Miscellanées de nouvelles (7)

Nouvelle entrée dans la série des Miscellanées de nouvelles. Le menu du jour sera 100% numérique et se composera d’une entrée, d’un plat, du traditionnel plateau de fromage et d’un dessert. Pour les boissons, je vous laisse voir ce qu’il vous plaira d’assortir à ces textes.

En guise d’entrée, voici « Daltharee » de Jeffrey Ford paru chez Angle Mort. La nouvelle, traduite de l’américain par Florence Dolisi, peut se lire ici. Des mondes emboîtés dans des mondes emboîtés, voila qui s’annonçait vertigineux. Daltharee est une ville miniature, enfermée dans une bonbonne de lait, dont on doit la genèse à un scientifique (un savant fou comme souvent) : Mando Paige, inventeur de la division et de la croissance cellulaire différenciée submicroscopique. Et comme toutes les expériences des savants fous impliquant des êtres humains cobayes, celle-ci tournera au vinaigre dans une spirale infernale. Si l’idée en elle-même n’est pas la plus originale, le traitement proposé par Jeffrey Ford retient vraiment l’attention. La nouvelle prend son temps pour s’installer et monte en intensité dramatique puis le rythme s’accélère jusqu’à se précipiter sur une fin un poil décevante et abrupte. L’impression donnée : celle d’un auteur qui doit terminer plus vite que prévu. L’avis de Cédric Jeanneret.

« Le Canot » de Richard Paul Russo, traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti était proposée en téléchargement gratuit en août 2012 par Le Bélial pour fêter la parution en en numérique de La Nef des fous et du Cimetière des saints. Elle est issue du 30eme numéro de Bifrost. La nouvelle n’est plus disponible en numérique mais le Bifrost, lui, l’est encore dans sa version papier. Dans « Le Canot » nous suivons un petit groupe de naufragés dans le subespace après un saut qui qui ne se serait pas déroulé comme prévu, pour autant qu’ils le sachent. Ils dérivent dans le néant. Huis clos angoissant, personnages désespérés, écriture maîtrisée de bout en bout et une entrée en matière fracassante. Un seul regret : c’est trop court.
Voici le début de la nouvelle, à lire pour le plaisir :
« Ils connaissaient la couleur du ciel. Ils ne le regardaient plus, mais ils la connaissaient : un noir absolu, plus noir que la nuit. Pas d’étoiles. Rien.
Ils dérivaient dans un non-secteur du non-univers. C’était ainsi que Chacal l’avait appelé quelques instants plus tôt : un non-secteur du non-univers. Astrophysicien amateur, il était censé savoir de quoi il parlait. Sara se voyait passagère d’un canot ballottée par l’océan. La réalité, bien sûr, était tout autre. »
Les avis de Gromovar, Lune, Philémont.

Poursuivons avec « Une révolte astucieuse et courtoise des morts » de Ian McDonald, traduit par Gilles Goullet. La nouvelle peut se lire sur le site d’Angle Mort. « Certaines choses n’ont pas été faites. Certains problèmes n’ont pas été réglés. Certaines questions n’ont pas eu de réponses. » Voila en substance ce que disent les morts sur le nouveau site/réseau social créé par Obo Quartey, un Ghanéen féru de nouvelles technologies. Son site, destiné à l’origine à aider les familles à honorer leurs Ancêtres se transforme peu à peu en terre virtuelle d’insurrection politique où les morts dénoncent la corruption des hommes au pouvoir, la politique désastreuse d’un gouvernement cupide qui brade les ressources du pays aux puissances étrangères, faisant le lit du désespoir et de la famine. j’ai retrouvé dans ce texte ce que j’avais beaucoup aimé dans La Maison des derviches : les technologies sont intégrées à la vie courante, modifient en profondeur les habitudes et les modes de pensée, et en viennent à refaçonner, presque sans heurts, une société (qui, pour le coup, en aurait bien besoin). Le seul reproche à faire à ce texte c’est justement l’apparente facilité et simplicité avec laquelle la révolution est menée. Un peut trop utopique à mon goût. L’avis de Gromovar.

Pour terminer le repas, je vous propose un dessert totalement déjané. « In the court of the Lizard King » est parue en numérique en décembre 2012 pour accompagner la sortie du Bifrost 69. Publiée initialement dans le 44eme numéro de Bifrost  elle est reprise dans le recueil L’Homme qui parlait aux araignées. Rock, drogues et SF borderline et barrée sont les trois principaux ingrédients mixés sur des riffs endiablés par Jacques Barbéri dans « In the court of the Lizard King ». On y trouve une galerie de personnages incroyables, un purgatoire de cauchemar, une ambiance hallucinatoire, des codes du western, un hommages aux Doors et tout un tas de thématiques mélangées : la singularité, les expériences génétiques, la réalité augmentée (ou plutôt manipulée). Dit comme ça, ça pourrait paraître foutraque. En réalité, l’inverse se produit : la nouvelle gagne en cohérence et en solidité tout au long de son déroulement si on accepte de se laisser porter. J’ai commencé avec une pointe de répulsion (je n’accroche pas au style de Barbéri) mais je me suis retrouvée dans le trip sans savoir ni comment, ni pourquoi. Ok c’est peut-être aussi un peu à cause de ça :

Cet article a 3 commentaires

  1. Lune

    Celle de Jeffrey Ford me botterait bien tiens !

  2. Vert

    La nouvelle de Ian McDonald est dans l’anthologie des Utos de cette année en version complète (enfin c’est plutôt un triptyque sur le même thème). Je l’ai trouvé sympa dans ses thèmes, du coup j’en déduis que je dois me jeter sur la Maison des derviches ?

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