Sur la Lune

De Mary Robinette Kowal

Denoël Lunes d’encre – 736 pages. Traduction de Patrick Imbert

Changement de personnage

Sur la Lune, troisième tome de la série Lady Astronaute, introduit un changement de personnage principal, passant d’Elma York à Nicole Wargin, une autre Lady Astronaute. Nicole, mariée au gouverneur du Kansas, a entamé sa carrière spatiale en même temps qu’Elma et est une amie proche du couple.
Malgré son expérience en tant qu’astronaute et le rôle prépondérant des femmes dans la conquête spatiale, Nicole est perçue comme dépassée, tout comme les pionnières de l’exploration spatiale, surnommées – de manière péjorative – les “Astronettes.” Les femmes astronautes dans un environnement majoritairement masculin, doivent lutter contre la persistance des stéréotypes de genre.
Au fil de l’histoire, Nicole est soumise à une pression croissante pour résoudre les problèmes, non seulement pour assurer sa propre survie, mais aussi pour préserver celle de l’humanité tout entière. Cette pression ravive en elle d’anciens démons, la contraignant à mettre en œuvre une stratégie mentale de maîtrise et de contrôle.

Contexte uchronique et social

Le roman se déroule toujours dans une version alternative des années 1960, où une météorite a frappé les États-Unis, provoquant des catastrophes climatiques et des bouleversements économiques et sociaux. Pour faire face à ces défis, une coalition internationale a établi une base lunaire permanente, Artemis, et lancé une mission vers Mars, avec Elma York à bord.
L’intrigue met en lumière la menace d’Earth First, un groupe climato-sceptique opposé à la conquête spatiale. Cette opposition, de moins en moins pacifique, menace le programme spatial et ses membres.

Techno-thriller en huis-clos

L’intrigue du roman penche vers le thriller avec un huis clos oppressant au sein de la base lunaire, où Nicole enquête sur pour identifier les saboteurs infiltrés, tous affiliés au groupe Earth First, responsables des problèmes qui menacent la sécurité de la base.
Nicole doit jongler avec la complexité des problèmes techniques (avec des passages emplis de ce que j’appelle la « poésie du boulon ») tout en gérant l’anxiété omniprésente de la situation.
Mary Robinette Kowal, très attachée au réalisme scientifique et technique des années 60 a le souci du détail pour montrer lumière la polyvalence nécessaire des astronautes pour survivre dans l’espace. Elle explique avec clarté sa démarche de recherche documentaire dans une postface enrichissante.
Le roman aborde aussi des thèmes sociaux tels que la place des femmes (jamais à la bonne place quoi qu’elles fassent), le racisme, ainsi que des sujets délicats tels que les troubles alimentaires, l’infertilité et le handicap, avec une grande empathie et une justesse dans leur traitement.

Sur la Lune se révèle être un véritable “page-turner,” mariant habilement les éléments du thriller d’espionnage, du techno-thriller et de l’aventure spatiale. Bien qu’il puisse être lu de manière indépendante, il est recommandé de commencer par le premier tome de la série pour mieux comprendre les références aux personnages récurrents et aux événements passés.

Un extrait

« La madre que te parió, Ken. Qu’as-tu fait à ta femme ? » Le mari de Florina Morales se tenait à côté des hors-d’œuvre disposés sur le buffet.
« Il lui a enfin montré qui était le patron, a répondu le mari de Mandy Self. Pas vrai ?
— Hé, Nicole ! » Le mari de Deana Whitney a renversé un peu de martini en levant son verre. « Qu’est-ce que vous avez fait pour énerver Ken ?
— Eh bien, monsieur Whitney. » J’ai placé un doigt manucuré sur mon pansement dans une pose classique de mannequin. « En vrai, je vous ai flanqué un coup de boule. J’avais juste oublié que je portais des talons. »
Les autres ont gloussé, M. Whitney a rougi un peu. Être petit n’est pas une tare, et dans des circonstances normales, je n’aurais pas tapé là où ça fait mal, mais vous voulez une mauvaise blague ? Voir une femme avec des points de suture et lui demander ce qu’elle a fait pour mettre son mari en colère.
Il y a deux scénarios possibles. Un : elle est heureuse en ménage et vous insultez leur relation. Deux : son mari est bel et bien violent et elle ne vous remerciera pas de l’avoir mise en danger en attirant l’attention sur elle. Quant à l’éventail des possibilités intermédiaires, il n’y en a pas une seule dans laquelle une blague sur les femmes battues est drôle.

Pour aller plus loin

• De Mary Robinette Kowal sur le RSF Blog : Vers les étoiles, « The Lady Astronaut of Mars », Lady Astronaute
• Lire les avis de Le Dragon galactique, Anudar, Gromovar, Cédric Jeanneret, Chut Maman Lit, Les lectures du maki, L’épaule d’Orion, Le Bibliocosme, Blog à part, De l’autre côté des livres…

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