L’équipée volage – Rolland Auda

L’équipée volage

De Rolland Auda

Sarbacane – 280 pages

Voila bien un roman que j’aurais adoré aimer. Mais cela n’a pas été le cas. Je peux même dire qu’au bout de 100 pages son côté foutraque et déjanté (une bonne chose à la base) m’a plus agacée qu’autre chose.

Mais commençons par le début. Qu’est-ce que L’équipée volage ? Une uchronie destinée à la jeunesse. Le point de divergence ? En 1492, Christophe Colomb empêché par une mystérieuse brume noire d’accoster en Amérique et, en 1905, date de l’action du roman, à bord du Faste & Furieux, une bande de piratesses chapeautées par Barbe-Marie et Rejji, tente de de découvrir l’île mythique d’Isocélie. Mais les embûches ne manquent pas.

Le moins que l’on puisse dire c’est que Rolland Auda ne prend pas ses jeunes (et moins jeunes) lecteurs pour des billes. L’écriture, loin d’être lisse ou uniforme, se révèle truffée d’argot, de jeux de mots, de figures de style qui sont autant d’aspérités que de défis pour le lecteur. L’humour, ultra-présent, permet de développer des situations cocasses, d’apporter une touche de légèreté dans les scènes un peu plus violentes (la scène du coup de fil s’avère à la fois drôle et sanglante). Les références, littéraires, cinématographiques, historiques abondent et les identifier ou les deviner devient un petit jeu entre le lecteur et l’auteur. Le roman foisonne de personnages réels ou imaginaires (parmi lesquels Conan Doyle, Gaston Leroux, Sherlock Holmes, Rouletabille, les frères Einstein – cherchez un peu – Cagliostro ou Corto Maltese…) se demandant s’ils sont réels ou imaginaires. Le roman brouille ainsi constamment les frontières entre réalité, histoire, narration et imaginaire. Si on ajoute à cela que l’auteur est doté d’une imagination débordante et nous invente des machines improbables assaisonnée de steampunk, des créatures improbables (moi qui n’aime pas beaucoup les zombies, ses mamies-zombies m’ont presque réconciliée avec l’espèce) et une bande de personnages principaux déjantés, des piratesses parfois légèrement agaçantes par leurs débordements. L’équipée volage est un roman qui joue avec les règles, se joue des règles pour le plus grand amusement de l’auteur et du lecteur. Auteur qui a le bon goût de citer sa playlist en début d’ouvrage et que je ne peux que plébisciter dans ses choix (et je fayotte si je veux, bon sang).

Avec ce qui précède vous avez compris pourquoi j’aurais adoré aimer ce roman. Mais le principal défaut du roman – défaut qui s’est révélé rédhibitoire pour moi et a provoqué un enlisement dans un roman dont les pages auraient dû se tourner toutes seules – réside dans une histoire trop confuse pour moi. Pas brouillonne, non, car le roman est bien structuré. Le roman tire de tous les côtés mais ne peut pas faire mouche sur tous les fronts. Et si l’on sent l’auteur emporté par son imagination débordante et sa plume entraînante, on a parfois envie de lui demander de recentrer son histoire, de mieux l’articuler autour de sa colonne vertébrale qu’est l’intrigue. Les péripéties s’enchaînent les unes aux autres, la narration est parfois éclatée au gré des courses-poursuites mais le lecteur a finalement du mal à suivre le fil. Oui, vraiment, j’aurais adoré aimer cette équipée volage.


Challenge Winter Time Travel.


Lu pour le Prix ActuSF de l’Uchronie 2013

Cet article a 7 commentaires

  1. sombrefeline

    Des mamies-zombies? Rien que pour ça, ça me donne envie de lire le livre (même si effectivement, ça a l’air de partir dans tous les sens

  2. Lhisbei

    @Sombrefeline : elles sont très efficaces ces mamies-zombies en plus ^^

  3. Nick_Holmes

    “Une uchronie destinée à la jeunesse” Je passe mon tour donc.

  4. Tibo

    Bonjour,
    Juste un petit mot de la part de l’éditeur : en dehors de la définition d'”uchronie destinée à la jeunesse” (ce n’est pas du tout ça !), l’auteur et moi avons… vraiment bien aimé votre critique. Elle est précise, argumentée et très bien écrite. Elle rend justice à l’esprit du roman alors même que, visiblement, vous n’y avez pas tout à fait adhéré. Évidemment, en mon for intérieur je suis très tenté de vous dire : “Mais vous auriez dû continuer encore un peu ! Parfois les beaux et grands romans baissent un tout petit peu en tension, regardez Moby Dick de Meville, ou d’autres !!” Mais il n’empêche que votre critique principale (sur la tension narrative, le suspense qui vous fait “tenir” à l’intrigue) se défend tout à fait – à titre personnel, je goûte chaque phrase, chaque mot d’esprit de Rolland et je ne m’ennuie jamais. Cela étant, ça ne peut pas marcher à tous les coups ni sur tout le monde… Alors merci en tout cas pour cette vraie critique. Et si vous souhaitez recevoir d’autres sp, n’hésitez pas à me faire un petit mail : tibo.berard@sarbacane.net. Ce sera avec joie ! Tibo Bérard (resp. coll. EXPRIM’)

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