Ce qu’il advint du Reich de mille ans
De Jean-Pierre Andrevon & Bruno Pochesci
Flatland éditeur, collection La Fabrique d’horizons – 180 pp.
Ce qu’il advint du Reich de mille ans est un recueil d’uchronies signé Jean-Pierre Andrevon et Bruno Pochesci composé de deux novellas et d’une nouvelle. Il explore des variations historiques autour de la persistance du nazisme, proposant trois récits distincts mais thématiquement liés.
« Nazisme : les années américaines » de Jean-Pierre Andrevon
Dans cette uchronie glaçante, Hitler échappe à la chute de Berlin en 1945 et se réfugie aux États-Unis via l’Argentine. Protégé par J. Edgar Hoover, il parvient à implanter un nazisme à l’américaine, bénéficiant du climat anticommuniste du pays. Il rédige Mein Neuer Kampf tandis que Martin Bormann, son éminence grise, s’engage en politique et finit par être élu président à la place d’Eisenhower. L’URSS est détruite par une frappe préventive, consacrant la domination nazie sur le monde.
Le récit prend la forme d’un assemblage de journaux intimes, d’articles de presse et de rapports, créant une impression de véracité troublante. L’écriture froide et distanciée renforce l’effet glaçant du récit. La novella met en lumière la fragilité des démocraties face aux discours populistes. (toute ressemblance avec l’actualité…)
L’Anniversaire du Reich de mille ans de Jean-Pierre Andrevon
L’histoire se déroule en 2933, dans un monde entièrement dominé par le Reich. Alors que l’humanité s’apprête à célébrer les mille ans de l’Empire nazi, un vent de poussières commence à souffler, annonçant un bouleversement imminent. La nouvelle extrapole la promesse d’Hitler d’un Reich millénaire pour en faire une réalité sinistre. Une dystopie tout aussi glaçante que le premier texte.
L’Avenir derrière soi de Bruno Pochesci
Israël, au XXIe siècle, développe une machine à voyager dans le temps pour éliminer Hitler avant qu’il ne prenne le pouvoir. Cependant, chaque tentative engendre des conséquences inattendues : tuer Hitler trop tôt ne fait qu’engendrer d’autres leaders nazis tout aussi dangereux. Une intelligence artificielle surpuissante est alors sollicitée pour déterminer le moment idéal où intervenir sans provoquer d’effets secondaires cataclysmiques.
La novella explore les paradoxes temporels résultant de l’utilisation d’une machine à voyager dans le temps et souligne l’impossibilité de réécrire l’Histoire sans créer de nouvelles catastrophes. Un humour grinçant et des jeux de mots dédramatisent le propos tout en le rendant plus percutant.
Un incontournable en ces temps troublés
Ce qu’il advint du Reich de mille ans explore avec cohérence les dérives totalitaires et les conséquences de l’Histoire à travers trois approches complémentaires : politique, dystopique et temporelle. Il questionne le poids du passé, la facilité avec laquelle les idéologies totalitaires peuvent persister ou renaître et les conséquences de toute tentative de réécriture de l’Histoire. Plus qu’une simple réécriture du passé, il éclaire les enjeux contemporains et interroge notre rapport à l’Histoire et à ses répétitions. Et compte tenu du contexte politique actuel, il s’impose comme une lecture incontournable.
Une citation
Elle a dû modifier son destin une bonne dizaine de fois. Passant des trépas les plus gores aux changements de trajectoire les plus insolites, comme lorsqu’on lui a ordonné de faire en sorte qu’il soit reçu à l’académie des Beaux-Arts de Vienne, ou que la marche sur Rome de son précurseur et futur » modèle » Mussolini échoue. Mais rien n’y a fait. Chaque fois, une violente alternative judéophobe, aux thèses et terreau décidément bien ancrés dans l’époque, prenait la relève. Quel que fût son chef, le 1er septembre 1939 voyait encore et toujours une Allemagne revancharde envahir Danzig et déclencher la Seconde Guerre mondiale. Pire : le peintre raté se révélait parfois une option moins nuisible que d’autres. Avec des leaders alternatifs à sa tête, le Reich tenait le coup jusqu’à la fin des années 40, voire le début des années 50. Et même, dans une configuration épouvantablement unique, nazifiait le reste de la planète et avait les coudées franches pour perdurer !
Bref, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… Le mal renaissant toujours, la nuit des longs fachos aura de toute façon lieu et culminera avec Auschwitz-Birkenau.
Pour aller plus loin
- De Jean-Pierre Andrevon sur le RSF Blog : Anthologie des dystopies : les mondes indésirables de la littérature et du cinéma
- Lire les avis de : Le Nocher des livres, Sylvain Bonnet sur ActuSf
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C’est dur d’avoir réellement « envie » de le lire mais vu ce que tu en dis ça a l’air de dégager une puissance et une importance telles qu’en fait si.
En fait c’est puissant mais compte tenu du contexte actuel c’est assez dur à lire… (et le contexte actuel se « suffit » déjà bien à lui même en ce moment)