Termush, côte Atlantique – Sven Holm

Termush, côte Atlantique

De Sven Holm

Robert Laffont – 160 pages. Traduction de Catherine Renaud. Audioletcure : 2 h 32 min.

Apocalypse nucléaire

Dans un monde post-apocalyptique ravagé par une catastrophe nucléaire, les élites fortunées se sont retranchées dans la luxueuse station balnéaire de Termush. Dotée de caves transformées en abri antiradiation, de systèmes de surveillance sophistiqués pour l’époque (le roman est paru en 1967), l’hôtel offre un fragile sanctuaire, à l’abri du chaos extérieur. L’administration promet sécurité et confort à ses résidents, mais cette bulle de quiétude vacille lorsque des survivants démunis et malades se pressent aux portes de Termush. Les résidents  se retrouvent confrontés à des dilemmes moraux : doivent-ils ouvrir leurs portes à ceux qui implorent leur aide ou protéger leur sécurité leurs acquis chèrement acquis coûte que coûte ?

Peu à peu, la peur et le désespoir érodent les idéaux initiaux, provoquant des tensions et des conflits internes. Qui mérite d’être sauvé ? Jusqu’où peut-on aller pour assurer sa propre survie ? Tandis que les ressources s’amenuisent, l’ordre établi commence à vaciller. Les relations se dégradent, la paranoïa s’intensifie, et la violence, tant morale que physique, devient inévitable. L’isolement, combiné à la menace extérieure, transforme progressivement le microcosme de Termush en un lieu de suspicion et de défiance, où chaque décision révèle une brutalité latente sous les apparences de la civilisation. La promiscuité oppressante renforce une atmosphère de claustrophobie, exacerbant les effets psychologiques de l’enfermement et de la cohabitation forcée.

Journal d’un observateur

Le récit, raconté à travers le journal intime d’un homme dont on sait peu de choses, offre une plongée dans ses pensées. Ce choix narratif renforce l’immersion dans ses dilemmes éthiques et ses réflexions personnelles. Au travers de ses observations minutieuse, il analyse les événements, avec un regard à la fois froid et distant, ce qui accentue le malaise ressenti par le lecteur. Le journal met en lumière ses doutes croissants sur les décisions de la direction, notamment l’utilisation de sédatifs sur les résidents jugés « perturbateurs », et questionne la capacité des résidents à préserver leur humanité face à des conditions aussi extrêmes.

Sven Holm adopte une approche résolument psychologique dans un récit post-apocalyptique, se concentrant sur les dynamiques sociales et les dilemmes moraux qui émergent en situation de crise. Il privilégie l’introspection et l’analyse des interactions humaines, là où d’autres récits de ce genre misent sur l’action. Mais c’est précisément cette lenteur qui fait la force de l’œuvre : elle invite à une réflexion sur la nature humaine face à l’adversité, la perte d’humanité et sur le sens de la vie dans un monde en déclin.La voix légèrement caverneuse de Steve Driesen, combinée à son phrasé parfaitement maîtrisé, ajoute une profondeur supplémentaire à l’atmosphère déjà oppressante du récit.

À travers ce huis clos tendu, Termush soulève des questions intemporelles sur la survie, la morale et les inégalités sociales, ce qui en fait une œuvre aussi puissante que pertinente, dans un monde contemporain toujours confronté à des crises globales.ce qui en fait une œuvre aussi puissante que pertinente dans notre monde contemporain, toujours confronté à des crises globales. Le partage des ressources limitées et l’accueil des réfugiés sont des enjeux cruciaux, d’autant plus à l’heure où le réchauffement climatique risque d’intensifier les migrations et d’exacerber ces problématiques…

Un extrait

Durant l’après-midi, je suis allé voir le médecin qui avait soigné les étrangers. Il avait terminé ses examens, mais ne pensait pas que la vieille femme passerait la nuit. L’enfant aussi avait été touché par les radiations et de grandes parties de sa peau avaient été brûlées.
Je lui ai parlé de la pétition dans la salle à manger. On lui avait présenté la liste, mais il n’avait pas pensé qu’il aurait été possible d’obtenir autant de signatures. Il avait imaginé que le délégué et son groupe constituaient, comme il l’a dit, une minorité naturelle d’opportunistes.
J’ai estimé que c’était une estimation optimiste de sa part. Il a haussé les épaules et répondu ironiquement que la démocratie était basée sur le vote, et qu’il ne faisait donc pas confiance à la démocratie.
— J’ai tout à fait foi en la démocratie, ai-je rétorqué, mais je ne crois pas qu’on puisse considérer ce vote comme démocratique. Les électeurs en savaient trop peu sur les alternatives.
— Ils sont toujours trop mal informés, dit le médecin.
— Il est possible que vous ayez raison, ai-je répondu. Mais la démocratie repose sur certains principes de liberté, et ceux-ci sont souvent plus essentiels que certaines démonstrations de liberté. Ce vote était une simple démonstration de liberté, mais il allait à l’encontre du principe de liberté. Il a restreint la liberté des blessés, leur libre accès à l’aide. Par conséquent, je ne qualifierais pas ce vote de démocratique.
— Je comprends vos arguments, a dit le médecin, pourtant je doute qu’ils puissent servir à quelque chose.
— Il était seulement important pour moi de connaître votre position, ai-je répondu. Aux yeux de la direction, votre opinion est importante.
— Je ne suis pas impliqué dans les décisions de la direction, a dit le médecin, mais, naturellement, je donnerai mon avis si on me le demande. Vous comprenez, je suis employé ici au même titre que les cuisiniers et les agents de sécurité, à un salaire très élevé.

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