
    Je le note pour mon petit Noël

  6. J’ai adoré également. Un bon coup de coeur pour l’année, perso. Un livre intéressant par son renversement de situation et le parallèle assumé avec Cuba! J’adore.
    Et au passage merci pour le lien.

  7. Une fois de plus
    Une fois de plus, très belle critique qui donne super envie !

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