L’Ascension de la Maison Aubépine – Aliette de Bodard

L’Ascension de la Maison Aubépine

D’Aliette de Bodard

Fleuve collection Outre Fleuve – 496 pages – Traduction d’Emmanuel Chastellière

Même s’il peut se lire indépendamment, L’Ascension de la Maison Aubépine fait suite à La Chute de la Maison aux Flèches d’Argent. Je vous invite à lire mon billet sur le premier tome (coup de coeur) et vous préviens de potentiels spoilers. Mon conseil : lisez d’abord La Chute de la Maison aux Flèches d’Argent et revenez ensuite…

Une Maison chute, une autre s’élève. Flèches d’Argent est laissée exsangue, moribonde. Les autres Maisons s’organisent déjà pour en profiter. Asmodée, seigneur de la Maison Aubépine est bien décidé à étendre son influence et son pouvoir sur Paris. Pour cela, il aura besoin d’alliés et vise le royaume dragon qui s’étend sous la Seine. L’alliance par un mariage arrangé entre Asmodée et un prince dragon, s’avère difficile à mener à son terme à cause de la disparition de l’émissaire qu’il y a envoyé, d’une insurrection entre factions rivales au sein du royaume que l’on découvre rongé par un trafic d’essence d’Ange et d’une menace de sédition dans les rangs même d’Aubépine. La magie qui a cours au royaume est aussi différente de celle issus des Déchus, inconciliable avec cette dernière.
Au coeur de ce maelström, nous retrouvons Madeleine et Philippe. Lors de la prise de pouvoir sanglante d’Asmodée et la mort d’Elphon le Déchu qu’elle aimait, Madeleine avait fui et rejoint Flèches d’Argent. A la chute de celle-ci, Asmodée l’oblige à réintégrer la Maison Aubépine et la sèvre de force de sa dépendance à l’essence d’ange. Philippe, inconsolable de la mort d’Isabelle, cherche en vain une solution pour ramener celle-ci et s’est exilé dans le quartier Annamite de la Goutte d’Or aussi loin que possible des Maisons. Et nous découvrons Thuan, espion du royaume au sein de la Maison Aubépine ainsi que d’autre personnages dont les fils du destin contribuent de près ou de loin à la difficile ascension d’Asmodée.

J’ai retrouvé dans ce roman tout ce que j’avais aimé dans La Chute de la Maison aux Flèches d’Argent. Une narration maîtrisée et plus rythmée (les bases de l’univers sont connues et le contexte est posé), des personnages torturés, avec des failles insondables et des forces intérieures inespérées (et un sens de la loyauté parfois très ambigu), un univers riche de plusieurs cultures, une ambiance post-apocalyptique avec l’impossibilité de reconstruire réellement puisque tout ce qui y naît ou se crée se corrompt, se corrode, s’abîme à cause des reliquats de la guerre magique de 1914. Aliette de Bodard entraîne son lecteur sous la Seine, dans un royaume dragon inspiré de la culture vietnamienne, ce qui lui permet d’intégrer de nouvelles thématiques du « choc des civilisations » à la tentation coloniale en passant par la simple incompréhension mutuelle. Le prix à payer pour s’élever dans ce Paris en ruine et déliquescence est exorbitant, en vies d’anges déchus ou d’êtres humains, en magie, en énergie. A point tel qu’on se demande quel bénéfice Asmodée tire de cette victoire au goût bien amer.

J’avais eu un coup de cœur pour le premier tome, j’en ai un second pour L’Ascension de la Maison Aubépine que j’ai trouvé meilleur encore.

Un souvenir, abrupt et impitoyable, frappa Thuan ; une pièce sombre où étaient étendus des dragons à forme humaine, se tordant de douleur. L’odeur âcre de la magie des Déchus, mélangée à celle du vomi ; des yeux révulsés dans un visage trop pâle et trop cave pour être en bonne santé, des bois devenus translucides, veinés de pourpre. Il avait tendu le bras et un bois avait cassé dans sa main, avec un craquement rappelant celui d’un os, mais aucun os n’aurait cassé aussi facilement. Et il était resté là dans ses mains, encore chaud, battant de façon obscène d’une vie qui aurait dû le quitter entièrement…
Voilà ce à quoi nous avons affaire, neveu, lui avait dit sa cousine Ngoc Bich. Et tu vas découvrir l’origine de ce trafic. Qui l’alimente et pourquoi. Et vite.
Le royaume était en état de siège : affaibli par l’essence d’ange, harcelé par les délégués de la Maison Aubépine. Il ne tiendrait pas longtemps et le rôle de Thuan était crucial. La Maison Aubépine, après tout, était celle qui avait le plus à gagner d’un royaume dragon diminué, et il serait terriblement logique que ce soit eux qui fassent du trafic d’essence.
Si ce n’était qu’il n’avait quasiment fait aucun progrès dans son enquête. Il faisait vraiment un sacré espion.

Cet article a 2 commentaires

  1. Zina

    Tout à fait d’accord, je l’ai également trouvé meilleur et même si j’avais déjà pourtant beaucoup aimé le 1er, j’ai adoré celui-ci.

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