Pour bien commencer l’année 2013, j’ai acheté le 69ème numéro de Bifrost. Pour son dossier Culture Rock et SF et sa couverture qui ne se refuse pas. Et pour bien commencer 2013, je vais le chroniquer ici.
Commençons par les nouvelles inédites présentes dans cet opus. « Cabinessence ou la vie de Brian » de Jacques Barbéri met en scène Brian Wilson (The Beach Boys) coincé en plein trip dans une cabine de plage, trip qui le projette dans l’avenir, le passé… Voyage temporel (la cabine de plage peut-elle faire un bon Tardis ?) ou souvenirs qui défilent avant la fin imminente ? A la manière du chat de Schrödinger, dont on ne sait s’il est mort ou vivant, tant que la porte de la cabine ne sera pas ouverte… La nouvelle est un foutoir assez cohérent mais complètement cintré auquel je n’ai pas vraiment accroché. Avec « Winnie l’ourson ne se pique pas » de Stéphanie Benson, c’est Brian Jones, viré des Rolling Stones, que nous suivons, dans sa déprime, ses excès (drogues, alcool et amnésies) et ses hallucinations : Winnie l’Ourson et toute sa bande s’invitent au bord de sa piscine en 1969. Moins cintrée mais plus décousue que la première nouvelle, « Winnie l’ourson ne se pique pas » ne m’a pas plus accrochée que ça non plus : se balader dans la psyché de camés n’est pas une expérience agréable et le personnage n’a provoqué aucune émotion en moi (alors que, bon, quand même, un type au bord du suicide…). Changement de ton avec « Le Manteau noir » de Daniel Walther. Mais pas de sujet si ce n’est qu’à la drogue et au rock’n roll on ajoute le troisième ingrédient du cocktail : le sexe. Cette fois c’est Bob Dylan qu’on convoque puisqu’il vient de faire un paquet de miles pour se taper Ellen. Mais c’est sur l’homme au long manteau noir qui viendra le hanter. Sur cette nouvelle, j’accrochais plutot bien au ton désabusé. Mais un délire mystico-sexuel avec les Indiens a mis fin à cet état de grâce. Dommage parce que quelques jours après lectures, le texte vit encore en moi alors que j’ai déjà presque oublié les deux premières nouvelles. Il faudra que je me penche sur la bibliographie de Daniel Walther. On notera aussi une belle coquille dans le texte d’introduction de la nouvelle (un accident vasculaire cérébrale). Avec « Live At Budokan », de Alastair Reynolds on oublie la drogue, on parle rock et SF. J’ai presque envie de dire qu’avec cette nouvelle on entre enfin dans le vif du sujet en sortant du cliché “sex, drugs and rock’n roll”. C’est un manager de groupes de rock qu’on suit. Ici les vedettes c’est lui et son associé qui les créent au sein de Morbid Management. Leur dernière création, Derek, casse la baraque mais avant Derek il y a eu Ghoul Group, première formation composée de morts, puis Robot Metallica, réplique robotique du groupe, et le catastrophique Giant Robot Metallica. Les progrès de la science et de la technologie a permis de faire sauter bien des limites et Derek (dont je tairais la nature puisque c’est l’un des ressorts du texte) en est la preuve. Il doit en outre être l’artiste idéal à manager… Et on est d’accord avec Bifrost quand il écrit : « Il nous manquait du lourd, du très lourd pour boucler notre sommaire… Voila qui est fait. ». C’est effectivement du lourd et du bon. Les illustrations (au nombre de 5) des nouvelles sont de Diego Tripodi. Enfin il faut presque le deviner (merci l’ourse) parce qu’on ne voit la signature de l’artiste (ses initiales) que sur une seule d’entre elles.
Le dossier critique est de la même qualité que d’habitude (encore que j’ai compté moins de coups bas et de phrases assassines dans ce numéro) : les critiques sont claires, argumentées, étayées, solides et bien écrites. Pas de surprise non plus dans le coin des revues : Thomas Day encense Angle mort et descend Galaxies, comme d’habitude (mais je dois avouer que, pour une fois, il a raison sur les deux points, le Galaxies spécial Wintrebert m’avait un peu déçue aussi, mais pas au point de se prendre une telle volée de bois vert). A la chandelle de maître Doc’Stolze : roulez jeunesse ! se laisse lire avec plaisir et donne, pour qui ne connaît pas, comme moi, les oeuvres évoquées par Pierre Stolze, envie de les découvrir. Hervé Le Roux part à Tours pour un entretien avec Stéphane Auroy (qui devient Stéphane Auray dans la légende de la photo…) de la librairie Imaginaute. On ne peut qu’être d’accord avec la conclusion du libraire.
Vient ensuite le dossier tant attendu : Univers croisés : Rock et SF. L’article introductif d’Éric Holstein vaut son pesant de cacahuètes et se termine en apothéose. Seul reproche il se transforme en cours de route en guide de lecture et 4 des romans évoqués sont aussi repris plus loin dans le guide de lecture, Gravé sur Rock. Norman Spinrad, Jean-Marc Ligny, Philippe Thieyre et Richard Comballot viennent compléter ce dossier par des articles érudits (mention spéciale à celui de Jean Marc Ligny, très personnel) et foisonnants. Les références pleuvent, les passerelles entre les genres aussi. Rock et Sf sont indissociablement liés mais pas vraiment de la manière que j’avais imaginée. Si la SF a bercé et influencé les artistes rock, donnant de superbes albums (Bowie en ce qui me concerne) le contraire est moins évident et surtout les romans à la fois dérivés de l’univers rock (et de ses nombreux courants) et réussis semblent moins nombreux. Le dossier une fois terminé ne semble pas avoir épuisé le sujet. Heureusement le blog du Bélial offre des bonus bienvenus. De mon coté il me faudra du temps avant de digérer le contenu de ce très dense dossier (et pour rattraper certains titres des 100 albums rock et SF à écouter avant la fin du monde…)
Dans la rubrique Scientifiction, Roland Lehoucq & J. Sébastien Steyer reviennent sur Prometheus et s’ingénient à pointer (une partie ?) les hérésies scientifiques qui le parsèment. Ceux qui étaient aux Utopiales de Nantes ne seront pas surpris et auront déjà eu droit en primeur, à une partie des arguments présentés ici. Suivent les tradtionnelles news en vrac, puis émouvant hommage à Boris Strougatski, par Viktoriya et Patrice Lajoye. Ce 69eme numéro se clôt sur une nouvelle rubrique, Dans les poches, où Pierre-Paul Durastanti, fait un focus sympathique sur les sorties en poche des trois derniers mois, sorties dont on parle assez peu par ailleurs.
Au final, c’est presque un sentiment mitigé qui se dégage à la lecture de ce Bifrost : si je ne suis pas déçue par le dossier Rock & SF (alors qu’il est assez loin de ce que j’avais imaginé et un poil plus bordélique que d’habitude – en même temps le jour où le rock sera propre sur lui et bien rangé, il sera mort), les nouvelles ne m’ont pas plus convaincue que cela (à part celle d’Alastair Reynolds).
Ça à l’air bien burnée.
Bref, ça donne envie.
@Thom : le dossier est dense et pointu. les nouvelles sont bof bof sauf la dernières.
ça a l’air tellement naze ce numéro que je ne l’ai pas commandé sur le site du Bélial. En plus les razzies, c’est fini ! Tout fout le camp ma brave dame. :p
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